La version II risque-t-elle de faire des victimes ?
Suite à la
décision des pouvoirs publics de faire participer les importateurs de PC à
l’offre de l’«Ordinateur Familial», version II, l’inquiétude gagne les
industriels Tunisiens du secteur.
Explication : La version 1 avait permis à trois ou quatre sociétés d’émerger
et de rivaliser tant soi peu avec les grandes marques. On a aujourd’hui 3
sociétés certifiées ISO et d’autres certifications Microsoft aux normes
internationales (IGL, SAMI, ASTER, MICROLUX, MAXTER). Et c’est grâce au PC
familial que ces entreprises ont pu avoir un marché fiable, stable et qui a généré
des ressources considérables. Et sachant qu’il, y aurait une seconde
version, elles se sont engagées dans des plans de développement et de
restructuration ; en somme beaucoup d’investissements.
Cela a donc été une décision judicieuse qui a permis la création d’une
industrie informatique locale, ainsi que le prouvent les chiffres du
secrétariat d’Etat à la Technologie et aux Logiciels libres qui montrent que
48% des PC vendus en Tunisie sont fabriqués localement, ce qui a engendré
une valeur ajoutée locale respectable et une industrie employant une main-d’œuvre
qualifiée.
Au bout de 4 ans, nous assistons au démarrage de la version II du PC familial, avec
des ambitions plus grandes, puisque si le nombre d’accords pour le PC
familial de la version I était de 10.000 unités/an, la seconde version passe désormais à
20.000 unités/an (avec 5.000 PC offerts sur les finances de l’Etat aux
familles nécessiteuses). Ceci s’accompagne d’une grande souplesse au niveau
des accords BTS (dorénavant c’est 6 fois le Smig contre 3-4 fois pour la
1ère version, avec possibilité d’avoir deux PC par ménage).
Jusque là tout est presque parfait. Pourtant il y a un hic, car dans la
nouvelle version «la porte a été ouverte aux géants de l’industrie
mondiale», ce qui est de nature à handicaper les industriels Tunisiens,
parce qu’avant sur un deal standard ou un marché de concurrence, ces
industriels avaient leurs propres armes pour se battre contre les grandes
marques, à qualité égale, ils étaient 10-15% moins chers. Pour la
version II, cet avantage est purement et simplement annulé du fait que les
prix sont fixes et identiques pour tous les prétendants.
Conséquence : c’est tout l’élan d’une industrie naissante qui risque d’être
freiné.
Quoi qu’il en soit et en dépit des engagements de la Tunisie vis-à-vis des
instances internationales de commerce, les industriels concernés pensent que
les autorités Tunisiennes avaient la
possibilité de prévoir des mécanismes permettant de
sauvegarder ces acquis, à l’instar d’autres pays ; surtout qu’il s’agit d’une industrie considérée comme une locomotive
d’entraînement de par le monde. En effet, il semble légitime,
vu l’origine des fonds de la BTS (provenant en grande partie de donateurs
Tunisiens), d’octroyer un avantage particulier, au niveau du financement par des
crédits bon marché, aux producteurs nationaux.
Les consommateurs ne peuvent que saluer une telle initiative –car ils ont la
possibilité de choisir entre les marques locales et les marques importées-,
mais à observer de plus près, il peut y avoir quelques effets indésirables.
Nos industries locales de l’informatique ne sont pas suffisamment solides
pour compenser la perte éventuelle d’une partie de leurs sources de revenus
sur le marché local par des exportations. D’où d’éventuelles faillites à
craindre, et donc des suppressions d’emplois. On me dira que la perte de
quelques dizaines d’emplois n’est pas comparable au gain procuré à plusieurs
centaines de familles qui peuvent acquérir un PC «importé», ça c’est vrai.
L’inquiétude de nos industriels locaux vient du fait qu’ils pensent ne pas
pouvoir rivaliser avec les marques internationales qui possèdent
des capacités de production plus importantes ; mais nous ne devons pas, pour
autant, perdre de vue le fait que
la Tunisie est signataire des accords de l’OMC, et par voie de conséquence
a des obligations à honorer.