Quand j’ai vu des compatriotes bien de chez nous charger un sapin dans leur malle, je les ai regardés ébahie, parce qu’à ma connaissance le Père Noël partait de la Laponie pour aller voir naître le divin enfant, et n’est pas passé par chez nous sur son chemin, ça se saurait au moins ; déjà à l’époque, il évitait soigneusement les pays du tiers monde ou il les survolait …
Mais que voulez-vous, on apprend tous les jours, au moins ça me console de savoir qu’il y a des gosses qui vont recevoir des cadeaux de Noël, vous me direz qu’il y en a qui attendent le Père Noël tous les jours et il ne passe jamais ; mais que voulez-vous que j’y fasse, ceux-là ils sont nés là où il ne faut pas ou ils ne sont pas nés là où il faut, tout devient un problème de couche …
Et quelques jours plus tard rebelote ; c’était difficile de trouver un article à lire dans mon journal tant il était bardé d’annonces aussi fabuleuses les unes que les autres : des dîners de réveillons fantastiques, des chanteurs étoilés, des soirées faramineuses, il y en a même qui, par transparence, vous affichent le menu dans ses moindres détails ; des noms à coucher dehors par ce froid d’hiver, moi que ma mère n’a nourrie que de couscous, chakchouka ; parfois de mermez et de mloukhia …
Et c’est incroyable que ces fêtes de fin d’année mobilisent comme artistes, et avec tout le respect que je dois à cette noble profession, à qui je dois le plus profond respect –un pays sans artistes, c’est comme un désert sans oasis–, je me demande que faisaient tous ces gens le reste de l’année dont beaucoup, malheureusement, sont des inconnus et retourneront dans l’oubli le temps d’une soirée.
Quant au menu, les noms tarabiscotés vous donnent l’eau à la bouche et, semble-t-il, comme cela arrive souvent, les plats annoncés sont comme certaines promesses électorales …
J’ai oublié l’essentiel, le prix qui, s’il est annoncé, n’inclut pas ça, n’inclut pas ceci ; et un calcul rapide montre qu’un couple que cela tente peut y laisser l’équivalent de 1 à 2 SMIG dans une soirée où on ne sait pas si on enterre l’année qui passe ou celle qui naît.
Enfin et je ne pourrai pas terminer ce papier sans rendre un vibrant hommage aux forces de l’ordre qui, vigilantes sur les routes, eux, fêtent dans le froid la nouvelle année à surveiller les chauffards et les autres et ceux qui, en fin de soirée, auront vidé leurs poches ; dépensent leur argent et remplissent leur panse …
Heureusement que la fête du nouvel an ne dure qu’un seul jour et quand est-ce qu’on a va organiser tout ça, et pourquoi sur chaque menu ne pas retenir cinq cents millimes ou un dinar pour les œuvres de la police et ceux de la Garde nationale qui veillent sur vous messieurs les réveillonneurs ?
Par Ibtissem