Il faut
aujourd’hui investir en Libye pour pouvoir y faire des affaires, recommande
M. Slaheddine Chaabane, président de la Chambre tuniso-libyenne. Qui appelle
à un changement de mentalité des opérateurs tunisiens.
«Le temps du gain facile est fini. Nous devons changer de mentalité dans nos
rapports avec les Libyens, dépasser le seul cadre du commerce et nous
engager dans une démarche visant la complémentarité». Cet appel de M.
Slaheddine Chaabane, président de la Chambre tuniso-libyenne, commence à
trouver un écho favorable parmi les entrepreneurs tunisiens. Longtemps
soucieux exclusivement de vendre leurs produits en Libye sans avoir
l’intention d’y développer une quelconque forme de présence, les entreprises
tunisiennes sont en train de changer d’attitude.
En effet, alors qu’un millier d’entreprises opèrent sur ce pays frère,
certaines -une vingtaine- ont déjà entrepris d’y investir pour éviter d’en
être évincées par une concurrence étrangère de plus en plus forte qui s’est
lancée à l’assaut de la Libye depuis la normalisation, il y a près de deux
ans, de ses relations avec les principales puissances occidentales.
Longtemps unique investisseur tunisien en Libye, le groupe Lotfi Abdennadher
est rejoint depuis quelques mois par des entreprises tant industrielles que
de services. Dans l’industrie, ce sont surtout les minotiers et les
industriels de la conserve de tomate, jadis très présent en Libye et
aujourd’hui sérieusement menacés par la concurrence étrangère, qui s’active
sérieusement. Même les grands groupes s’y mettent, et se préparent à y prendre pied. Outre le groupe Bayahi qui étudie le
lancement d’une société de distribution de produits agroalimentaires, en
prélude à l’éventuel lancement ultérieur d’une activité industrielle,
Poulina est peut-être le plus engagé et avancé dans ce domaine.
Présent en Libye depuis un quart de siècle, Poulina a en tête des
investissements dans l’industrie de la céramique et de l’emballage en
carton.
Les sociétés de services sont elles aussi sur les rangs. Tunisie Micro
Informatique, que dirige M. Mondher Ben Ayed, a créé deux filiales en
partenariat avec Oracle et Sun et des partenaires libyens. Les bureaux
d’études, d’ingénierie et d’architecture, ainsi que les entrepreneurs du
bâtiment pourraient également développer une certaine forme de présence, en
raison des énormes opportunités qui vont s’offrir en Libye où l’on projette
de construire «250.000 logements et un grand nombre d’établissements
hôteliers», rappelle M.Slaheddine Chaabane.
Le président de la Chambre tuniso-libyenne considère que «nous devons être
en meilleure position en Libye, malgré l’ouverture de l’économie libyenne et
ce dans un cadre de complémentarité irréversible».
Le pari, quoique difficile, vaut d’autant plus le coup d’être tenté pour
deux raisons au moins. D’abord, le dialogue permanent en cours depuis de
nombreuses années entre les gouvernements des deux pays a déjà permis de
raffermir les rapports tuniso-libyens et de les rendre beaucoup moins
instables. Ensuite, les autorités libyennes sont disposées à faire de leur
mieux pour faciliter la tâche des opérateurs tunisiens et à garantir un
traitement de faveur à la Tunisie en dépit de l’ouverture tous azimuts dans
laquelle elles ont engagé le pays.
La compréhension dont Tripoli a fait montre récemment, après l’inquiétude
suscitée en Tunisie par la libéralisation totale de l’importation de plus de
3.000 produits et l’instauration de l’obligation de transférer 500 dinars
pour tout étranger se rendant en Libye -à l’exception des touristes et des
personnes invitées-, l’atteste.
En effet, lors de la dernière réunion du Haut Comité de Suivi qui s’est
tenue fin septembre à Tunis, le gouvernement tunisien n’a pas caché qu’il
craignait que la libéralisation des importations n’érode les avantages que
le traité de libre-échange tuniso-libyen garantissait à la Tunisie.
Finalement, après discussion, les deux parties sont tombées d’accord pour
réaffirmer «l’attachement des deux pays aux principes, dispositions et
avantages mentionnés dans le traité de libre-échange». Ils ont également
convenus d’étudier les moyens d’améliorer le traité de libre-échange
«conformément aux développements dans les deux pays».
Concernant les conditions d’entrée en Libye, les deux parties se sont
entendues pour exclure les hommes d’affaires et les travailleurs munis de
contrats en bonne et due forme de l’obligation d’exhiber les 500 dinars.