Au moment
où la communauté internationale s’est fixé un calendrier dénommé ‘’les
Objectifs du Millénaire’’ visant à réduire de moitié la pauvreté dans le
monde d’ici 2015, un rapport de la Banque mondiale, publié le 30 septembre
dernier, est venu apporter son grain au moulin ; mais un rapport à la fois
mi-figue mi-raisin.
Le rapport de la BM souligne en effet que si les transferts de fonds
effectués par les travailleurs migrants vers leurs pays d’origine réduisent
la pauvreté dans les pays en développement (c’est le mi-figue), mais l’exode
massif de personnes hautement qualifiées pose des dilemmes troublants à de
nombreux petits pays à faible revenu (le mi-raisin). Car, en toute logique,
ceux qui intéressent les pays développés, ce sont les cerveaux, les
mains-d’œuvre hautement ou du moins très qualifiées qui, malheureusement,
n’ont aucune chance de s’épanouir dans leur pays natal…
Le rapport, intitulé ‘’Migrations internationales, envois de fonds et exode
des compétences’’, présente une analyse détaillée des données collectées
dans le cadre d’enquêtes auprès des ménages au Mexique, au Guatemala et aux
Philippines, trois pays qui comptent des millions de migrants, et conclut
que les familles comptant des migrants vivant à l’étranger ont des revenus
plus élevés que les autres.
Ainsi, selon Maurice Schiff, économiste de la Banque mondiale et
co-directeur du rapport avec Caglar Ozden, également économiste de la
Banque, ’’les études qui ont été réalisées montrent que les envois de fonds
réduisent la pauvreté et augmentent les dépenses au titre de l’éducation, de
la santé et des investissements’’.
Le rapport nous apprend également que près de 200 millions de personnes
vivent en dehors de leur pays natal et, selon les estimations du rapport
Global Economic Prospects 2006, que la Banque mondiale publiera
prochainement, leurs envois de fonds devraient atteindre environ 225
milliards de dollars en 2005. Soit un pactole de devises non négligeable
pour certains pays ayant d’importantes implications pour les stratégies de
réduction de la pauvreté dans les pays en développement.
A plus grande échelle, les migrations augmentent considérablement le produit
économique mondial en permettant aux travailleurs de se rendre là où ils
sont plus productifs et, partant, d’obtenir des salaires beaucoup plus
élevés qu’ils ne le pourraient dans leur pays d’origine. Une grande partie
de ces gains économiques profite aux migrants et à leurs familles restées
dans le pays par l’intermédiaire des transferts de fonds qu’ils effectuent.
Le revers de la médaille
«Les résultats des enquêtes auprès des ménages présentés dans cet ouvrage
prouvent l’existence d’un lien direct entre les migrations et la réduction
de la pauvreté. Ces travaux ouvrent des perspectives entièrement nouvelles
dont la prise en compte sera essentielle à la formulation de politiques
judicieuses en ce domaine», explique François Bourguignon, économiste en
chef et premier vice-président de la Banque mondiale pour l’économie du
développement.
Toutefois, il y a le revers de la médaille, parce que l’impact positif des
migrations sur le développement se fait au détriment des pays d’origine des
migrants qui laissent partir leurs compétences que les économistes
qualifient de «fuite des cerveaux».
D’ailleurs, le rapport, qui comprend les résultats de recensements et
d’enquêtes des pays de l’OCDE sur l’exode des compétences, note par exemple
qu’en Haïti et en Jamaïque, huit diplômés universitaires sur dix partent
pour l’étranger. En Sierra Leone et au Ghana, c’est le cas de cinq diplômés
sur dix. De nombreux pays d’Amérique centrale et d’Afrique subsaharienne,
ainsi que certains pays insulaires des Caraïbes et du Pacifique, affichent
des taux de migration de plus de 50% des personnes hautement qualifiées.
La situation est extrêmement différente dans le cas de pays de plus grande
taille comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, dont seulement 3 à 5% des
diplômés universitaires vivent à l’étranger, et dans celui de l’Indonésie et
de l’ex-Union soviétique où les taux de migration des personnes instruites
demeurent faibles.
A l’échelle de l’Afrique subsaharienne tout entière, si les travailleurs
qualifiés ne représentent tout juste que 4% de la population active, ils
constituent 40% des migrants. Les chiffres montrent que 20% des travailleurs
qualifiés d’Afrique subsaharienne ont migré.
Pour M. Bourguignon, ‘’il faudra analyser ces nouvelles données de manière
plus approfondie’’, tout en ajoutant que l’exode massif des compétences de
certains pays présente des défis complexes sur lesquels il faudra effectuer
une analyse afin de concevoir les politiques appropriées. Sans commentaire!