L’Ordre des experts-comptables en débat : Forte demande de réforme

 

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Par
Moncef
MAHROUG

 

La
rencontre-débat annuelle de l’Ordre des experts-comptables a donné lieu à
une discussion animée sur le système fiscal en Tunisie

admi_160106_.jpgRendez-vous désormais classique, la rencontre-débat qu’organise tous les ans
l’Ordre des experts-comptables au sujet de la loi de finances a donné lieu cette
année encore à une discussion animée sur le système
fiscal en Tunisie. Même si les quatre responsables du ministère des Finances
à avoir pris la parole n’ont pas abordé au début cette question et se sont
contentés de présenter ce que la loi de Finances 2006 apporte de nouveau
dans les impôts directs (Mme Habiba Louati), la taxe sur la valeur ajoutée
(Mme Fathia Taleb), les droits d’enregistrement et le timbre fiscal (Ali El
Mekki), et la fiscalité locale (Mme Aïcha Karafi Al Hasni), le premier des
intervenants dans le débat est allé droit au but : le système fiscal
tunisien.

Houcine Gamra dit ainsi s’être attendu «à des mesures plus consistantes»,
avant d’observer que les pays de l’Union européenne mènent des réformes
«pour améliorer leur compétitivité» alors que «le système fiscal tunisien
présente des insuffisances qui méritent d’être solutionnées».

Parmi les anomalies relevées par M. Gamra, «le secteur informel qui prend de
plus en plus d’importance», le nombre des bénéficiaires du système
forfaitaire, et «le lourd fardeau de l’impôt pour les sociétés transparentes
et fiscalisées».
Rappelant que le Fonds monétaire international avait, dans un récent
rapport, mis en avant la nécessité de réformer le système fiscal tunisien,
l’intervenant a aini demandé des explications «sur la réforme s’il y en a».

Soulignant le rôle de la fiscalité en tant qu’outil de développement, Maher
Gaïda constate lui aussi que «notre système commence à s’essouffler» et
suggère de s’intéresser de près au système irlandais «fondé sur une logique
différente de la nôtre». En Tunisie, «le législateur considère le Tunisien
comme un fraudeur» et c’est pour cela qu’il «intensifie les moyens de la
retenue à la source».

En Irlande, le taux d’imposition est de 14%. De ce fait, «celui qui va
frauder se dira que cela ne vaut pas la peine», souligne Maher Gaïda qui
lance une invitation aux autorités «à réfléchir sur le système irlandais qui
attire les multinationales». Des autorités auxquelles l’intervenant reproche
de procéder «depuis quelques années à un balayage systématique» pour
demander des comptes, à ceux qui font l’acquisition de terrains ou de
propriétés -sur la manière dont ils ont financé ces opérations-, ce qui,
dit-il, a plongé ce secteur dans une «crise».

Alors que le fisc a, en principe pour rôle, d’«assister le citoyen» -comme
en Angleterre où, note l’orateur, le contribuable a droit à deux visites par
an-, en Tunisie le fisc ne se manifeste pas «pendant quatre ans puis vient
ensuite pour redresser», reproche M. Gaïda.

Un chef d’entreprise clôture ce véritable feu de barrage en posant deux
questions aux représentants du ministère des Finances. D’abord, «le
ministère a-t-il procédé à une étude de l’impact de l’économie informelle et
du système forfaitaire sur l’économie et la fiscalité du pays?». Ensuite,
«n’y a-t-il pas moyen d’alléger (le fardeau fiscal, ndlr) pour les
entreprises
organisées et disciplinées ?».

La question du système fiscal tunisien

Nullement démontée par les critiques acerbes formulées à l’égard du système
fiscal tunisien, Mme Habib Louati a été la première à y répondre en
reprochant notamment à M. Maher Gaïda qui avait évoqué l’exemple irlandais
d’«oublier le contexte international et les défis qu’affronte le monde sur
la question du pétrole notamment». Adoptant une posture offensive, la directrice de
la législation au ministère des Finances rappelle que «nous n’avons pas de
ressources», -l’Irlande non plus, lui rétorquera la salle. Certes,
admet-elle, «nous voudrions aller plus loin, mais nous ne devons ignorer
notre réalité».

Annonçant qu’une étude du système fiscal est en cours et que «ses grandes
lignes ne sont pas encore cristallisées», Mme Louati a affirmé que «nous
aimerions arriver à une formule qui satisfasse tout le monde, contribuable
et Etat». «A regarder de près notre fiscalité, on lui trouve bien des
avantages. Nous aimerions bien nous situer au niveau de l’Irlande, avec ses
14% de taux d’imposition. Mais chaque pays a ses priorités», fait observer
Mme Habib Louati.

Concernant le reproche que la retenue fiscale est synonyme de manque de
confiance dans le contribuable, Mme Louati a déclaré que la retenue a pour
but «de faciliter au citoyen l’acquittement» des montants dus au fisc.

Intervenant en fin de rencontre, M. Moncef Bouden, secrétaire d’Etat auprès
du ministère des Finances, chargé de la Fiscalité a admis la nécessité de
réformer le système fiscale tunisien. «Notre système a connu plusieurs
réformes ayant touché ses différents aspects». Mais ce qui a été réformé en
1988 a besoin d’être retapé «tout comme une maison qui se détériore
lentement». Certes, «nous n’avions pas laissé les choses se détériorer, mais
notre système ayant été mis en place par petites touches, et la situation
économique ayant changé, surtout sur le plan international, en plus des
problèmes apparus avec l’application des textes –il y a certes des points
positifs, mais également des problèmes- notre principe est d’alléger le
fardeau de l’entreprise comme l’a déclaré le Président Ben Ali dans son
discours du 7 novembre», a réitéré M. Bouden.

Mais l’allègement peut prendre plusieurs formes et ne veut pas forcément
dire que le taux d’imposition va baisser «de 35 à 20 ou 14%», avertit le
secrétaire d’Etat. D’autant, souligne M. Bouden, qu’avec les différents
incitations accordées aux entreprises et aux investisseurs, le taux
d’imposition se situe en réalité «à 22%». «Nous pourrions, certes, ramener
le taux à 20% et dire que nous n’allons plus accorder d’incitations. Mais
cette mesure bénéficierait même aux entreprises qui n’investissent pas»,
note le secrétaire d’Etat. Conclusion : les incitations vont être maintenues
; le taux d’imposition va baisser. Reste une seule question : «comment ?»,
se demande M. Bouden.