Vente d’entreprises / privatisation : Se méfier des fonds d’investissement

Par : Autres
 

Vente d’entreprises/ privatisation

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Par
Tallel
BAHOURY

 

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des actionnaires toujours plus rapide, LBO en cascade, inflation galopante
du prix des sociétés… Les transactions entre firmes, qui se nouent
aujourd’hui pour se dénouer le lendemain, semblent attester de la conviction
des professionnels du capital investissement, à savoir que le marché de la
transmission d’entreprises en LBO (leverage buy out), tourne désormais en
surrégime. Pourvu que ça rapporte de l’argent frais…

S’agit-il de la surenchère financière ? C’est fort possible, puisque les
spécialistes pointent le doigt accusateur sur la surabondance de liquidités,
tant du côté des sociétés d’investissement que des banquiers prêteurs. Et
pour cause !

D’abord, les premiers ont levé d’importantes quantités de capitaux
(plusieurs milliards pour les plus importants d’entre eux) auprès
d’investisseurs institutionnels attirés par les taux de rendement interne
(TRI) souvent très élevés (jusqu’à 25% par an) qu’ils affichent. Bien
entendu, sommes souvent destinées à la prise de contrôle d’entreprises. Or,
les sociétés à vendre et susceptibles de faire l’objet d’un LBO (capables de
rembourser une lourde dette d’acquisition) ne sont plus légion dans certains
pays développés. Qu’à cela ne tienne, obligés d’investir leurs capitaux sur
un laps de temps très court (en général moins de cinq ans), les fonds sont
prêts à payer le prix fort pour arriver à leurs fins : gagner en monnaie
sonnante et trébuchante !

Pour leur part, les banquiers ne sont pas en reste, souvent à la recherche
de rendement dans un contexte de taux d’intérêt très bas. De ce fait, ils
n’hésitent pas à prêter à tour de bras d’autant plus volontiers pour des
montages LBO qu’il s’agit des prêts qui sont bien rémunérés, mieux en tout
cas que ceux qu’ils accordent aux industriels (les risques liés au LBO étant
jugés plus élevés). Cette abondance de crédit contribue aussi au gonflement
des prix.

Du coup, et parallèlement, la part de la dette augmente dans le montant
total des acquisitions. On estime que certaines se réalisent aujourd’hui
avec 80% de dette pour 20% de fonds propres, contre 66% de dette pour 33% de
fonds propres il y a quelques années.

Certes, c’est un moyen très sûr, pour le fonds, d’augmenter son TRI. Mais il
est clair que ces montages “sur le fil du rasoir” mettent notoirement en
risque les entreprises acquises qui doivent consacrer une part toujours plus
grande de leur profit au remboursement de leur dette d’acquisition.

Les actionnaires se succèdent plus
rapidement…

Depuis la nuit des temps, l’objectif de tout commerçant est d’acheter et
vendre, avec bénéfice. Ainsi, naguère les fonds d’investissements gardaient
les entreprises acquises au moins trois ans. Ce n’est plus le cas
aujourd’hui, ou rarement en tout cas, puisque certains n’hésitent plus à
vendre aussitôt qu’un acheteur généreux pointe le bout du nez. “Dans ce
contexte de surchauffe, ils préfèrent céder au bout de deux ans en ne
faisant que deux fois leur mise plutôt que de prendre le risque d’attendre”,
pense un professionnel. Un opportunisme dont les entreprises acquises
risquent de faire les frais, d’autant plus que, avec toute la bonne volonté,
il est pratiquement impossible de mettre en place une stratégie de long
terme puisqu’elles changent sans cesse de propriétaires. C’est à juste titre
d’ailleurs qu’on qualifie les fonds d’investissement de ’’propriétaires
éphémères’’.

