Démystifier l’épargne pour mieux répondre aux besoins essentiels du client

Par : Autres

Démystifier l’épargne pour mieux répondre aux besoins essentiels du client

 


bancas01062005.jpgEn marge de la «Journée des décideurs», portant sur le thème de la
«Bancassurance», organisée par l’Association professionnelle des banques
(APB) en collaboration avec l’agence Altime, Webmanagercenter a rencontré M.
Jacques Lenormand, connu pour être l’un des plus grand spécialiste de la
bancassurance.

Pourquoi cette irruption de la banque dans le métier des assurances ?

Jacques Lenormand : La bancassurance a démarré en France en 1986,
c’est quand même assez loin, c’est pourquoi il faut être prudent et ne pas
être effrayé, parce que la route est longue pour arriver à faire un nouveau
métier.

La bancassurance a été lancée en 1986 par le Crédit Agricole à travers une filiale qui s’appelle PREDICA et qui gère
l’assurance vie, puis 4 ans plus tard, elle crée une nouvelle filiale pour
gérer l’assurance auto et l’assurance habitation. Et en 20 ans, tant que sur
l’assurance vie que sur l’assurance auto et l’assurance habitation, cette
entreprise, a commencé à marquer des points très sérieux dans le domaine de la
bancassurance.

Alors, vous me diriez pourquoi ça marche la bancassurance ? Et pourquoi la
banque va faire le métier des assureurs ? C’est parce que de plus en plus on
s’aperçoit que les particuliers veulent faire ce qu’on appelle le
«workshopping», c’est-à-dire le fait d’entrer dans le même magasin faire
tous leurs achats, au même moment, autrement dit une sorte de supermarché de
la finance.
 

Il est nécessaire de créer des Workshoppings, une sorte de supermarché
des produits de la finance

Donc, les banques ont tendance, effectivement, à multiplier les offres,
non pas pour concurrencer les autres –même si cela leur rapporte de
l’argent et augmente leur revenu-, mais elles disent que : «plus je vais
équiper mon client, répondre à ses besoins, plus il y aura de produits
chez moi…, plus le client sera fidèle».

 

En fin de compte, c’est une politique qui consiste à dire que traiter une
demande de protection de mes biens n’est pas différente d’une
demande de protection de mon épargne ou de ma carte bancaire. Parce qu’en
fait, si on résume, c’est que, au-delà du crédit bancaire et du besoin
marketing du client, on s’aperçoit que ce sont les mêmes besoins
fondamentaux : en matière d’épargne (profiter de mon argent), en matière de
santé (protéger mon bien-être), en matière d’assurance (protéger mes biens).

Quand on discute de façon simple et qu’on oublie la technique “produit”, on
s’aperçoit finalement que la bancassurance n’est qu’un outil de plus pour
répondre aux besoins du client de la banque.

Faut-il alors mettre en place de nouveaux outils législatifs pour
accompagner tout cela ?

Jacques Lenormand : D’après ce qu’on m’a dit, vous avez déjà franchi ce
premier pas en Tunisie, car il semblerait que des textes réglementaires
existent aujourd’hui permettant aux banques de vendre des produits de
l’assurance vie ; c’est un premier pas. Ceci dit, elles n’ont pas la
possibilité de vendre d’autres produits d’assurance, telle que l’assurance
auto…

 

A la limite je dirai que c’est bien de ne pas avoir tout en même
temps, puisque vouloir faire tout en même temps risque d’être compliqué ; il
faut donc commencer par faire l’assurance vie en complément des autres
offres bancaires, cela me paraît la bonne étape et la bonne démarche.
Ensuite, ce sera l’assurance auto et l’assurance mutuelle
habitation.

Y a-t-il des pièges à éviter ?

