Nécessité de la réforme du régime des retraites en Afrique du Nord
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Selon un nouveau rapport de la Banque mondiale publié le 23 août 2005, il
est urgent de réformer les systèmes de retraite au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord car ils sont soumis à des pressions financières croissantes.
Le rapport, intitulé «Les régimes de retraite au Moyen-Orient et en Afrique
du Nord : l’heure est au changement», est la première étude régionale
portant sur plus de 30 régimes de retraite dans 13 pays et préconise une
série de mesures qui permettraient aux gouvernements de réformer
progressivement des régimes de retraite dont ils ne peuvent assurer le
financement à terme, et d’éviter ainsi des crises à l’avenir.
Selon le nouveau rapport, les problèmes des régimes de retraite de la région
tiennent à leur faible taux de couverture, à la fragmentation de leur
administration et à la manière dont ces systèmes sont conçus, tous facteurs
ayant des incidences négatives sur les incitations et sur l’équité.
Le rapport donne à penser que ces systèmes de retraite essaient d’offrir des
prestations trop généreuses. En moyenne, les travailleurs, à la fin d’une
carrière complète, bénéficient d’une pension équivalant à 80% de leur revenu
avant le départ à la retraite. Ce taux est beaucoup plus élevé que les
pensions promises dans 24 pays à revenu élevé (ainsi que dans 10 pays
d’Europe orientale et d’Asie centrale et dans 9 pays d’Amérique latine et
des Caraïbes), où les pensions représentent, en moyenne, 57% des revenus
pendant la vie active.
«La crise du régime des retraite est souvent associée au vieillissement de
la population, ce qui est trompeur. Dans la région MENA où 60% de la
population est jeune, les régimes de retraite connaissent déjà des
difficultés financières», déclare M. Christian Poortman, Vice-président de
la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique. «Le problème est donc
d’ordre structurel et non démographique. C’est maintenant qu’il faut prendre
des mesures de réforme. Si la réforme du régime des retraites est remise à
plus tard, il faudra effectuer des ajustements majeurs par la suite et cela
aura pour conséquence de faire endosser le coût de la réforme aux
générations futures», a-t-il ajouté.
La réforme du régime des retraites n’a pas progressé au même rythme dans
l’ensemble de la région MENA. Certains pays comme l’Algérie, la Libye et la
Syrie en sont au tout début du processus de réforme ou n’ont pas encore
commencé à en débattre. Dans d’autres pays, tels que l’Iran, l’Irak, la
Tunisie et le Yémen, les débats sur les grandes orientations en sont à un
stade plus avancé mais une stratégie cohérente n’a pas encore été arrêtée.
Djibouti, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Cisjordanie et Gaza
par contre, ont fait des progrès importants dans ce domaine, en rédigeant
des législations novatrices et en introduisant des réformes structurelles.
Le rapport exhorte les pays qui en sont au tout début du processus de
réforme à évaluer de façon très complète les problèmes financiers auxquels
les systèmes de retraite sont confrontés. En l’absence de telles études de
base, il n’est pas possible d’engager le débat sur les avantages et les
inconvénients de différents programmes de réformes. Dans d’autres pays,
l’objectif immédiat est de passer des directives stratégiques à un plan de
réforme détaillé, ce qui exigera un travail d’analyse supplémentaire et la
recherche d’un consensus. Le dernier groupe doit encore consolider une
stratégie de réformes intégrée et passer au stade de l’exécution.
«Les pays de la région MENA sont très différents quant à leur situation
économique et politique, mais leurs systèmes de retraite ont en commun
d’importants problèmes liés à la conception et aux structures», affirme M.
David Robalino, économiste senior à la Banque mondiale et principal auteur
du rapport. «Il est possible d’arrêter un ensemble de normes minimales
auquel tout programme de réforme devra satisfaire; le contenu spécifique de
ces programmes devra clairement traduire les préférences sociales et être
compatible avec la situation économique du pays».
Le rapport fait ressortir que tous les pays ont des systèmes de retraite
liés aux revenus, financés par répartition, et qui datent de la fin des
années 60 et du début des années 70. Aucun changement n’a été apporté à la
structure des systèmes depuis lors. En moyenne, ces systèmes assurent une
couverture à 30% de la population active. Malgré ces niveaux de couverture
relativement modestes et le fait que seuls 5 à 10% des personnes âgées
touchent une retraite, les dépenses en pourcentage du produit intérieur brut
(PIB) sont déjà de l’ordre de 1 à 3%, ce qui est élevé compte tenu de la
proportion de la population âgée dans l’ensemble de la population.
En dépit des différences de structure démographique, tous les pays de la
région ont en commun une population relativement jeune. Un accroissement
rapide des rapports de dépendance économique des personnes âgées
n’interviendra que d’ici 15 à 20 ans. Cependant, indépendamment du processus
de vieillissement de la population, les systèmes de retraite se heurteront
tôt ou tard à des problèmes. Le vieillissement futur de la population ne
fera qu’aggraver la situation. La plupart des fonds de pension accumulent
d’énormes engagements de retraite non capitalisés qui ne peuvent être
soutenus et qui, en l’absence de réformes, devront être financés par les
générations futures.
En outre, les régimes de retraite se heurtent à des politiques qui
affaiblissent les incitations et qui redistribuent arbitrairement les
revenus entre les membres. L’administration des pensions est fragmentée et
il existe souvent deux régimes de retraite, voire davantage, pour différents
groupes de travailleurs. Ce procédé est coûteux et limite la mobilité de la
main-d’oeuvre. Le rapport souligne également les problèmes de gouvernance
favorisant des politiques d’investissement risquées, qui ne profitent pas
nécessairement aux membres.
Le rapport aborde également la question de l’égalité hommes-femmes au sein
des systèmes de retraite. Il révèle que dans toute la région, la législation
relative aux pensions offre aux femmes une plus grande souplesse quant aux
décisions de départ à la retraite et celles-ci bénéficient de prestations
aux survivants plus sécurisées, une politique qui repose sur l’hypothèse que
les hommes sont les principales sources de revenu des ménages. Cette
particularité de la législation a toutefois pour conséquence de rendre les
femmes plus vulnérables à la réforme du régime des retraites.
En effet, si l’objectif est d’avoir une législation qui traite les hommes et
les femmes sur un même pied d’égalité en matière de retraite, toute
modification des régimes actuels affectera davantage les femmes que les
hommes. Par conséquent, les décideurs devront mettre au point des mécanismes
qui tiennent compte de l’impact potentiel de telles réformes sur les femmes.
«Les leçons que l’on peut retirer de l’expérience internationale en matière
de réformes au cours des dix dernières années montrent qu’il n’y a pas
qu’une seule méthode valable –les pays peuvent choisir les différents
éléments d’un régime de retraite efficace en fonction de leurs besoins»,
déclare M. Robert Holzmann, Directeur du Groupe de la protection sociale à
la Banque mondiale, une autorité internationale en matière de réforme des
systèmes de retraite. «Ce qui ressort également, c’est la nécessité de
continuer à réduire la pauvreté, à éliminer le risque d’une chute rapide des
niveaux de vie et à protéger les populations âgées vulnérables des crises
économiques et sociales».
R.B.H.
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