Maroc, Tunisie et Turquie : la tourmente face à la concurrence chinoise
Doit-on se résigner et admettre qu’«à l’impossible nul n’est tenu» face à la
concurrence chinoise dont les coûts de production sont de loin des plus bas
au monde ? Mais que faire du moment où toute la communauté internationale,
aveuglée ou plutôt surestimant ses capacités, avait voté la fin des Accords
multifibres en janvier 2005, permettant ainsi au géant chinois d’inonder les
marchés américain, européen et méditerranéens de produits textiles ?
En tout cas, les produits textiles chinois, suite à la fin des Accords
multifibres, font plus mal aux producteurs de textiles du pourtour
méditerranéen, notamment tunisiens, marocains et turcs. Puisqu’à la
différence de leurs homologues européens ou américains (qui peuvent
délocaliser leur production en Chine même), les industriels du secteur de ce
côté-ci de la Méditerranée n’ont aucune –ou très peu- de marge de manœuvre
pour limiter les dégâts. Aujourd’hui donc, le textile chinois fait plus que
jamais trembler les pays du pourtour méditerranéen, au rang desquels se
trouvent le Maroc, la Tunisie et la Turquie, qui exportaient jusque-là 90%
de leur production vers les marchés de l’Union européenne.
Si rien n’est fait, c’est environ un tiers des emplois de la zone qui risque
d’être affectée, puisque le secteur textile/habillement emploie 7 millions
de personnes.
Malheureusement, la situation semble perdue d’avance, d’autant que la
bataille doit se faire sur les coûts, puisque le salaire d’une ouvrière de
confection au Maroc ou en Tunisie est d’environ 200 euros par mois, contre
20 ou 25 euros en Chine. L’écart est trop grand pour espérer une issue.
Alors faudrait-il peut-être adopter une nouvelle stratégie, à savoir se
lancer dans la fabrication de très courts délais des petites séries, ce que
les Chinois n’arrivent pas à faire avec leurs gros volumes.
Mais là aussi il y a un risque, puisque les Chinois ont toujours plusieurs
cordes dans leur sac : ils pourraient bien profiter de la libéralisation
–encore elle- des marchés pour délocaliser leur production chez nous. On me
dira que c’est un scénario fou, mais il ne faudrait pas l’écarter.
Déjà, trois pays (la Tunisie, le Maroc et l’Egypte) ont demandé l’aide de
l’Union européenne pour aire face aux produits chinois, mais à notre
connaissance cette demande n’a pas eu de suite. Cette demande concernerait
notamment la formation dans la filière du textile, car pour fabriquer des
produits haut de gamme, il faut une plus grande expertise. Mais les pays de
la rive sud de la Méditerranée souhaiteraient également participer aux
programmes européens de Recherche et Développement dans le secteur du
textile/habillement.