Pour la première fois, un
groupe tunisien autorise un chercheur à étudier son mode d’organisation et
de fonctionnement
Vivons
cachés, vivons heureux. Alors qu’ils étaient jusqu’ici d’une totale
discrétion, à l’instar de la plupart des dirigeants d’entreprises
tunisiennes, les responsables du groupe Poulina ont accepté de lever un coin
du voile sur la manière dont leur groupe est organisé et fonctionne. Le
«privilège» de «fourrer son nez» dans les affaires de l’un des plus anciens
et plus grands a été accordé par la direction de Poulina à Mlle Héla Yousfi,
une Tunisienne travaillant comme chercheur au CNRS, elle a travaillé en
collaboration avec Ewa Filipiak, économiste au développement de la
recherche, et Hervé Bougault, responsable de la division Recherche
économique et sociale à l’AFD.
Le livre concocté par ce trio, intitulé «Poulina, un management tunisien»,
publié par l’Agence Française de Développement (AFD), dans sa collection
«Notes et Documents», analyse l’organisation et le management du groupe.
Héla Yousfi a séjourné au sein du groupe à deux reprises en mai-juin 2003 et
réalisé 40 entretiens «avec des représentants de différents niveaux
hiérarchiques». Elle n’a pas manqué de saluer «la prédisposition de Poulina
à jouer la transparence. Je ne connais pas beaucoup de groupes qui
accepteraient qu’un étranger vienne enquêter au sein de leur groupe et poser
des questions à leurs employés».
Ce travail s’inscrit «dans un vaste programme (de l’AFD) sur la manière dont
le management doit s’adapter aux spécificités locales», indique Philippe
d’Irribarne, responsable du centre de recherche Gestion & Société du CNRS,
qui a préfacé le livre. Et Poulina a été choisi comme objet d’étude parce
que le groupe est l’un des rares, dans le monde, à avoir su éviter les deux
abîmes où ils risquaient de tomber : «l’abîme de la personnalisation des
relations, avec comme travers le clientélisme et les mesures arbitraires»,
et celui d’un «système bureaucratique rigoureux» où tous les individus,
qu’ils fassent des efforts ou pas, sont traités de la même manière.
Plus concrètement, Mlle Yousfi impute la réussite de Poulina à un mélange
efficace de «méthodes de gestion modernes» dites «américaines» et de
«manières de faire locales, spécifiquement «tunisiennes». Chakib Nouira,
président de l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE), et,
rappelle-t-il, «banquier du groupe», pense que «Poulina ce n’est pas le
système, c’est l’ouverture et la transparence».
Maher Kallel, numéro deux du groupe, explique quant à lui que «Poulina
s’articule autour d’une vision, de valeurs et d’un système». Et que ce
système fonctionnera, aujourd’hui que Poulina est face au défi de
l’internationalisation, dans une filiale en Algérie ou en Libye.