La gestion du risque

Par : Autres
 

Elyès Jouini et la gestion du risque

Les modèles sont nécessaires, mais il faut les prendre avec des pincettes

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Par
Moncef
MAHROUG

 

 

elyes21092005.jpg«Un
modèle mathématique est nécessaire pour étudier les risques. Mais, avertit
Elyès Jouini, ce n’est pas parce qu’on en a un qu’on peut dormir sur ses
deux oreilles». Car, même si les mathématiques sont «utilisables partout»,
elles n’ont pas pour autant «valeur de prophétie».

Créer une «fondation du risque», comme on s’apprête à le faire bientôt en
France, est bien la preuve que le risque est l’un des principales
caractéristiques de notre monde –si elle n’est pas la plus importante. Pour
Elyès Jouini, nous sommes aujourd’hui dans «une société du risque».

Invité de l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE), dans le
cadre des «Mardis de l’ATUGE», ce brillant économiste tunisien, lauréat
ex-aequo du Prix 2005 du meilleur jeune économiste (décerné par le quotidien
«Le Monde»), a eu mardi 20 septembre, avec un parterre constitué de diplômés
de grandes écoles, un riche débat sur la manière d’étudier le risque en vue
de mieux le gérer.

Les risques étant divers (assurance, investissement, sélection de projets,
industriel, territoriaux, de crédit, etc.), on peut être tenté d’y voir des
phénomènes séparés et sans liens. «Ces différents risques semblent relever
de problématiques différentes. En fait, ces risques sont de plus en plus
appréhendés de façon globale au niveau de la recherche, parce qu’ils sont de
plus en plus corrélés», observe Elyès Jouini.

L’étude et la gestion du risque s’étant progressivement imposées depuis 1973
comme une question centrale en économie et, partant, dans les mathématiques,
le recours à des modèles est devenu incontournable et a connu un succès sans
cesse grandissant. Car, explique Elyès Jouini, l’analyse quantitative des
risques grâce «à des calculs de plus en plus sophistiqués permet de mieux
les gérer».

Etant aujourd’hui dans une «société d’expertise», se pose alors
inévitablement la question de savoir ce qu’il faudrait faire devant des
«expertises divergentes», se demande l’économiste tunisien. En France, la
Constitution recommande «la précaution» dans un tel cas de figure.

Conscient qu’il y a un «risque du modèle quand on soutient un modèle plutôt
qu’un autre», Elyès Jouini lance un avertissement : «Ce n’est pas parce
qu’on a un modèle qu’on peut dormir sur ses deux oreilles». Car, même si les
mathématiques sont «utilisables partout», elles n’ont pas pour autant
«valeur de prophétie». Aussi, la meilleure façon de procéder, estime Elyès
Jouini, consiste à «établir des liens entre mondes professionnel et
académique».

Durant le débat, le «meilleur jeune économiste de France» a été invité à
réfléchir sur le cas concret d’une société de recouvrement de la place qui
voudrait disposer d’un modèle l’aidant à déterminer les créances valant le
coup d’être achetées et le prix auquel elles devraient l’être, et à dire si
la société en question a absolument besoin de disposer d’un historique
devant servir de base à l’élaboration du modèle.

Pour Elyès Jouini –qui, rappelle-t-il, avait milité pendant un certain temps
pour la création en Tunisie d’un «Crédit bureau» chargé de noter les
créances-, on n’a pas besoin «d’avoir beaucoup de données» pour lancer ce
processus. «Il faut démarrer au plus tôt quitte à ne pas donner toute valeur
prédictive au modèle».