Il est
hasardeux de vouloir faire un bilan de la 20ème édition des Journées de
l’entreprise, organisées par l’Institut Arabe des chefs d’entreprise ‘’IACE’’,
les 2 et 3 décembre 2005 à Sousse, peut-être, parce que, contrairement à
l’habitude, le thème principal –‘’l’espace euroméditerranéen, situation et
perspectives’’- était cette année ponctué de trois sous-thèmes d’une
importance capitale pour les économies euroméditerranéennes, à savoir le
textile, le tourisme et les nouvelles technologies de l’information et de la
communication.
Les débats qui ont eu lieu dans les 9 panels consacrés aux trois secteurs
ont été d’une rare intensité, même si on n’a fait que dresser, pour la
plupart du temps, l’état des lieux sans vraiment poser les actes fondateurs
d’une réelle coopération entre les deux rives de la Méditerranée, d’une zone
de prospérité partagée rêvée et voulue par les instances politiques des deux
rives mais dont la réalisation incombe davantage aux acteurs économiques que
sont les entreprises, lieux de création de richesses par excellence.
Or, nous pensions que c’est cela qui devrait être mis en exergue, à la
différence des joutes politiques -réputées pour leurs déclarations
d’intention mais jamais ou du moins rarement suivies par des actes
concrets-, d’autant plus qu’il s’agit des ‘’Journées dédiées essentiellement
à l’entreprise’’. Et comme l’a si bien souligné l’ancien Premier ministre
français M. Jean-Pierre Raffarin, ‘’une analyse dynamique est nécessaire
pour le développement de la Méditerranée’’.
En fait, nous y avons souvent entendu des rhétoriques du genre ‘’il est
nécessaire de créer une banque euroméditerranéenne d’investissement’’, ‘’il
faut diffuser la connaissance…’’, ‘’nous n’avons pas assez d’ingénieurs en
TIC…’’, ‘’il faut ou il ne faut pas avoir peur de la Chine…’’, ‘’nécessité
d’un marché commun maghrébin…’’, ‘’l’avenir de la Méditerranée se trouve
dans le développement des TIC et non dans le textile…’’, etc.
Pourtant, les débats ont permis à chacun de savoir ses forces et ses
faiblesses –du moins pour ceux qui l’ignoraient-, ce qui aurait pu permettre
la signature de quelques accords de partenariat entre entreprises et/ou
groupes d’entreprises des deux côtés de la Mare Nostrum.
Les panélistes ont longuement insisté sur la concurrence internationale, que
ce soit dans le textile/habillement, les technologies de l’information et de
la communication, ou le tourisme : pour les deux premiers secteurs les
entreprises de la Méditerranée du Sud font face notamment à une double
concurrence des pays est-européens et asiatiques. Quant au tourisme,
difficile à dire, même s’il pourrait y avoir quelques programmations
‘’croisées’’, mais les coups bas ne peuvent être exclus et la bataille du
nombre fera toujours rage dans la profession.
De ce fait, conscients de tous ces paramètres et bien d’autres, pourquoi n’y
a-t-il pas eu d’actes concrets de toutes les volontés et envies de
coopération/partenariat exprimés par les chefs d’entreprise du nord et du
sud de la Mare Nostrum ? A-t-on mis en place des comités de suivi des
quelques recommandations émises par les panélistes ? Est-il prévu des
réunions de suivi… ?
Certes, les Journées de l’IACE servent de canevas pour les décideurs
politiques, mais la force de l’économie de marché réside en la capacité des
chefs d’entreprise à prendre souvent les devants… Car, il est évident que
cette initiative de l’IACE, qui a consisté à faire rencontrer les opérateurs
du même secteur d’activité, était destinée à favoriser les contacts, à se
connaître, à se parler à envisager des accords de coopération et d’entente.
Doit-on désespérer pour autant? Non, surtout pas ça, ainsi qu’a rappelé
d’ailleurs M. Jean-Pierre Raffarin en citant une phrase de Saint Exupery :
‘’On ne peut pas être responsable et désespérer’’. Soyons donc positifs, et
espérons que les souhaits exprimés par les uns et les autres se transforment
en réalité, et que le Bassin méditerranéen soit une zone de paix, de
co-développement et de prospérité pour les peuples. Ce qui nécessite que les
entreprises de la sous-région se comportent avant tout en entreprises
‘’citoyennes méditerranéennes’’, autrement dit qu’elles cessent de viser
‘’les marchés à bas coûts salariaux’’. Sinon, au lieu d’être une zone de
fabrication, la Méditerranée risque –avec le rouleau compresseur nommé
mondialisation- d’être un simple marché de consommation au profit des autres
espaces économiques que sont l’Amérique du Nord et la sulfureuse Asie.