Le marché du livre tunisien à l’international : problèmes et solutions

Par : Tallel
 

Le marché du livre tunisien à l’international : problèmes et solutions

(3ème partie)

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Une position
privilégiée en Afrique

 

book.jpgQu’en est
il sur un autre plan de la concurrence au niveau de la sous-traitance des
livres dans les
pays émergents ? La réponse de Graba fuse: « Comme je l’ai déjà indiqué la
Tunisie se positionne comme un partenaire privilégié aussi bien auprès de
pays européens qu’auprès des pays africains dans la sous traitance du livre.
En effet, le niveau technologique et l’intégration du tissu industriel de
l’imprimerie fait que nous avons un avantage certain par rapport à nos
concurrents dans les pays émergents. Ce qui accentue cet avantage c’est que
le cadre légal et institutionnel garantit la transparence des opérations. En
effet, au Liban par exemple il existe un système de change parallèle
assimilable au marché noir des devises qui opacifie les transactions et crée
une incertitude quand à la possibilité de les mener à bon terme dans de
bonnes conditions, alors qu’en Tunisie le règlement des transactions est
effectué par le circuit bancaire officiel. Les paiements transitent par les
comptes professionnels, etc …. Mais il n’y a pas que cela : Nous disposons
d’un plus grand professionnalisme à tous les niveaux et notamment à celui de
la qualité du travail, du respect des délais. J’ai par exemple remporté un
certain nombre de marchés contre des concurrents libanais». Un constat
rassurant mais l’exportation implique aussi l’accès au circuit local de
distribution.

 

Cependant, pour Graba, avant de parler de distribution, il faudrait parler
de promotion et il pense que les livres n’ont de chance de trouver un écho
auprès du lecteur que lorsqu’une campagne publicitaire a été bien menée. En
fait « la bouche à oreille » est aussi assez efficace. « Si nous voulons par
conséquent que le livre littéraire tunisien soit bien distribué dans les
espaces commerciaux, il faut que l’éditeur fasse son travail en démarchant
le livre correctement. Et là, se pose la question de la qualité de ce livre,
de son contenu conforme aux centres d’intérêt du public, etc.. Il faut
comprendre que le livre doit être promu comme tout autre produit consommable
avec les règles, les normes et le marketing que cela implique ». Mais cette
approche toue azimuts du respect des lois du marché n’est elle pas
préjudiciable pour le livre
d’auteur ? J’ai remporté un certains nombre de marchés contre des concurrents
libanais. En fait il existe un savant dosage à trouver. « je ne suis pas
éditeur, mais je sais que les maisons d’édition ne sauraient survivre que
cela soit pour vendre le livre sur le marché local où à l’exportation si le
produit ne trouve pas un écho auprès de la clientèle. Il s’agit de faire du
livre commercial le fonds de commerce de l’éditeur, et de cette façon il
peut, en assurant les rentrées et le revenu nécessaires, financer
indirectement le livre d’auteur. C’est donc un système de vases communicants
qui permet à l’éditeur d’équilibrer son budget et de se faire connaître sur
la place. Sinon c’est lui qui périclitera et c’est le livre d’auteur à
faible tirage qui ne trouve pas de soutien qui est le grand perdant ».

Un coup d’oeil sur les statistiques du commerce extérieur tunisien pour les
8 premiers mois de l’année 2005 montrent qu’à part la France, la Libye
constitue un bon client pour la Tunisie (seconde position des importateurs).
Que pense M. Graba de ce marché : « La Libye est notre voisin immédiat, nous
possédons la même mentalité, la même langue et la même culture et il est par
conséquent normal que le chiffre de nos exportations de livres sur ce pays
soit assez élevé. Il ajoute qu’en fait il faudrait à distinguer les marchés
du Maghreb de ceux des autres pays arabes, «car avec les pays du Moyen
Orient, en dépit d’une similitude de langue et de religion, la mentalité est
différente et cela se répercute sur la culture véhiculée et sur le livre
exporté en particulier ».

La balance commerciale pour le chapitre 49 montre cependant un déséquilibre
flagrant. Cela signifie-t-il que nous soyons largement dépendants des
importations? Existe-t-il un effort pour diminuer cette dépendance et sur
quoi doit il être axée selon lui? Il répond avec philosophie
«Vous savez, le déséquilibre provient de l’inégalité dans la détention de la
connaissance et du savoir. La Tunisie importe surtout des livres
scientifiques nécessaires aux recherches et aux études universitaires qui
ont un coût très élevé mais que nous ne pouvons pas omettre d’acquérir. Nos
universitaires et chercheurs commencent cependant de publier pour le marché
local et même à exporter et l’espoir doit venir de leur côté pour combler le
gap qui existe ».

 

Par ailleurs, les obstacles tarifaires et non tarifaires (notamment les
droits de douane) représentent ils à un frein à l’exportation du livre
tunisien ? « Pas du tout »répond il. «Tous les pays du monde encouragent
l’importation du livre. Les droits de douane sont par conséquent nuls et le
livre tunisien ne trouve aucun obstacle de ce type sur son chemin». Avis
partagé par Karim Ben Smaïl.

Il apparaît néanmoins qu’il existe un créneau certain pour les livres
scolaires tunisiens à l’exportation surtout sur les pays africains,
puisqu’en 2004, un peu plus de la moitié des ventes totales de la Tunisie du
Chapitre 49 ont été affectées aux marchés de la Guinée équatoriale et du
Burkina Faso; quels seraient à son avis les facteurs de compétitivité de la
Tunisie pour ce produit?

