La mise à niveau de l’industrie manufacturière, initiée voilà dix ans en
Tunisie, est en bonne marche, grâce notamment au Programme de Modernisation
de l’Industrie, l’accent étant mis actuellement, à juste titre, sur
l’investissement immatériel et l’innovation. L’objectif principal de ce
programme est de réduire le gap entre la Tunisie et l’Europe des 25, en
termes de taux de valeur ajoutée (32% en Tunisie contre 50% en Europe). Cela
nécessite principalement le recrutement accru de compétences à haut
potentiel dans l’industrie tunisienne et l’amélioration du taux
d’encadrement, mais aussi l’introduction massive des nouvelles technologies
de l’information et de la communication dans nos usines.
Pour atteindre l’efficience en matière de compétitivité de l’industrie
tunisienne, au sens large du terme, c’est l’ensemble de l’environnement de
l’entreprise qui est concerné par la nécessité de la mise à niveau : les
infrastructures numériques et physiques, les services financiers et
d’assurances, la recherches scientifique, la formation de base et la
formation continue…
Il est indéniable que des progrès immenses ont été déjà réalisés et
continuent à l’être dans tous ces domaines. Reste que l’Administration, en
tant que structure d’arbitrage, de régulation et d’orientation stratégique
de l’économie nationale et de par son rôle de maître d’ouvrage de projets
d’envergure (infrastructures, économie de la santé, …), se trouve
aujourd’hui confrontée au défi du renforcement institutionnel, de la
gouvernance, et l’impératif d’attrait des ressources humaines qualifiées.
A l’aune de la nouvelle année 2006, l’Administration se doit d’accompagner
la mise à niveau opérée par le secteur privé.
Pour le système productif privé, le besoin du up grading s’est avéré vital
pour se positionner sur le marché local et international, compte tenu de la
configuration actuelle du commerce mondial et les engagements pris par notre
pays visant à s’arrimer au système international des échanges de biens et de
services.
Le challenge pour l’Administration consiste à se hisser au niveau des enjeux
de la compétitivité de la Tunisie en tant que site d’accueil
d’investissements étrangers, mais aussi de garant d’un environnement
conforme aux standards internationaux pour l’industrie locale.
Historiquement, l’Administration tunisienne a toujours pris ses
responsabilités en tant que soutien et catalyseur de l’économie privée. Dans
les années 60-70, au-delà de l’installation par l’Etat d’industries lourdes
ayant permis l’impulsion d’une culture industrielle dans le pays, beaucoup
de promoteurs de projets privés, devenus pour certains d’entre eux,
aujourd’hui, des groupes industriels florissants, sont issus de
l’Administration qui les a encouragés à se lancer dans l’aventure de
l’initiative privée. Dans les années 90 jusqu’à nos jours, les pouvoirs
publics ont œuvré à la modernisation de l’Administration (on parle
aujourd’hui de e-adminsitration). Les résultats sont certes probants, mais
des efforts restent à faire.
Il est plus que jamais nécessaire de rendre possible à des jeunes tunisiens
(ayant la trentaine, et ils sont nombreux) issus des Grandes écoles
françaises, américaines ou allemandes ayant des compétences reconnues dans
le monde et en Tunisie (évoluant dans le secteur privé) de pouvoir intégrer
les structures de l’Administration pour la renforcer de l’intérieur, avec
des conditions de recrutement spécifiques (émoluments, avantages en nature,
…).
L’Administration doit déployer, auprès de cette cible de ressources humaines
de qualité, une véritable stratégie marketing et un effort de séduction pour
les rapprocher d’elle en les intéressant à l’instar du concept de Corps à la
française (Corps des mines, Corps des Ponts et Chaussées, les
Administrateurs diplômés de l’ENSAE, …).
L’Administration marocaine (à travers ses agences, offices, …) a entrepris
une démarche de la sorte avec beaucoup de succès, au point de connaître
actuellement un «brain drain» inverse. Des pays comme l’Egypte connaissent
aussi un retour de leurs «cerveaux» alimentant principalement les grands
groupes privés locaux à envergure internationale.
L’autre recommandation forte à laquelle l’Administration s’est déjà penchée,
mais qu’il faut généraliser : le PPP, le Partenariat Public Privé. Ce PPP a
toutes les chances de réussir tant les jeunes entreprises tunisiennes du
secteur des services, notamment, ont besoin de «se faire des dents» à
travers des projets lancés par l’Administration. Celle-ci, totalement
décomplexée de sa relation avec le privé, ouvrira la voie à des dizaines de
sociétés innovantes restées aujourd’hui au starting bolcks, faute de
commandes en partenariat avec les différents offices ou agences représentant
l’Administration.
Par ailleurs, l’Administration, en renonçant à son sacro-saint
«moins-disant» pour l’attribution des marchés publics, notamment dans le
secteur de la nouvelle économie (l’informatique, les télécoms, …), et en
adoptant des formules plus adaptées à chaque réalité de marché, l’efficience
économique (qualité, délais, résultats…) pourrait être obtenue plus sûrement
pour les grands projets, notamment.
Le corollaire de cette mise à niveau nécessaire des services de
l’Administration réside dans le raffermissement obligé du sentiment citoyen
chez les entrepreneurs du privé, dont l’acquittement régulier et complet
(taxes, impôts, …) de leur dû à l’Etat légitimera davantage leur niveau
élevé d’exigence en matière de qualité de services publics offerts par
l’Administration.
La Tunisie n’a peut-être pas le pétrole mais a ses hommes et ses femmes, et
cette extraordinaire capacité de générer régulièrement de hautes compétences
dans les différents domaines de l’activité humaine moderne. Cette force
naturelle est aujourd’hui en train de se mobiliser dans la vie économique de
notre pays du côté du secteur privé, et c’est tant mieux, mais
l’Administration doit impérativement prendre sa part aussi des ressources
humaines à haut potentiel, pour faire face aux exigences sans cesse en
évolution de l’environnement entrepreunarial. L’ampleur des dégâts
occasionnés par l’ouragan Katerina au sud des Etats-Unis, le pays le plus
puissant du monde, montre à quel point la présence d’un Etat fort et une
Administration efficace par ses structures techniques est vitale
aujourd’hui, aux côtés d’un secteur privé dynamique et compétitif.
La croissance reprend en Europe, les indicateurs macroéconomiques tunisiens
sont au vert (tourisme, agriculture, …), la Bourse s’est dynamisée par
l’entrée de nouvelles entreprises, la privatisation dans les secteurs des
télécommunications et des banques, voire la distribution de l’énergie
(SNDP…) sont tout autant d’éléments positifs pour une bonne année 2006. Cela
contribue en effet à donner encore plus de confiance aux entrepreneurs
tunisiens, en espérant que l’investissement privé suivra, cette fois, pour
gagner la mère de toutes les batailles, celle de l’emploi.
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(Opinion à paraître dans le supplément du ‘’Le
Quotidien’’ du 31/12/2005)
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* Statisticien économiste Directeur Général
SIGMA Conseil
Président ATUGE Tunisie 2005/07
Membre de la Direction CTFCI
Tél : 00 216 71 785 168