Mohamed Sahraoui : «Hommes d’affaires tunisiens et algériens espèrent du nouveau» à propos de la zone de libre-échange

Par : Autres
 

Interview de Mohamed Sahraoui

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Par
Moncef
MAHROUG

 

ag1.jpgAlors que les
exportations tunisiennes vers l’Algérie sont régies par le droit commun
-depuis que ce pays a, il y a une dizaine d’années, suspendu le traité de
1981, la Tunisie continue d’appliquer les dispositions de ce texte. Tout en
espérant l’instauration d’une zone de libre-échange avec son voisin de
l’Ouest.


Mohamed Sahraoui, hommes d’affaires opérant essentiellement dans
l’agroalimentaire, est membre de l’UTICA ; il donne, dans cette interview,
des indications sur les relations économiques tuniso-algériennes.

WMC : Où en sommes-nous avec l’Algérie en matière de commerce et
d’investissement ?

Mohamed Sahraoui : Pendant longtemps, nos relations avec l’Algérie étaient
régies par un accord préférentiel conclu en 1981 et qui faisait bénéficier
une liste de produits tunisiens et algériens d’une exonération des taxes
douanières à l’entrée dans les deux pays.


L’Algérie a cessé d’appliquer cet accord en 1996 quand il y a eu le problème
des téléviseurs (les autorités algériennes ont alors accusé
l’entreprise tunisienne assurant le montage de ces téléviseurs en Tunisie
d’avoir fait entrer en Algérie des appareils importés et n’ayant pas le taux
d’intégration local prévu par les accords entre les deux pays, ndlr). La
Tunisie a continué quant à elle à appliquer les dispositions de ce texte et
à faire bénéficier les produits algériens d’exonérations.


Depuis, les exportations tunisiennes vers l’Algérie sont régies par le droit
commun, ce qui veut dire que nous payons des droits de douane comme tous les
pays. Malgré cela, le produit tunisien arrive à s’imposer sur le marché
algérien. Bien sûr pas avec le nombre et les quantités que nous aimerions en
raison de la très forte concurrence d’autres pays notamment européens et du
fait que nous n’avons pas de statut préférentiel.


Aujourd’hui, nos échanges avec l’Algérie se situent dans une fourchette de
140 à 160 millions de dollars. C’est un chiffre faible, surtout au regard
des très bonnes relations politiques qui lient les deux pays.


Signataire de l’accord de libre-échange arabe, la Tunisie est en négociation
avec l’Algérie à propos de la libéralisation des échanges entre les deux
pays, d’autant que l’Algérie est l’un des pays non-signataires de ce traité.
Nous espérons, hommes d’affaires tunisiens mais aussi algériens, qu’il y
aura du nouveau à ce sujet lors de la prochaine réunion de la Grande
Commission mixte qui se tient fin novembre à Tunis.


Qu’en est-il des investissements ?


Des hommes d’affaires tunisiens sont engagés dans des investissements en
Algérie. Le nombre d’entreprises tunisiennes s’élève à une trentaine de
sociétés. Un
projet tuniso-franco-algérien est également en cours de réalisation et dans
lequel sont impliqués Danone et le groupe Mabrouk.


Dans quels secteurs les investisseurs tunisiens pourraient-ils se
positionner ?


Le marché algérien compte près de 32 millions de consommateurs dont le
pouvoir d’achat augmentera et dont les besoins sont énormes.
Les importations algériennes se chiffrent en milliards de dollars. Je pense
que nous avons notre place dans les industries agroalimentaires ; dans le
textile il y aurait une possibilité puisque ce secteur n’est pas encore très
développé en Algérie, dans l’industrie de la transformation, le bâtiment, les
infrastructures, etc.


Que conseillez-vous à l’investisseur tunisien désireux de s’implanter en
Algérie de faire ou, au contraire, d’éviter de faire ?


Le caractère de nos frères algériens est connu. C’est oui ou non. Les hommes
d’affaires tunisiens sont tenus d’être crédibles parce que les séquelles de
l’affaire des téléviseurs sont encore là. Il n’y a pas une réunion mixte au cours de
laquelle cette affaire ne refait pas surface. Ce sujet est évoqué même
durant les réunions d’hommes d’affaires des deux pays.


Mais il faut savoir, en même temps, que nos frères algériens n’ont pas une
grande connaissance de notre industrie, pensent que nous importons des
marchandises pour les exporter en Algérie, et ne s’imaginent pas, parfois,
que nous en avons bel et bien une industrie et que nos industriels
commencent à investir à l’étranger. Chakira, par exemple, est implantée au
Maroc, au Portugal, en Malaisie ; et le président de la Roumanie en personne
l’a invitée à venir investir dans son pays.


De notre côté aussi, nous ne savons pas tout de l’Algérie. Aussi nous
pensons, à la Chambre tuniso-algérienne, organiser des visites d’usines pour
les hommes d’affaires.

Y a-t-il des investissements algériens en Tunisie ?


Il y en a, mais très peu.

Pourquoi ?


La restructuration économique est en cours en Algérie, et il n’y a pas
encore de secteur privé puissant. De plus, les hommes d’affaires
algériens sont occupés, pour l’instant, à se positionner sur le marché
intérieur.

Quels sont les dossiers que vous entendez mettre sur la table lors de la
prochaine réunion de la Grande commission mixte ?


Nous en avons un seul, celui de la zone de libre-échange. Nous pensons que
tous les pays arabes doivent faire partie de la zone de libre-échange arabe.
De toute façon, en ce qui concerne le Maghreb, la zone de libre-échange va
finir par s’imposer du fait des accords conclus par les pays de la région
avec l’Union européenne, si nous ne la mettons pas nous-mêmes.


Donc, je ne vois pas pourquoi nous ne nous ferions pas bénéficier
mutuellement, nous pays maghrébins, du démantèlement douanier entamé dans le
cadre des relations avec l’Union européenne. Autrement, on serait amené à
penser qu’il y a des choses pas claires derrière le refus.