 
Mais ce n’est pas tout. En effet, la multiplication des LBO sur une même
société, a également ses effets pervers. Il n’y a pas si longtemps, les
fonds présentaient l’avantage de rendre plus fluide le marché de la
transmission d’entreprises. Il était entendu que la meilleure “sortie” pour
eux, c’était la revente de la société à un industriel ou sa mise en Bourse.
Les LBO “secondaires”, c’est-à-dire la revendre à un autre fonds, avaient la
réputation d’être moins rentables pour les financiers que les “primaires”
(l’essentiel du travail de réduction des coûts ayant déjà été effectué). Ces
temps sont déjà révolus, et le discours a changé. Le constat est que les
“secondaires” représentent désormais plus de 40% des acquisitions
européennes en LBO, selon Standard & Poor’s. “Ce sont les dirigeants des
entreprises qui en redemandent”, souligne Gonzague de Blignières, président
de l’Association française des investisseurs en capital (AFIC). “Ils
préfèrent rester avec un financier plutôt que d’être virés en tombant sous
la coupe d’un industriel”, ajoute un autre professionnel.

Puissant stimulus également : l’espoir, pour ces dirigeants, d’un
enrichissement rapide lors de la revente ultérieure de la société. En effet,
les financiers accordent souvent pour les dirigeants une part du capital de
l’entreprise à des conditions d’endettement avantageuses. Mais, au fur et à
mesure des LBO, l’entreprise s’endette davantage.

Sur quoi cette surchauffe risque-t-elle de déboucher ? Des entreprises trop
endettées pourraient faire faillite, en cas de brusque hausse des taux
d’intérêt ou de retournement de conjoncture. “Nous savons qu’il y aura de la
casse. Nous travaillons d’ores et déjà, en amont, avec des fonds sur des
montages très tendus”, assure Cédric Colaert, associé chez Ernst & Young.

A cette affirmation, Blaise Ganguin, responsable du crédit chez Standard &
Poor’s, apporte une précision plus significative encore : “La qualité de
crédit des LBO s’est nettement détériorée : nous anticipons des défaillances
d’entreprises à horizon de deux ou trois ans et la notation moyenne est
maintenant dans la catégorie B, alors qu’elle était dans la catégorie BB il
y a deux ans sur le plus de 350 entreprises européennes notées comme LBO”.

Cependant, les acteurs restent sereins, persuadés qu’ils sont que la crise,
si elle est survenait, n’ébranlerait pas trop –ou peu- le capital
investissement dans son ensemble. D’ailleurs, les analystes estiment que la
survenue éventuelle de la faillite d’un gros LBO très peu probable : “Il y a
tellement d’acteurs en risque autour de la table qu’en cas de difficulté,
une opération de rééchelonnement de la dette serait immédiatement lancée”,
selon Cédric Colaert. Quant aux banques, elles seraient par ailleurs
protégées, ce qui leur permet de se décharger de plus en plus souvent de
leurs créances risquées sur le marché secondaire de la dette LBO, très animé
par les fonds spéculatifs. Aujourd’hui, elles ont tendance à ne conserver
que de la dette dite “senior”, qui est de loin prioritaire dans les ordres
de remboursement.

C’est pourquoi, nous estimons que nos capitaines d’industrie, ainsi que les
autorités, devraient réfléchir par mille fois avant d’accepter de vendre nos
unités de production à un fonds d’investissement, de quelque nature qu’il
soit. Au risque de se retrouver du jour au lendemain avec un flot de
chômeurs sur les bras. Et ce tant qu’une loi, éminemment efficace, n’aura
pas vu le jour à l’échelle internationale.

 

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A propos du LBO

Le “leverage buy out” (ou LBO) est un
montage financier qui consiste, pour un fonds d’investissement, à racheter
une entreprise grâce à un endettement important. Ce dernier sera remboursé
grâce aux profits dégagés par la société reprise.

Le LBO permet aux investisseurs d’acheter une entreprise à bon compte : les
fonds propres qu’ils y injectent ne représentent souvent qu’un tiers de la
valeur de l’entreprise, parfois beaucoup moins. Ils peuvent ainsi maximiser
leur “taux de rendement interne”, qui est d’autant plus élevé que la dette
imposée à l’entreprise est forte.

Les LBO “secondaires”, ce sont des LBO successifs ; ils représenteraient
aujourd’hui plus de 40% des LBO, selon l’agence Standard & Poor’s.