Si vous
posez la question aux spécialistes du secteur, leur réponse sera du genre
‘’ça ne va pas tarder’’, parce que les acteurs du secteur semblent retrouver
des moyens financiers leur permettant d’avoir des ambitions plus grandes –et
légitimes, dirais-je, l’argent étant le nerf des affaires- au point que le
marché parie sérieusement sur de nouvelles opérations de
fusions/acquisitions…
En fait, depuis un certain temps, le secteur est tellement mouvementé qu’il
ne passe un jour sans qu’on entende des rumeurs de rapprochement dans les
télécommunications qui entre Telefonica et KPN, qui entre de Iliad et
Bouygues, qui entre Deutsche Telekom et Telecom Italia, etc. Mais en termes
plus polis, les managements de ces grandes structures préfèrent parler de
‘’stratégie d’alliances et de partenariats’’ au lieu ‘’d’acquisition
d’opérateurs fixes ou Internet’’.
Ce qui veut dire en d’autres termes que partout où se présente un dossier de
privatisation dans un pays –généralement du Sud-, les opérateurs fourbissent
leurs armes commerciales et marketing et viennent en masse pour chercher à
acquérir le marché en question. Les cas sont lésions : Maroc Télécom, Djezzi
(Algérie), Mauritanie Télécom, ou plus récemment Tunisie Télécom (qui a
enregistré la présence des plus gros opérateurs du secteur des
télécommunications au niveau du Bassin méditerranéen).
En Europe, des rumeurs –démenties par Bouygues Télécom- persistent
concernant des projets autour d’Iliad (Free), et du coup, sa valorisation
est montée d’un cran, ce qui, évidemment, ne favorise pas son rachat dans
l’immédiat, puisque l’action a progressé de plus de 65% depuis le 1er
janvier et de près de 140% sur un an. «A moyen terme, nous restons
totalement confiants dans le positionnement et l’offre de Free en France,
mais la progression de 25% du titre depuis l’annonce des résultats
semestriels, le 8 septembre, limite la marge de progression à court terme,
explique Nicolas Didio, spécialiste de la valeur chez Ixis Securities, dans
une étude récente. Sur la base de son résultat d’exploitation attendu en
2006, Iliad affiche même une prime de 85% par rapport à la moyenne des
opérateurs historiques». Une situation qui est le fruit d’un intérêt
spéculatif pour le fournisseur d’accès, jugé prématuré par nombre
d’analystes.
Qu’à cela ne tienne, tout le monde, ou presque, est unanime pour dire qu’à
long terme Iliad constituerait une bonne affaire, à commencer d’abord pour
Bouygues, à condition que dernier change de stratégie et étudie les
possibilités de synergies qui pourraient être développées entre Free, TF1 et
Bouygues Télécom. Et comme il s’agit d’un open market, certains opérateurs
étrangers ont déjà commencé à lorgner le dossier.
Il faut dire à ce sujet que jusqu’à une date très récente, des groupes tels
que l’allemand ‘’Deutsche Telekom’’ et l’italien ‘’Telecom Italia’’ avaient
misé plutôt sur une croissance interne, avec des budgets importants alloués
à l’Internet. Mais les analystes considèrent que cette stratégie est en
train de montrer ses limites, de ce fait, Iliad pourrait être une cible de
choix pour un opérateur qui souhaite se renforcer en France. ‘’A condition,
bien sûr, de convaincre les dirigeants, qui verrouillent pour le moment le
capital’’.
Les pays du Sud comme sources de croissance pour les grands opérateurs
En dehors du cas d’Iliad, le secteur des opérateurs de télécommunications,
comme l’avons souligné plus haut, est actuellement dans une configuration
favorable au lancement d’opérations de fusion/acquisition, et ce pour deux
raisons essentielles : l’environnement concurrentiel et la situation
financière.
Il est visible, en effet, que la plupart des grands opérateurs des
télécommunications sont confrontés à la maturité de leurs marchés principaux
qui n’offrent plus ou peu les mêmes perspectives de croissance. Car, presque
dans tous les grands pays européens, les autorités de régulation sont en
train d’imposer de nouvelles contraintes en vue de favoriser l’ouverture des
marchés à la concurrence au bénéfice des consommateurs. Cette situation
pousse-t-elle les groupes à aller chercher la croissance dans d’autres pays
qui conservent encore un potentiel de développement, notamment l’Europe de
l’Est, la Chine ou le Maghreb (Maroc Télécom et Tunisie Télécom), ou bien à
travers l’Europe en créant des synergies entre les différents métiers des
télécoms (Internet, téléphonie fixe et mobile). Les cibles ne manquent pas
sur un marché encore peu concentré.
150 milliards d’euros en 2008
En tout cas, les analystes sont plutôt optimistes pour l’avenir et estiment
que le redressement financier a été rapide, et par conséquent les opérations
de rapprochement devraient s’accélérer au cours des trois prochaines années,
du fait que ‘’les opérateurs de télécommunications ont à nouveau les moyens
de leurs ambitions’’. En effet, JP Morgan, par exemple, donne un chiffre
ahurissant, car il estime que ‘’la capacité d’autofinancement disponible des
opérateurs européens atteindra 150 milliards d’euros à l’horizon 2008’’.
Voilà qui alimente l’intérêt spéculatif du secteur tout en donnant aussi à
ces groupes la faculté d’accroître la distribution des profits aux
actionnaires. ‘’Un mouvement déjà bien amorcé puisque l’écart de rendement
entre les télécoms et les services aux collectivités en Europe est en train
de se réduire considérablement, conséquence de la forte augmentation des
dividendes des télécoms, d’une part, et de la hausse des cours des utilities,
d’autre part’’, relève Laurent Balcon, analyste à Global Equities.
En définitive, disons que toutes les conditions semblent désormais réunies
pour un big-bang ou plutôt un retour des grandes manoeuvres dans les
télécommunications. Et certaines additions risquent d’être très salées, car
le marché sera sans aucun doute extrêmement attentiste et vigilant sur le
prix des acquisitions…