La zone
industrielle spécialisée dans le textile/habillement, que voulait créer du
côté de l’Ariana l’Italien Luciano Fragola, ne verra probablement pas le
jour.
2004 devait être une année importante pour l’industrie du
textile/habillement tunisienne. Il y a deux ans et à douze mois de la fin du
démantèlement des Accords Multi-fibres (AMF), qui a levé les dernières
entraves à un libre déploiement de la conquérante industrie chinoise sur le
marché international, devait voir le jour à l’Ariana une zone industrielle
d’un genre nouveau, dédié à l’industrie textile et à l’habillement, et
baptisée «Carthage Fashion City».
Imaginé par Luciano Fragola, président-directeur général du groupe italien
Eldo, qui opère depuis treize ans en Tunisie où il possède quatre
entreprises employant 700 personnes directement et près de 3.000
indirectement, avec un chiffre d’affaires de près de 20 millions de dollars
par an -mais aussi en Europe de l’Est-, ce projet devait être concrétisé en
association avec des Tunisiens, avec l’appui des pouvoirs publics qui y ont
accordé divers avantages, dont un terrain d’une cinquantaine d’hectares à
Gammarth, et de l’Institut du Commerce Extérieur Italien (ICEI), à travers
son directeur de l’époque M. Alberto Cattarci.
Cette zone, appelée à regrouper des entreprises fortement spécialisées,
devait, selon M. Cattarci, assurer une “intégration horizontale entre des
entreprises couvrant toutes les phases du processus de production de
l’industrie du textile et de la mode, de la découpe jusqu’au défilé”. Ce qui
devait permettre aux entreprises installées à “Carthage Fashion City”
d’atteindre “des volumes de production optimaux, du fait qu’elles auront
davantage de clients”, promettait alors le promoteur.
Cette cité de la mode devait être bâtie sur un terrain de 53 hectares, dont
160.000 m2 pour le “district industriel” proprement dit et qui devait
accueillir une cinquantaine d’entreprises que le promoteur pensait pouvoir
convaincre de s’y installer –pour un coût de 30 à 350 dollars par an, selon
qu’il s’agissait de location ou de vente, dans la partie commerciale ou
industrielle.
A travers ce projet, Luciano Fragola, qui a commencé à délocaliser son
activité au début des années quatre-vingt-dix, visait en particulier les
entreprises textiles italiennes confrontées à des difficultés. Il leur
proposait “un produit unique” supposé les aider à améliorer et à régénérer
leur activité avec la possibilité “de maintenir, sinon de rendre plus
intéressante” la qualité de leur vie.
Et pour leur faciliter au maximum la tâche, le «district industriel» se
proposait de mettre à leur disposition les services d’une “task force de
spécialistes qui viendra chez vous, dans vos bureaux, où seront signés les
contrats et formalisés la création de l’entreprise tunisienne, l’ouverture
des comptes bancaires auprès d’organismes tunisiens, la configuration pour
la formation du personnel nécessaire à ton entreprise et la préparation
logistique, de sorte que tu puisses continuer ton activité et n’avoir à te
déplacer que lorsque ton entreprise aura vraiment besoin de commencer la
production”, clame une plaquette promotionnelle signée Luciano Fragola.
En somme, Luciano Fragola proposait aux industriels italiens du textile en
particulier et de la mode d’une façon générale de leur livrer une “usine
clef en main personnalisée”, conçue selon les besoins de l’acquéreur ou du
locataire du lieu et bénéficiant des prestations d’un “centre de services”
dotés des compétences nécessaires pour apporter assistance légale,
administrative, fiscale et de gestion du personnel étranger à amener sur
place, et pour résoudre tous les problèmes “bureaucratiques, techniques,
pratiques et logistiques”.
La mise en œuvre de cet ambitieux projet a bel et bien commencé avec la
création d’une société d’investissement et de développement immobilier, en
septembre 2000 avec des partenaires tunisiens et italiens. Baptisée “El Jem
Management”, elle devait mener l’étude de faisabilité des projets.
D’installation. De même, «Carthage Fashion City», une société de promotion
immobilière et d’aménagement des zones industrielles, au capital de 150.000
dinars tunisiens a été créée en octobre 2003.
Mais plus rien depuis. Non seulement ce projet qui nécessitait un
investissement de 60 millions d’euros, et devait créer “près de 10.000
emplois, dont 3 à 4.000 directement”, n’a pas vu le jour, une source jadis
fortement impliquée dans le dossier affirme qu’il ne «verra fort
probablement pas le jour» ; ajoutant que les pouvoirs publics ont, pour
cette raison, retiré au promoteur les avantages accordés, dont le terrain
mis à sa disposition.