Le Compte Epargne en Actions : Pourquoi ça ne décolle pas ?

Par : Autres

Le Compte Epargne en Actions : Pourquoi ça ne décolle pas ?

 


cea_24052005.jpgSix ans, jour pour jour, après son lancement, le bilan du Compte Epargne
Actions (CEA) est maigre, car seulement 2. 000 comptes CEA ont été ouverts,
pour un volume de près de 19,5 millions de dinars à fin 2004. Sa création
visait, essentiellement, la stimulation de l’offre et de la demande afin de
développer le marché financier. Des améliorations substantielles ont été
apportées, notamment en 2004, mais cela ne semble pas avoir eu les effets
escomptés. Alors pourquoi un produit, devant constituer un aussi important
gisement de rentabilité pour les banques ne s’est pas développé ? Est-ce un
problème d’information, de méconnaissance, de non maîtrise du produit par
les distributeurs (essentiellement les banques et le intermédiaires en
Bourse), de son ignorance par le public, de manque de culture du Tunisien du
produit financier en général, ou bien par faute de la logistique à mettre en
place ?

Pour répondre à toutes ces questions –et à bien d’autres-, nous avons
rencontré M. Hamza Knani, président de l’Association des Intermédiaires en
Bourse (AIB).

D’emblée, M. Hamza Knani attribue le non développement du CEA, en grande
partie, à la non maîtrise du produit par les distributeurs, ce qui conduit
inévitablement à son ignorance par le public.

Il explique aussi que le CEA est un produit censé développer l’épargne en
général, et surtout l’épargne longue en particulier. «C’est d’ailleurs
l’objectif de toutes les lois sur la multiplication des instruments
accumulateurs de l’épargne longue afin de renforcer les fonds propres des
entreprises», souligne-t-il.

Ceci est d’autant plus vrai que la loi 99-92 du 17 août 1999, tout en visant
la relance du marché financier, avait institué le Compte Epargne Actions
pour encourager l’épargne investie en actions admises à la cote et avait
accordé des avantages fiscaux aux entreprises qui s’introduisent en Bourse
en diffusant 30% de leur capital dans le public (réduction de l’impôt sur
les sociétés de 35 à 20% pendant une période de 5 ans). On espérait ainsi
stimuler l’offre et la demande afin de développer le marché financier.

Quatre ans plus tard, on s’est rendu compte que le compte n’y est toujours
pas, alors on décida d’apporter quelques améliorations pour le CEA à travers
la loi des Finances pour le budget 2004 :

– déduction du revenu imposable de la totalité des fonds investis,
– élargissement de la fourchette jusqu’à 20.000 dinars.

Avec ces nouvelles dispositions, en termes de gain fiscal, le résultat est
on ne peu plus net. Par exemple, pour quelqu’un qui a un revenu de 8.000
dinars et qui souscrit un CEA de 2.500 dinars, son gain fiscal par an est de
450 dinars, soit un profit immédiat de 20%, sans tenir compte des
plus-values espérées et des dividendes et intérêts à encaisser.

Plusieurs freins

Malgré tous ses avantages, le Tunisien semble ignorer le CEA. Est-ce un
problème de méconnaissance ou de distribution ? Peut-être. Toujours est-il
que le produit n’a pas encore attiré grand monde. Beaucoup pensent que le
CEA est victime d’une mauvaise commercialisation aussi bien de la part des
intermédiaires en Bourse et des banques, et surtout de ces dernières qui
possèdent un réseau de près de mille agences à travers tout le territoire
national, alors qu’on ne compte qu’une vingtaine d’intermédiaires en Bourse.

Sur cette question, le président de l’AIB explique que, «après le lancement
du CEA, nous avons organisé plusieurs séminaires auxquels étaient invités
des gens du métier, de l’Administration et des journalistes pour expliquer
les avantages du CEA ; des efforts individuels ont même été faits par les
intermédiaires en Bourse pour la promotion du CEA».