Jacques Lenormand : Bien évidemment, puisque dans l’assurance vie
comme dans tout nouveau métier, il y a deux pièges à éviter : d’abord faire
de la chose une montagne et se dire que ce n’est pas possible, ou à
l’inverse penser que ce sera très facile à faire. Par exemple, tout à
l’heure j’évoquais le cas du Crédit Agricole qui a commencé il y a 20 ans :
jusqu’à présent il n’a que 11% de part de marché en assurance vie alors
qu’il a 23% de part de marché dans la banque en France. C’est pour vous dire
qu’il faut faire attention, c’est un long chemin. Il faut avant tout se
préoccuper du système d’information.

Ceci voudrait dire qu’il ne faut pas sous-estimer les systèmes d’information
mais sans pour autant en faire un problème monumental. Ensuite, il faut
avoir une bonne gestion financière des produits d’assurance vie, parce que
si les gens sont attirés par l’assurance vie, en France en tout cas, c’est
parce qu’il s’agit d’un produit sûr, qui prépare la retraite. Enfin, il faut
bien préparer les réseaux de vente, bien leur expliquer l’assurance vie,
leur faire bénéficier de cette assurance vie pour qu’ils puissent en parler
de ses bénéfices et de ses avantages supplémentaires.

Dans les pays développés, l’épargne fait partie des traditions, mais pas
forcément dans nos pays. Dans ce cas, comment peut-on développer le produit
d’assurance-vie ? Autrement dit, est-ce que vous avez des exemples de pays
en développement où ce produit s’est réellement développé ?

Jacques Lenormand : Franchement, là vous me posez une colle, car je
n’ai pas de référence pour vous répondre ; je connais essentiellement le
marché européen. Je ne peux pas vous dire dans quel pays du tiers monde la
bancassurance a réussi. Ceci étant, je pense que tous les pays vont avoir
les mêmes problèmes et les mêmes problématiques, donc cela doit se passer
par une pédagogie de l’épargne ; il faut apprendre aux gens à souscrire à une
épargne souple, c’est-à-dire qui ne soit pas bloquée afin de leur permettre
d’y
puiser quand ils ont un coup dur ou un coup de cœur. A partir de là, je
pense qu’ils seront prêts à constituer une épargne, quitte à la consommer
six mois ou un an après. Il est donc nécessaire de faire cette éducation,
cette pédagogie.
 

Pour que les gens s’intéressent à
l’assurance vie ou longue, il faut leur apprendre à avoir une épargne
souple, à travers une éducation et une pédagogie

Gérard Maillet : Ce qu’on peut ajouter, c’est que la CNP, un des
acteurs clés dans ce domaine en France, est partie à la conquête de pays
dits émergents souvent en association avec des compétences locales
(Pologne, Chine, les pays de l’Amérique du Sud…).

 

Même si a priori on n’imagine pas qu’il y ait un potentiel, ce qu’il faut
c’est faire le marketing de l’offre, parce qu’on retiendra de l’assurance
vie l’approche; c’est une épargne plus ou moins colorée, il y a des
problèmes de santé dont il faut tenir compte, des problèmes d’étude,
l’acquisition de logement. Qu’on lui donne une coloration d’épargne vie ou
une coloration plus générique d’épargne courte, une consommation à moyen
terme, tout ceci représente un potentiel, mais il faut regarder la
rentabilité de l’opération, les montants en jeu. D’où l’intérêt de
travailler d’entrée de jeu sur des objectifs industriels : il faut que la
fabrication et la gestion de cette offre soit au coût le plus bas et possède la
meilleure qualité,…

Qu’est-ce qu’il faut pour commencer à introduire l’assurance vie dans un
réseau ?

