Les déboires de la filiale mauritanienne de Tunisie Télécom
Mattel est le premier opérateur
mobile mauritanien privé, une filiale de Tunisie Télécom; mais on ignore tout, ou presque, sur ses activités.
Toutefois, à regarder de près, on verra que tout ne va pas dans le meilleur des
mondes pour cet opérateur. On remarque également, quand on se penche davantage, que certaines offres commerciales proposées par Mattel sont nettement
plus concurrentielles et plus attractives que celles offertes par la maison
mère. Il est vrai que Mattel évolue dans un environnement concurrentiel sur
un petit marché et une autorité de régulation qui veille au grain.
C’est ainsi que, concernant les offres proposées par Mattel,
on découvre le «Service anonymat» permettant au client de cacher son numéro
de téléphone au moment où il appelle son interlocuteur (mais on avoue que
c’est un service dont on se passe en Tunisie afin d’éviter les appels
malencontreux), le «plafonnement des consommations» (permettant de limiter
sa facture, des crédits supérieurs au montant de l’achat de la carte,
jusqu’à 30% de plus gratuitement en fonction du montant de la carte), des
frais d’abonnement mensuels gratuits pour certains abonnements du postpayé
et des tarifs réduits de 50% au sein d’un groupe fermé. Pour dire vrai, et
afin de rendre à César ce qui lui appartient, Tunisie Télécom propose
certains services à ses abonnés non encore disponibles chez sa filiale
Mattel. On le redit, à chaque marché ses spécificités.
Pour ce qui est des déboires de Mattel (mais aussi de son concurrent
Mauritel Mobiles), on apprend qu’il n’y a pas un respect du cahier des
charges le liant à l’Etat mauritanien, ce qui a carrément poussé l’Autorité
de régulation à prononcer des sanctions pécuniaires après des mises en
demeure !
L’avis de M. Moustapha Ould Cheikh Mohamedou, président du Conseil National
de Régulation mauritanien est, quant à lui, sans appel aussi bien pour
Mattel que pour Mauritel Mobiles.
Ainsi, dans son dernier bulletin d’information, M. Mohamedou écrit : «On
sait que la qualité de service des opérateurs, mobiles en particulier, a
donné et continue de donner beaucoup de soucis à l’Autorité ; préoccupés
avant tout d’occuper du “ terrain” avant leur concurrent, ils vendent à
brassées larges des services qu’ils ne peuvent accomplir à satisfaction;
tant pis pour le client, pressé par le besoin de communiquer à tout prix; et
ils prétendent, en outre, que la demande est en voie de saturation !».
Las de leur faire entendre raison, le président agite le spectre de la
concurrence (autrement dit, intégrer un troisième opérateur sur le marché),
mais là il se voit entendre par les deux opérateurs qu’ils courent la
faillite alors que le président de CNR est convaincu qu’ils ont tous les deux «passablement
amorti l’essentiel de leurs investissements sans être encore qu’au tiers de
la durée de la licence».
Quant à la sanction pécuniaire imposée par l’autorité de régulation
mauritanienne, elle vient suite à une mise en demeure adressée aux deux
opérateurs sur les résultats d’enquêtes réalisées sur la qualité de leur service.
Des enquêtes qui ont montré une persistance des manquements aux engagements
prescrits dans les cahiers de charges de ces mêmes opérateurs.
Selon le cahier des charges, les opérateurs mauritaniens doivent enregistrer
un taux de perte d’appel maximum (GoS) de 5%, y compris lors d’évènements
générateurs d’une forte densité d’utilisateurs (congrès, conférences,
matchs, aïd, etc.). Or, pour Mattel, ce taux de perte a dépassé les 50% dans
deux régions, et les 18% dans sept régions. Suffisant pour que l’Autorité
de régulation mauritanienne décide la sanction d’autant plus que les
opérateurs disposaient d’une marge de tolérance pouvant aller jusqu’à 11% ! Résultat, elle a sanctionné Mattel pour
13,7 millions d’ouguiyas (100 ouguiyas = 0,492 dinar), soit environ 65.000
dinars tunisiens. Des sanctions, un peu plus lourdes, ont été également
prononcées contre le concurrent de Mattel, Mauritel Mobiles (sanction d’un
montant de 19,1 million d’ouguiyas.
Avant le prononcé de cette sanction, l’Autorité a adressé à Mattel une
lettre pour lui demander des explications. Considérant que les motifs
invoqués par l’opérateur privé n’étaient pas pertinents pour justifier les
manquements graves à ses obligations contractuelles, et considérant la
gravité des manquements relevés par rapport aux niveaux de performance
prescrits par le Cahier des Charges, d’une part, et leur conséquence
dommageable pour la communauté des utilisateurs, d’autre part, considérant
que la persistance des manquements relevés affecte sensiblement les
conditions de continuité du service, auxquels les utilisateurs étaient en
droit de s’attendre en souscrivant des abonnements auprès de l’opérateur,
l’autorité mauritanienne a décidé d’agir puisqu’il lui appartient de veiller
au respect des engagements découlant de la loi, des règlements et du Cahier
des Charges signés par l’opérateur.
Il faudrait aussi préciser que l’autorité n’a pas sanctionné dès le début
puisqu’elle a, à plusieurs reprises, porté lesdits manquements à la
connaissance des deux opérateurs en leur demandant d’y remédier. Et avant même ces dernières
sanctions, les deux opérateurs avaient dû essuyer une autre, quelques mois
auparavant !
Pour Mattel, il s’agissait toujours du taux de pertes d’appels qui ont
atteint 100% dans une région ! Pour cette région uniquement, la sanction
lui a valu une amende de 5 millions d’ouguiyas sur un total de 15,8 millions
d’ougiyas ! C’était il y a un peu plus d’un an !
L’Autorité de régulation mauritanienne ne compte pas laisser se poursuivre
cette situation puisqu’elle vient de lancer un appel
à manifestation d’intérêts pour le recrutement d’un Consultant qui sera
chargé de l’Audit (financier et étude des coûts) des opérateurs de
télécommunications. La date limite de dépôt des offres est fixée au 15
juillet 2005.
On voit donc clairement qu’une forte autorité de régulation aux aguets n’est
pas la garantie d’une efficacité maximale des opérateurs, puisqu’il y a des
manquements, mais il est évident que ces manquements auraient été nettement
plus graves si l’autorité était faible et ne communiquait pas ses résultats
au public.
– Décisions du conseil national
de régulation de Mauritanie n°03/04/CNR/DT et n°04/04/CNR/DT
– Bulletin d’Information de
l’Autorité de Régulation en République Islamique de Mauritanie – N° 10 –
Décembre 2004
– Les décisions de sanctions
concernent des problèmes de conformité aux normes de qualités des réseaux
GSM des 2 opérateurs télécoms de Mauritanie, à savoir Mattel et Mauritel
Mobiles. Ces sanctions font suite à des enquêtes effectuées dans différentes
agglomérations de la Mauritanie en 2002, 2003 et 2004.
Calcul du montant de la sanction :
– pour un taux de perte d’appels
inférieur ou égal à 5% il n’ y pas de manquement ;
– un taux de perte d’appels supérieur à 5% et inférieur à 11% a été jugé
tolérable pour le moment par l’Autorité de Régulation et n’a donc pas fait
l’objet de pénalité ;
– pour 100% de taux de perte d’appels, l’amende est de 5.000.000 UM
– Pour des taux de perte compris entre 11% et 100% l’amende est
proportionnelle aux taux relevé.