– Q : Mais que deviens tu ? tu nous snobes, tu réponds plus au téléphone
– R : Non, la ligne est coupée
– Q : Mais pourquoi t’as pas payé la facture
– R : Parce que le chèque que j’ai donné est retourné impayé
– Q : C’est pas dans tes habitudes je sais que tu gères bien
– R : Un client sérieux m’a donné un chèque que j ai versé et son chèque est retourné impayé et du coup le mien aussi
– Q : Mais alors, qu’as-tu fait ?
– R : Je l’ai appelé, son portable ne répond plus, il aurait déménagé, et ensuite on a commencé par me couper le téléphone très vite, il paraît que notre Actel a 8 milliards de contentieux, et dans pas longtemps ce sera l’électricité et l’eau et le propriétaire me regarde de travers, et les ouvriers patientent comme moi
– Q : Et pour ton chèque qu’as-tu fait ?
– R : J’ai pas d’argent pour le régler ni les 50% d’amende, je passe quand même au tribunal sinon au bout de 3 mois c’est la tôle assurée.
– Q : Que Dieu te garde, je fais partie de tes amis et je te les prête en espèces et tu rembourses quand tu veux
– R : Merci, mais tu vas attendre des mois et des mois
– Q : Mais tu m’as dit que tu avais 2 années de commandes et je vois que tu as beaucoup de factures à émettre et c’est des gros montants
– R : Oui j’ai 24 mois de commandes et 12 mois d’impayés car il y a les factures qui seront réglées rapidement au bout de 90 jours, il y a celles que je ne peux toucher qu’après avoir remis l’attestation X au client et ce sont les plus grosses et il y aura toujours les clients douteux qui disparaîtront avec la marchandise comme celui dont on parlait ou me donneront un chèque qui reviendra impayé ; on n’est pas sorti de l’auberge
– Q : C’est quoi cette attestation X
– R : C’est simple, il faut payer une cotisation à l’organisme Y sinon les factures restent bloquées
– Q : Mais où est le problème, pourquoi tu n’as pas cette attestation X ?
– R : Parce que pour l’avoir il faut payer le solde de l’organisme Y
– Q : Mais pourquoi tu l’as pas payé ?
– R : Mais parce qu’il faut de l’argent
– Q : Mais cet argent il est où ?
– R : Il est chez le client qui ne peut pas me payer sans cette attestation X, c’est la loi
– Q : Et ta banque, elle fait pas des avances sur factures ?
– R : Elle sait que j’ai des commandes, elle me retourne mes chèques et elle ne fait plus d’avances sur factures
– Q : Et pourquoi ?
– R : Parce qu’elle s’est retrouvée avec des avances sur factures qui n’ont jamais été restitués
– Q : Et pourquoi ?
– R : Il y a qui ont dévié les virements, y en a qui attendent que les factures passent devant des commissions inréunissables qui doivent se réunir, y en a qui, y en a qui , et ça traîne des mois et des années
– Q : Alors qu’ est-ce que tu fais ?
– R : Je compte les jours
– Q : Les jours de quoi ?
– R : Les jours de pénalité
– Q : C’est encore quoi cette histoire ?
– R : Quand tu paies en retard Y, on te compte 15% de pénalité par trimestre
– Q : Quoi !
– R : au bout de 463 jours, on paie 100% du principal en pénalité
– Q : Et alors ?
– R : C’est simple, on donne la clé et le paillasson
– Q : Et qu’est-ce que tu feras toi qui es toujours dynamique ?
– R : Rien
– Q : Mais rien ne mène à rien
– R : Mais j’y suis déjà …
Ce dialogue de sourds qui aurait pu durer des pages et des pages du WMC est quasi permanent et il me semble même régulier et beaucoup de petites boites en souffrent de cette série de blocages qui font que lorsqu’on travaille sans beaucoup de trésorerie c’est comme l’équilibriste sur son fil à 30 mètres du sol sans son filin de sauvegarde, alors, quand il s’écroule, ça fera l’objet d’un petit encart dans la presse où on vous donnera l’adresse d’huissier liquidateur ou d’un syndic de faillite.
Or une économie est bâtie sur les petites entreprises qui, avec moins de 10 voire de 5 employés, font tourner le pays, mais quand on les bloque, c’est comme si on supprimait la Ventoline à un asthmatique ; or savez-vous qu’en Tunisie c’est le pays où la Ventoline est la moins chère au monde -30% du prix dans les autres pays d’Afrique et d’Europe– car heureusement nos médecins savent ce que c’est qu’un emphysème …
Ibtissem