Jacques Lenormand : Il faut d’abord simplifier et dire que c’est un
produit qui s’adapte à toutes les situations, qui peut répondre à tous les
besoins de l’épargne. C’est pourquoi je regrette qu’on parle le plus souvent
de technique en parlant d’assurance vie alors que je préférerais qu’on parle
d’épargne longue. Je pense que vous avez posé la bonne question, à savoir
«est-ce que la Tunisie a aujourd’hui une appétence pour une épargne un peu
plus longue ?» parce qu’aborder la question d’assurance vie par la technique
ne mène pas très loin, c’est un problème de banquier. Moi client, quand
j’achète une voiture, je veux qu’elle démarre, marche… ; pour l’électronique
qu’il y a dedans, je fais confiance à mon revendeur. Tout ceci pour dire
qu’il faut simplifier au maximum possible les problèmes de l’épargne.

D’ailleurs en France, il y a quelques années (au début des années 90), pour
simplifier l’épargne afin que les gens la comprennent bien, j’avais mis des
codes couleurs pour identifier les besoins fondamentaux d’épargne: l’épargne
jaune (c’est une épargne simple et accessible comme le soleil), l’épargne
mauve (c’est un peu plus long, plus prolongé), l’épargne bleue (c’est
l’épargne tournée vers l’horizon, l’épargne longue qui va valoriser le
capital) et l’épargne verte (c’est l’épargne qui symbolise la tranquillité),
et derrière chaque couleur correspondait un besoin fondamental. Cela a eu un
succès fou, puisqu’on avait fait 48% de part de marché en un an.
 

La simplification de l’épargne, par
l’association des couleurs aux besoins fondamentaux des clients, avait
permis au Crédit Agricole de réaliser 48% de part de marché en un an

Donc, vous avez remarqué que je ne parle pas de technique mais de
couleur, de besoin. Alors, si on veut faire évoluer les gens vers
l’épargne et la bancassurance, il faut démystifier la technique. Il faut
plutôt essayer de répondre aux besoins des clients en leur expliquant de
façon simple les avantages de l’assurance vie, l’importance qu’il y a à
épargner. Toutefois, en cas d’une demande venant d’un client pour une
explication technique, le banquier doit être en mesure de répondre.

 

Mais avant tout, le banquier doit poser des questions du genre : «Quel est
votre besoin ? Pourquoi voulez-vous épargner ? Pourquoi je vous incite à
épargner ?» C’est parce que vous avez un projet, vous avez une petite envie
dans six mois de changer votre voiture mais que vous ne voulez pas prendre
tout à crédit, parce que vous avez des revenus qui vont diminuer parce que
votre femme arrête de travailler… Ce sont donc des choses simples qu’on
n’aborde pas assez, préférant rendre technique –quelque chose qui est
technique certes sur le fond- mais qui est le métier du banquier ou de
l’assureur.

Dans cette nouvelle forme de commercialisation de l’assurance par la
banque, est-ce qu’il ne peut pas y avoir de conflit d’intérêt entre les
banques et les sociétés d’assurances ?

Jacques Lenormand : Il y a forcément, au début, un conflit d’intérêt.
Sur le marché tunisien, il y a quand même beaucoup de banques et de sociétés
d’assurances, et il est facile de trouver des métiers. Comme cela a été le
cas en France, en Tunisie banquiers et assureurs pourraient se dire que
c’est l’occasion de grandir ensemble et de grandir le gâteau, au lieu de se
battre pour partager celui qui existe.

 

En Tunisie,  banquiers et assureurs
pourraient  saisir l’occasion de grandir ensemble et de grandir le
gâteau, au lieu de se battre pour partager celui qui existe

Donc au début, c’est normal que les assureurs disent que les banquiers
sont en train de venir sur leur territoire, mais avec un peu de
réflexion et de bon sens, on trouverait que c’est très rentable de créer
de grosses usines de production et de gestion de produits au lieu que
chacun dans son coin essaye d’acheter une chaîne informatique qui coûte
évidemment très cher.

Gérard Maillet : Toujours dans le même ordre d’idées mais par rapport
à la procédure, il faut prendre en compte la complémentarité des médias de
change et de ne pas opposer de la technologie à la relation humaine.

 

Propos recueillis par

Tallel Bahoury

 

 

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– 05 – 2005 :: 07:00  –  ©webmanagercenter