Dans un
excellent article publié par Wadjifiri et repris par l’agence de presse
Syfia, quelque 500 conteneurs de 800 ordinateurs chacun, soit 400.000 unités,
entrent chaque mois au port de Lagos, au Nigeria. C’est l’ONG Basel Action
Network (Ban) qui donne ce chiffre effarant dans un rapport publié juste
avant le SMSI.
L’intention est bonne, relève Ban, qui lutte contre les mouvements
transfrontaliers de déchets toxiques : contribuer à réduire la fracture
numérique, en appliquant le principe repair & re-use (réparer et
réutiliser). Mais, dans ces milliers de tonnes de quincaillerie
informatique, 80% des machines sont inutilisables, selon Ban. Dans les
meilleurs des cas, ce matériel finit dans les grands marchés parallèles de
produits informatiques de seconde main, comme le Ibeka Computer Village ou
le Alaba International Market, à Lagos. Dans le premier, 3.500 petits
business de vente et de réparation de pièces informatiques se sont
installés, sur 6 ha. Le reste de ces machines continue son chemin vers de
grandes décharges numériques où il est jeté ou incinéré. C’est là que
commence le problème : “C’est un succès économique qui cache un désastre
écologique”, note le rapport qui énumère la liste des composants toxiques
contenus dans les Pc : du cadmium au béryllium, en passant par le mercure,
tous présents en grande partie dans les connecteurs, les lampes, les
alliages et les tubes cathodiques des ordinateurs.
Selon Ban
(basée à Seattle, Usa), ce vrai-faux altruisme cache, en réalité, la volonté
des pays du Nord de se débarrasser à peu de frais de leurs PC devenus
obsolètes. En 2002 déjà, l’organisation avait relevé que 50 à 80% des
déchets informatiques collectés aux Usa sont exportés, en premier lieu en
Chine, puis vers l’Afrique. Ce flux est nourri en grande partie par les 100
millions d’ordinateurs qui deviennent obsolètes chaque année aux Etats-unis.
D’autres pays sont impliqués également, mais à un moindre degré : le Japon,
la Belgique, l’Allemagne, Israël… Selon les estimations du Ban, l’Union
européenne et les Usa contribuent chacun pour 45% dans l’envoi des déchets
informatiques qui déferlent sur l’Afrique. “Au lieu de combler le fossé
numérique, on ouvre une décharge digitale”, signale le rapport qui parle
d’autoroutes de pollution numérique” que les pays du Sud sont en train de
tracer en Afrique.
L’envoi
de ces PC n’est pas illégal. L’évangile du recyclage des déchets repose en
effet sur six principes : éliminer, réduire, réutiliser, réparer, recycler
et incinérer. “La réutilisation est préférée au recyclage, car elle allonge
la durée de vie des machines et permet à d’autres personnes moins favorisées
d’en tirer profit”, précise le rapport du Ban.
La
convention de Bâle sur l’exportation des déchets toxiques, qui date de 1989,
régule cette réutilisation et oblige les exportateurs de machines vers les
pays les plus pauvres à les tester, avant de les envoyer afin de s’assurer
de la possibilité d’une deuxième utilisation, éventuellement après
réparation. Cent soixante-cinq pays l’ont ratifiée, mais pas les Etats-Unis.
Amusant :
le Ban a pu préciser l’origine des pays impliqués dans ce trafic à partir de
données relevées sur les ordinateurs et dans certaines de leurs composantes,
comme les disques durs. Les exportateurs ne prennent, en effet, pas la peine
d’effacer les contenus enregistrés sur ces disques. Des données
personnelles, des CV, des documents comptables continuent à s’y trouver, et
Ban en reproduit quelques exemples.