C’était
prévu, mais personne à la Banque africaine de développement (BAD) ne
s’attendait à des décisions aussi rapides de la part du nouveau président de
la Banque, le Rwandais Donald Kaberuka. La surprise était en effet de taille
puisqu’on annonce le départ de plusieurs sommités de la banque : quatre
vice-présidents et le secrétaire général ! Excusez du peu ! Des décisions
qui confirment, si besoin est, la réputation d’homme d’action du nouveau
président.
Premier chef du personnel de la Banque africaine de développement, le
président a la possibilité de nommer et de remercier les hauts
fonctionnaires de l’institution. C’est ainsi par exemple qu’il a mis fin aux
fonctions du Secrétaire général le 24 octobre. Bien que le président ait
également le droit de remercier les vice-présidents, ce ne sont pas des
licenciements qui sont intervenus, mais des départs volontaires. C’est ainsi
que Kaberuka a annoncé le départ à la retraite, fin octobre, du
vice-président Théodore Nkodo (Opérations Nord, Sud et Est), ainsi que le
départ de leur plein gré à la fin du mois, des vice-présidents Bisi Ogunjobi
(Opérations Centre et Ouest) et Ousmane Kane (Services institutionnels). Par
le terme «de leur plein gré» on comprend aisément une démission ! Et on ne
comprend pas comment des vice-présidents aient pu démissionner d’un poste
aussi important !
Toutefois, Kaberuka n’a pas annoncé les remplaçants à ces postes. Il a en
théorie la latitude de les nommer, mais la tradition veut qu’il recueille
l’avis de son conseil d’administration sur les futurs titulaires des postes.
Cela pourrait expliquer pourquoi il n’a procédé qu’à à une seule nomination:
l’économiste en chef de la banque, Henock Kifle, devient son chef de
cabinet. Un cadre supérieur assure pour l’instant l’intérim du secrétaire
général. Pour les vice-présidents qui quittent la banque, les noms des
remplaçants ne circulent pas encore puisque les démissionnaires sont en
exercice jusqu’à la fin du mois.
Anticipant les critiques, M. Donald Kaberuka a rappelé, lors d’une rencontre
avec le personnel le jeudi 20 octobre, l’antériorité des étroites relations
qu’il a toujours eues avec le vice-président Ogunjobi, même pendant la
campagne pour la présidence. «J’ai été le chercher à l’aéroport pour
l’amener à son hôtel, lorsqu’il est venu avec le Président Obasanjo à Kigali
durant cette période», a-t-il ainsi déclaré.
Mais la question du haut personnel dirigeant n’est pas la seule qui
préoccupe le nouveau président et à avoir fait l’objet (ou fera l’objet) de
réformes. Il ne s’en cache d’ailleurs pas puisqu’il annonce qu’il y aura bel
et bien des réformes institutionnelles tout en prenant soin de rassurer son
personnel qu’il n’y aura pas une autre “restructuration” tel que signifiait
ce terme après 1995. On se rappelle qu’il y a eu des centaines de départs
après l’élection de Kabbaj en 1995.
Le président a ainsi annoncé la création d’un groupe de travail chargé de
définir les contours du programme des réformes institutionnelles. Cette
équipe sera dirigée par l’actuel vice-président chargé des Finances, Thierry
de Longuemar.
Sur le front de la gestion des ressources humaines, le président Kaberuka a
rappelé que la BAD est en sous-effectif pour s’acquitter de sa mission,
soulignant toutefois que 70% du budget administratif de l’institution est
consacré aux ressources humaines.
Selon les observateurs, ce pourcentage est bien élevé par rapport aux
institutions comparables à la BAD. D’où la nécessité d’une stratégie de
gestion des ressources humaines à la BAD, a estimé M. Kaberuka. Traduction:
peut-être cela signifie-t-il une décélération des recrutements à des postes
permanents, au profit d’autres formes de recrutements: consultants,
prestataires de services…
Pour motiver des troupes frustrées par une évaluation annuelle des
performances loin de rendre compte d’une manière impartiale des efforts
accomplis par le personnel, il a évoqué l’évaluation du personnel, indiquant
que l’institution est à la traîne en matière d’évaluation. “Dans une
institution moderne, vous êtes évalué par vos supérieurs, vos pairs et vos
administrés”, a-t-il souligné. A ce titre, il a précisé que le nouveau
système d’évaluation et de promotion sera équitable et transparent et
comportera une évaluation verticale et horizontale.
M. Kaberuka a aussi déclaré que la Banque a un problème d’égalité des sexes
et a promis : “Je me chargerai des questions de Genre et autres questions de
diversité”. Il a également évoqué la question de l’efficacité des opérations
et précisé que des mesures seront prises à cet égard. Autre chose qui doit
changer : La culture du travail de la Banque.
En clair, le nouveau président va apporter des changements aux méthodes de
gestion de la BAD. Désormais, les facteurs de production devraient être
dimensionnés par rapport aux objectifs et à la pression salariale de
l’institution, il y aura plus de femmes (comme nous l’avons dit dans une
précédente édition, il n’y a aucune femme parmi les 5 vice-présidents et 3
femmes seulement font partie des 33 directeurs), il y aura plus de
nationalités et tout le monde sera évalué équitablement selon les nouvelles
normes internationales en la matière.
On espère, par ailleurs, que les décisions de M. Donald Kaberuka feront
effet boule de neige partout dans les institutions africaines pour qu’il y
ait un maximum d’efficacité sur notre continent !