En Tunisie
et en Algérie les chaînes TV nationales respectives caracolent en tête des
audiences quotidiennes avec des taux de près de 48,3% pour Tunis 7 en
Tunisie au premier trimestre 2005 et 49,5% pour l’ENTV en Algérie.
Au Maroc, et selon la dernière enquête mensuelle réalisée par SIGMA Conseil
en avril 2005, le taux d’audience de la chaîne locale indépendante 2M est de
45,7% contre 21,1% pour TVM, la chaîne TV publique marocaine, qui demeure
tout de même la deuxième chaîne TV du pays en terme d’audience.
Dans l’ensemble des pays du Maghreb central, l’audience des chaînes
satellitaires est émiettée. En Tunisie et au Maroc, à l’inverse du cas
algérien, se sont les chaînes arabophones qui dominent l’audience des
chaînes reçues par l’antenne parabolique. En Algérie, les chaînes françaises
gardent un niveau respectable d’audience avec un taux de 22,6% pour TF1,
16,3% pour M6 et 8,4% pour France 2. Ces taux baissent à hauteur de 5% en
Tunisie et au Maroc pour TF1 et bien plus encore pour les autres chaînes
francophones (environ 3% pour M6 et 2% pour France 2). Au Maroc, TV5 est la
première chaîne francophone avec 5.1% d’audience.
En dehors d’Al Jazeera, dont l’audience reste stable en réalisant en Tunisie
et au Maroc un taux d’audience quotidienne proche de 10%, on a assisté à un
chamboulement des audiences des autres chaînes arabes. LBC international
continue à être soutenue, notamment en Tunisie et au Maroc, par son émission
phare : la fameuse Star Academy du producteur Endemol. Cette chaîne se place
en troisième position en terme d’audience en Tunisie avec 14,6% en moyenne
quotidienne sur les quatre premiers mois de l’année 2005 et 8,6% au Maroc (4ème
position). En Algérie, LBC n’obtient pas de très bons scores d’audiences
(moins de 3%).
Le plus grand perdant en terme d’audience c’est assurément la chaîne
satellitaire égyptienne Al Masria qui jadis était la deuxième chaîne en
Tunisie et la troisième au Maroc, elle se trouve aujourd’hui classé
respectivement 14ème et 6ème en un peu moins de 2 ans.
Rotana Cinéma,
Hannibal TV et MA3 : des succès et des échecs !
L’émergence au mois de janvier 2005 de la chaîne thématique Rotana Cinéma
constitue en effet l’événement télévisuel majeur du début de l’année avec un
fort taux d’audience dès son lancement en Tunisie de l’ordre de 15,9% en
moyenne, et se plaçant en deuxième position derrière la chaîne nationale
Tunis 7. Au Maroc, la chaîne d’origine saoudienne Rotana Cinéma fait une
audience de l’ordre de 7,2% arrivant en cinquième position.
L’événement télévisuel, a été aussi en Tunisie le lancement, le 13 février
2005, de la chaîne privée tunisienne satellitaire Hannibal qui n’a pas su
accaparer l’auditoire tunisien comme les sondages de pré lancement l’ont
montré. En effet, malgré une forte attente du public d’une nouvelle chaîne
indépendante avec la promesse d’un nouveau ton, d’une nouvelle approche,
d’un positionnement clair et bien ciblé par rapport à la chaîne publique
Tunis 7, la chaîne Hannibal TV est restée en deçà des attentes du large
public en réalisant bon an mal an des audiences quotidiennes oscillant entre
2 et 9%, portées par une à deux émissions phares : l’une dédiée au sport
(style polémique) et l’autre au talk show (polémique aussi !).
L’avenir de cette chaîne qui dépend essentiellement des recettes
publicitaires, est tributaire d’une refonte de la grille avec une
orientation clairement plus tunisienne, d’un soutien des pouvoirs publiques
par la programmation de certaines campagnes TV nationales à diffuser sur
cette chaîne et d’un climat de confiance à instaurer entre les annonceurs et
les responsables de la chaîne dans une logique de coproduction ou d’options
sur des productions locales. Au Maroc, la chaîne privée MA3 peine aussi à
décoller. L’industrie télévisuelle est capitalistique et peut s’avérer un
gouffre financier si on ne s’y prend pas d’une manière professionnelle et on
ne s’associe pas avec les meilleurs qui ont fait leur preuve de part le
monde en la matière.
Recettes
publicitaires 2004 : La domination du Maroc continue !
Investissement publicitaire
TV toujours en hausse
En 2004, les investissements
publicitaires TV des annonceurs en Algérie ont dépassé pour la première fois
celui des annonceurs TV en Tunisie avec respectivement 32 et 28 millions de
dinars tunisiens, bien loin des 220 millions de dinars de recettes
publicitaires TV au Maroc. Le Maroc représente ainsi, 80% du marché de la
publicité TV dans le Maghreb central.
