Afrique – téléphonie mobile : plus de 320 millions d’utilisateurs en 2010
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Par Tallel
BAHOURY
Question
incongrue pour certains, sensée pour d’autres. Toujours est-il que le
continent africain ne laisse pas indifférents les opérateurs de la
téléphonie mobile qui voient en lui un marché capable de booster leurs
ventes. Alors, la téléphonie mobile constitue-t-elle un facteur de
développement pour les Africains ? Ou bien un terreau pour multinationales
en quête de gains immédiats ?
La réponse à cette question n’est pas aisée puisque consommation ne veut pas
forcément dire développement et croissance, même si la consommation demeure
un indicateur de la vitalité d’une économie, du moins dans les pays
développés.
En tout cas, selon toutes les études rendues publiques, le continent
africain constitue la zone qui enregistre le taux de progression le plus
important au monde en matière de consommation de la téléphonie mobile
(aujourd’hui plus de 75% des téléphones en circulation sur le continent sont
des mobiles). De là à dire que l’Afrique est devenu le nouvel eldorado pour
les opérateurs de téléphonie mobile, il n’y a qu’un pas.
Tenez ! Par exemple au Nigeria, le plus grand pays du continent avec plus de
130 millions d’habitants, le marché des portables connaît 100% de croissance
par an.
Dernièrement, le Centre for Economic Research a réalisé un étude sur
l’impact du mobile en Afrique–étude sponsorisée par Vodaphone- qui indique
que 97% de la population en Tanzanie, par exemple, a accès à un téléphone
portable, alors que 28% seulement possède une ligne fixe.
Selon la même étude, le nombre d’abonnés sur le continent aurait crû de 47%
en 2004. Les experts estiment qu’il y en aura 96 millions à la fin 2006 et
près de 320 millions en 2010. D’où l’intérêt prononcé des opérateurs et
fabricants pour ce marché prometteur.
Ainsi, Celtel, opérant aujourd’hui dans treize pays d’Afrique subsaharienne,
est rentable depuis 2003. Vodacom, filiale de Vodaphone, compte près de 15
millions d’abonnés africains dans ses filets et nourrit d’autres ambitions.
Dans le même ordre d’idées, le géant néerlandais de la téléphonie mobile
Nokia a vu ses ventes augmenter de 25% en Afrique.
Le mobile et le bien-être économique et
social
Aujourd’hui, on n’hésite pas à
parler de «mobilemania» qui s’empare du continent, et qui serait loin d’être
un caprice. On considère que le portable est vital comme accélérateur de
développement sur un continent où le manque d’infrastructures demeure un
immense handicap, à tel point qu’il revient plus cher d’envoyer un colis
entre Conakry (en Guinée) et Mombassa (port kényan), qu’entre Conakry et
Washington.
D’ailleurs, d’aucuns disent que le mobile a permis de créer des voies
virtuelles reliant villages, communautés, villes les uns aux autres. Grâce
aux portables, les agriculteurs peuvent gérer au plus serré leurs récoltes.
C’est ainsi qu’au Sénégal par exemple, la Sonatel, l’opérateur local, a
développé une application permettant aux pêcheurs et aux paysans de vérifier
par eux-mêmes le cours mondial de leurs produits, au lieu d’être à la merci
d’intermédiaires tout juste bien intentionnés. De ce fait, ils peuvent faire
leurs offres directement par SMS : leurs revenus auraient augmenté de 30 à
70%.
Sur un autre plan, selon certaines analyses, les pays les mieux équipés en
portables auraient un revenu par habitant supérieur aux autres. Les
Africains se sont approprié cette technologie en un temps record, au point
d’en faire un business lucratif. En brousse, ceux qui ont la chance d’avoir
un portable le louent à la minute pour boucler leurs fins de mois.
Les cartes prépayées comme monnaie tapante
et trébuchante
Qui a dit que les Africains
n’étaient pas ingénieux ? Qu’il vienne en Afrique voir comment ces derniers
se débrouillent ! En effet, le continent africain serait en avance sur le
reste du monde en ce qui concerne l’utilisation des cartes de téléphone
prépayées comme monnaie électronique. Ne soyez pas étonné ! Voici comment
fonctionne le système.
Il s’agit d’un système on ne peut plus ingénieux. «La diaspora achète des
cartes prépayées et les envoie à leur famille en Afrique, qui peut les
vendre aux autres. Ainsi ces cartes deviennent une forme de monnaie qui
permet d’envoyer de l’argent du monde riche vers l’Afrique, sans avoir à
payer les commissions prélevées avec les méthodes de transfert habituel»,
relève le rapport de la Commission pour l’Afrique commis à la demande de
Tony Blair pour le G8 et qui consacre tout un chapitre à ce phénomène. Il va
même plus loin : «D’après les études réalisées, souligne-t-il, «lorsque 20%
de la population a la possibilité d’échanger des nouvelles et des idées par
portable ou par SMS, les régimes dictatoriaux ou totalitaires ont du mal à
garder le pouvoir».
Cependant, il est important de relativiser tout cela, car un pays où
l’électricité constitue une des denrées les plus rares ne peut pas connaître
une forte utilisation de la téléphonie –mobile ou fixe. Il faut également
ajouter que la plupart des économies africaines sont plus informelles
qu’organisées. Or pour que le développement profite au maximum de gens, il
est nécessaire d’avoir des circuits de production et de distribution bien
organisés.
Pour ce faire, un pays doit posséder une importante classe moyenne, une
administration aussi efficace que possible au service des citoyens, ce qui
suppose moins de corruption et surtout un respect rigoureux de la loi.
Dans ce cas, le développement sera durable, profitable, d’où un bien-être
social et économique !