Il a le sentiment, et l’expérience l’a montré, que finalement c’est par le
bouche-à-oreille que le CEA trouvera son salut : par exemple, un cadre dans
une banque qui dispose d’un CEA il le dit à son copain, à son entourage…Il
faut que toute la machine fonctionne en même temps et ensemble : les
distributeurs, l’Administration, l’AIB, les employeurs…

M. KNANI cite un autre exemple d’un organisme public où le CEA a été
introduit dernièrement : Le CNI (Centre national d’informatique) qui n’a
commencé à faire appliquer le CEA qu’en août 2004, alors que le produit
existait depuis 1999 ; il a fallu un travail d’information et de
vulgarisation énorme pour en arriver là.

Mais ce n’est pas seulement un problème de communication et de vulgarisation
dont est victime le CEA. En effet, le poids de l’endettement général des
salariés constitue un autre handicap au développement du CEA, qui s’ajoute à
l’ignorance du produit. Comprendre par là que le CEA est un problème de
revenu et non de déduction de l’investissement (en France l’équivalent du
CEA en Tunisie n’a de faveur fiscale qu’au niveau du revenu du
portefeuille).

Alors, puisque le Compte Epargne Actions concerne les produits de la Cote,
ne serait-il pas plus intéressant de le généraliser dans toutes les
entreprises de la Cote ? Oui mais… Car à ce niveau, force est de reconnaître
qu’aujourd’hui l’épargne salariale n’est pas réglementée, le compte épargne
entreprise n’existe pas actuellement, bien que les acteurs du marché
financiers l’aient sollicité depuis 1996… A part la Banque de Tunisie qui a
une tradition d’épargne salariale et qui a saisi l’opportunité de la faire
entrer dans le cadre du CEA. De même la société ASSAD lors de son
introduction en Bourse a stimulé ses cadres à avoir des CEA. Elle enregistre
aujourd’hui plus de 70 comptes, c’est peu, mais c’est 18% de l’effectif (400
salariés). C’est très encourageant.

Tout ceci voudrait dire qu’il est nécessaire qu’il y ait un encouragement et
un effort particulier de la part des entreprises… C’est en tout cas beaucoup
plus intéressant d’ouvrir un CEA pour un salarié que de lui donner des
avances pour l’achat d’un mouton pour l’Aïd.

Toujours dans son explication, M. Knani fait référence à la loi Monory en
1978 en France. Que dit en substance la loi Monory ? La part des Fonds
propres des entreprises françaises en 1978, exceptées les entreprises
financières, représentait 30% du total des passifs, alors qu’à la même
époque le Royaume-Uni était à presque 50% entre fonds propres et les autres
types de financements ; aux Etats-Unis les fonds propres représentaient près
de 58%. Donc la loi Monory visait le renforcement des fonds propres des
entreprises françaises. Cette loi a permis ainsi d’améliorer ce ratio de 30
à 42% ; toutefois, l’avantage était limité, puisque la déduction ne portait
que sur 5.000 francs (environ 800 dinars). Ce qui veut dire qu’en termes
d’avantages, le CEA en Tunisie est nettement plus intéressant que celui de
la loi Monory.


Conclusion

Force est d’admettre que nous nous trouvons face à un problème de culture de
l’épargne, de la Bourse,… Tout ceci pour dire qu’il faut acquérir la
culture de l’épargne pour que le produit se développe. Et Compte tenu du
résultat actuel, la meilleure solution est de continuer à faire de la
promotion du CEA, de l’information, à impliquer davantage les banques et les
entreprises de la Cote. «Mais je reste convaincu que ça fera boule de neige
de bouche-à-oreille».

Par ailleurs, les banques doivent être en première ligne dans la promotion
du CEA, en mettant à contribution leurs agences.
 


Tallel Bahoury

 

 

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– 05 – 2005 :: 06:00  –  ©webmanagercenter