Avec
l’arrivée de la Banque Santander, à l’occasion de la privatisation de la
Banque du Sud, les Tunisiens découvrent –avec étonnement- que l’Espagne ce
n’est pas seulement la Paëlla, le Flamenco et le Real Madrid. Mais c’est un
pays développé dont certaines entreprises ont une présence significative sur
le plan international.
Quand les employés de la Banque du Sud ont appris que c’est le tandem banque
Santander-Attijariwafa Bank qui avait remporté l’appel d’offres pour la
cession des 33,5% du capital de leur banque, le ciel leur est tombé sur la
tête. Car, comme bon nombre de Tunisiens, ils ne connaissaient pas la Banque
Santander –et encore moins son partenaire marocain, Attijariwafa Bank- mais
avaient beaucoup entendu parler de la française BNP Paribas –déjà
actionnaire à 50% de l’Union Bancaire pour le Commerce et l’Industrie (U.B.C.I.).
D’autant que l’on avait prêté à BNP Paribas un projet, qui pouvait paraître
séduisant, celui de racheter la Banque du Sud pour la faire fusionner avec
l’U.B.C.I.
Mais les employés de la Banque n’étaient pas au bout de leurs étonnements.
Car, ils vont –rapidement- être surpris une deuxième fois –agréablement,
cette fois-ci- en apprenant que la Banque Santander ce n’est pas un obscur
établissement dans un petit coin de l’Espagne, mais bel et bien un leader
européen avec la plus grande capitalisation boursière.
Guère surpris de l’étonnement de certains devant la percée de Santander en
Tunisie, M. Juan Minarro, analyste à l’Office Economique et Social d’Espagne
en Tunisie, que, contrairement à un cliché largement répandu, «l’Espagne ce
n’est pas seulement la Paëla, le Flamenco et le Real Madrid».
«Neuvième ou dixième puissance économique, l’Espagne ne joue plus depuis
longtemps en deuxième division économique», rappelle M. Juan Minarro. Elle a
des titres de gloire, notamment dans le domaine industriel.
Ainsi, les simulateurs de vol utilisé par la Nasa sont de fabrication
espagnole. Les équipements de contrôle de l’aéroport de Francfort ont été
fournis par la même entreprise ibérique –Indra- qui a remporté l’appel
d’offres face à Siemens.
Elle participe également à la fabrication d’une partie de l’Airbus, l’avion
européen. Et, last but not least, «l’Espagne n’a pas acheté son TGV en
France, elle l’a fabriqué elle-même», observe M. Minarro, non sans fierté.
En Tunisie, où elle commence à se faire connaître, Indra a réalisé, pour le
compte du ministère de la Santé Publique, l’étude de faisabilité en vue de
la mise en place d’un système informatique du dossier médical unique.
Comment se fait-il, alors, que ce pays ne soit que faiblement présent sur le
plan économique en Tunisie ? «Il y a une méconnaissance réciproque de nos
capacités respectives», avance l’analyste de l’Office Economique et Social
d’Espagne.
Les entreprises totalement ou partiellement espagnoles opérant en Tunisie
sont au nombre d’une cinquantaine. Les premières sont arrivées dans les
années 80, mais le flux s’est accéléré depuis sept ans. L’année 1998 a en
effet vu l’entrée en Tunisie d’Uniland Cimentera qui a racheté la Cimenterie
d’Enfidha.
Présentes dans les secteurs de l’industrie agroalimentaire, mécanique,
textile, électrique, et dans l’hôtellerie, les entreprises espagnoles
implantées en Tunisie sont souvent de taille petite ou moyenne. Toutefois,
les capitaux ibériques sont aussi impliqués dans des projets plus
importants, parfois avec des partenaires tunisiens ou étrangers.
Le plus important est fort probablement la société Lear Automotive E.E.D.S
Tunisia SA (fils, câbles isolés et faisceaux de câbles), une entreprise à
capitaux mixtes (Etats-Unis, Espagne et Pays-Bas) qui emploie près de 600
personnes. Une société textile (Amira) basée à Medjez El Bab (550 emplois)
est, elle aussi, contrôlée par des capitaux de ces trois pays. Dans la
Société des Ciments d’Enfidha (plus de 400 emplois), les Espagnols sont
associés à des Saoudiens.
Mais plusieurs entreprises et groupes tunisiens ont des partenaires
espagnols. C’est notamment le cas du groupe Mohsen Boujebel dans la «Société
des Huiles Borges Tunisie» (conditionnement et mise en bouteille de l’huile
d’olives).
L’arrivée du groupe Prasa –qui a racheté la Société Tuniso-Algérienne de
Ciment Blanc (Sotacib)- et, surtout, de la Banque Santander pourrait donner
un coup d’accélérateurs aux investissements espagnols en Tunisie. D’abord
par les investissements que ces deux opérateurs pourraient effectuer
eux-mêmes. Le groupe Prasa (immobilier, finance et tourisme) «vient avec
l’intention d’aller au-delà du simple rachat d’une entreprise» et «pourrait
être intéressé par d’autres secteurs», confie M. Juan Minarro.
La percée est encore plus importante, car cette banque peut jouer le rôle
d’une «locomotive» et entraîner d’autres investisseurs dans son sillage.
Surtout si ceux qui sont déjà sur place évoluent dans un environnement plus
favorable.
Certes, les opérateurs espagnols, à l’instar des autres étrangers, sont
«assez satisfaits» des conditions qui leurs sont faites en Tunisie, constate
M. Juan Minarro. Outre les problèmes «communs à tout le monde (délai
d’obtention des cartes de séjour, formalités d’importation de voitures,
transport maritime, formalités douanières, dispositions légales limitant
l’investissement dans certains secteurs, etc.) et qui sont «en voie
d’amélioration», il y en a qui pourrait sinon dissuader certains
investisseurs espagnols du moins les faire hésiter. C’est celui que vit le
groupe Uniland Cimentera, repreneur de la Société les Ciments d’Enfidha, et
qui attend toujours l’application d’une des clauses du cahier des charges
ayant servi de base à la privatisation de cette société, et qui
prévoyait la libération du prix du ciment en 2002.