Il ne faut pas imputer la cause
de cette domination au coût unitaire de l’achat d’espace publicitaire TV
puisque les 2 télévisions marocaines offrent un tarif de 2 435 DT (2M) et 2
135 DT (TVM) pour la diffusion d’un spot TV de 30 secondes en prime time,
contre 2 807 DT sur l’ENTV algérienne et 2 904 DT sur Tunis 7, ni même dans
les différences démographiques (un tunisien consomme trois fois plus qu’un
marocain de pots de yaourt par an !).
Les deux raisons essentielles de
l’importance relative de l’investissement publicitaire TV au Maroc résident
d’abord dans la part d’audience des chaînes locales avoisinant les 60%,
grâce notamment aux performances de la chaîne indépendante 2M (un modèle
dans le genre !) et d’autre part le Maroc offre un milieu d’affaires
ultralibéral propice à l’installation et le développement des activités des
multinationales de la grande consommation réputée publivore.
Le moteur du développement du
secteur : Les multinationales de la grande consommation
Maroc Telecom (Groupe français
Vivendi) et Medi Telecom (Groupe espagnol Telefonica) avec respectivement 40
et 20 millions de dinars de dépenses publicitaires TV représentent à eux 2
près de 25% de la publicité TV au Maroc.
En Algérie, le secteur des
détergents et des cosmétiques où les plus grandes multinationales sont
représentées représente 15% des investissements publicitaires TV avec pour
l’Allemand Henkel 2.4 millions de DT, l’anglo-néerlandais Unilever 2.4
millions de DT également et enfin l’Américain Procter & Gamble avec 1.8
millions de DT.
En Tunisie, le consortium
Egypto-koweitien « Tunisiana » domine les dépenses publicitaires TV avec 2.3
millions de DT en 2004, suivi du français Danone avec 1.8 millions de DT et
l’américain Coca Cola avec près d’un million de dinars d’investissements
publicitaires TV.
Quelques interrogations sur
le secteur
Plusieurs questions se posent à
nous, tunisiens, en matière de publicité TV : Dans quelle mesure la
majoration des spots étrangers reste-t-elle d’actualité, faut-il à ce titre
continuer à protéger les industriels qui ont fait le pari d’investir « en
dur » en Tunisie pour préserver des emplois industriels ou jouer la carte de
l’ouverture à la mondialisation tout azimuts avec l’opportunité d’une
accélération des recettes publicitaires mais le risque sur certains de nos
emplois ? Jusqu’à quand Canal 21 continuera-t-elle sa léthargie (4,2%
d’audience pour une chaîne terrestre hertzienne !), privant la télévision
nationale d’un gisement non négligeable de recettes publicitaires visant les
enfants et les jeunes ? Certains annonceurs, frustrés, ayant des produits
ciblant les enfants, n’hésitent plus à diffuser leurs spots publicitaires
sur des chaînes comme Spacetoon, leader de l’audience TV auprès des enfants
avec 33% de pénétration par jour en Tunisie chez les moins de 12 ans ou
encore sur ART pour cibler les jeunes férus de football.
L’effort de l’ANPA (Agence
Nationale de la Promotion de l’Audiovisuelle), régie publicitaire de l’ERTT
est indéniable pour collecter le maximum de fond venant des recettes
publicitaires pour les allouer à la production audiovisuelle nationale et
l’achat d’émissions étrangères, mais il lui faudrait plus de moyens tant
humains qu’organisationnels pour canaliser les ventes d’espaces
publicitaires d’une manière optimale (c’est comme même une machine de près
de 30 millions de dinars de recettes) et mieux programmer la production
audiovisuelle où ramadan accapare une place majeure (5 millions de
dépenses). L’externalisation de certaines activités pourrait être
envisageable pour donner plus d’efficacité à cette institution qui a, il
faut le reconnaître, tant fait pour la promotion du secteur publicitaire en
Tunisie.
Enfin, les responsables de la
télévision tunisienne, les annonceurs, les centrales d’achat d’espaces
publicitaires, les agences de communication devraient se concerter davantage
pour développer le secteur de la publicité TV qui est devenu un indicateur
fort de la vitalité de l’économie nationale et de son ouverture. Le ratio
investissement publicitaire per capita en Tunisie (5 dinars par an par
habitant) est relativement bas par rapport à des économies comparables.
Plusieurs chantiers, en effet, sont à anticiper : le projet de télévision
numérique terrestre et l’opportunité qu’il apporte par l’ultra ciblage, le
bartering (échange émission contre espace publicitaire), une charte pour une
éthique publicitaire avec des sujets aussi sensibles que la protection de
l’enfance, le respect d’autrui, la concurrence loyale, etc.