« Je suis, affirme-t-il, le premier exportateur de livres en Tunisie et les
pays de l’Afrique subsaharienne que vous avez cités ont absorbé mes produits
l’année dernière. Mais je vous informe que j’ai l’intention de renforcer
encore plus ma présence dans ces pays. Avec les nouvelles opportunités
ouvertes par le financement du FAMEX, je projette d’y installer des
succursales et même de rechercher des nouvelles formules de partenariat avec
les instances publiques et privées. J’estime en effet, qu’il est anormal
pour un africain de continuer à consommer des ouvrages scolaires en
provenance des pays occidentaux comme la France ou la Belgique. Il est plus
intelligent de dispenser un enseignement conforme à la
culture locale et pour cela il faudrait solliciter les nombreux auteurs et
universitaires locaux pour contribuer à la réalisation de supports de type.
Je sais que les imprimeries africaines ne sont pas intégrées et accusent un
retard au niveau technologigue. C’est pourquoi, je pense que mon imprimerie
en sous traitant les ouvrages scolaires reproduira en quelque sorte notre
propre expérience en matière d’acquisition d’une autonomie en matière de
contenu d’enseignement à dispenser aux élèves, sans compter que le coût de ces
ouvrages sera inférieur à celui des livres scolaires importés et je suis sûr que
cette idée trouvera un encouragement auprès des gouvernements des
institutions en Afrique subsaharienne car elle permet d’avancer encore plus
vers l’idée d’indépendance culturelle et d’intégration du continent » .

 

Qu’en est il des commandes pour l’année 2005 sur le Sénégal et
la
Mauritanie en ce qui concerne le livre scolaire ? « Ce sont des marchés également très intéressant sur
lesquels je travaille et dans lesquels des
importateurs ont passé des commandes cette année. Par conséquent les chiffres
des ventes du chapitre 49
en 2005 ont accusé une baisse par rapport à ceux de 2004, mais la réalisation
des ventes correspondant à des commandes à la fin de l’année, permettra de
rattraper ce retard ».

Que pense en outre Samir Graba de la nouvelle technique adoptée par les
libraires tunisiennes en ligne qui développent des sites WEB de vente ou de
promotion du livre littéraire scientifique en ligne : « C’est une bonne
technique et j’ai moi même acquis quelques livres universitaire par ce biais
avec le e-Dinar. Je ne peux donc que l’encourager. D’ailleurs avec le temps, et
une fois les sites tunisiens réunis et répertoriés par les grands moteurs de
recherche, l’Internet deviendra aussi un bon moyen pour exporter le livre
tunisien et générer des revenus en  devises
».

 

Karim Ben Smaïl abonde dans le même sens: « C’est une bonne chose, et ma
maison d’édition s’est déjà positionnée sur le créneau a déjà elle aussi
fait son introduction dans ce marché, et même plus car les autres sites
servent davantage à informer sur le livre, or nous avons un programme de
ventes en ligne relativement ambitieux et qui vise à terme l’export. En
fait, quand il s’agit de distribuer en Tunisie, je pense que le problème ne
se pose pas vraiment. Par contre quand il s’agit d’exporter, les choses
deviennent plus compliquées compte tenu du coût de l’acheminement du
courrier jusqu’à la destination finale. Le prix d’un livre peut doubler
juste en raison des répercussions de ce facteur.

 

Enfin les deux professionnels pensent-ils que le Ministère de la Culture a
un rôle dans l’exportation du livre et si oui
l’exerce-t-il effectivement à l’état présent ? En tout état de cause
qu’attendent-ils de lui ?

S. Graba pense que le ministère de la culture a un grand rôle à jouer dans
la promotion du livre tunisien :
il fait actuellement un effort méritoire matérialisé par l’existence d’une
commission d’achat susceptible d’acquérir un quota pour les maisons de
jeunes, les bibliothèques publiques, les cadeaux offerts aux personnalités ;
etc …pour aider les auteurs et les éditeurs. Il procède aussi à un
dégrèvement sur l’importation du papier que cela soit indirectement de la
part de l’éditeur ou de la part de l’imprimeur». Mais il peut faire selon
lui beaucoup plus. «le financement direct est toujours source d’ambiguïtés
et de contestation. Je suis adepte du proverbe chinois qui dit qu’il ne faut
pas offrir à quelqu’un du poisson mais qu’il vaut mieux lui apprendre
à pêcher. Ce que pourrait faire par exemple le Ministère c’est la création
d’un fonds culturel pour financer le recours à des compétences techniques
pour la réalisation d’oeuvres de fiction par exemple. La réussite du Best
Seller Da Vinci Code est le résultat du concours et de la contribution d’une
pléiade d’historiens et de chercheurs qui ont donné aux évènements qu’il
décrit un semblant d’authenticité. La véracité du déroulement des faits
auquel il fait référence (Prieuré de Sion, Opus Dei, Graal, …etc. ) était
contestable mais juridiquement inattaquable car il ne s’agit que d’une
interprétation de la vie de Jésus même si elle est fantaisiste. Le concours
d’experts est toujours utile à la réalisation de l’oeuvre littéraire et il
est tout à fait légitime que ces derniers demandent la rémunération des
efforts qu’ils effectuent pour mener leurs recherches techniques à bonne
fin. C’est pourquoi la création de ce fonds et d’autre mesures de même portée
pourrait le pousser à se regrouper et à créer de sociétés de services
artistiques ».

 

Pour K. Ben Smaïl « Le
Ministère de la Culture fait déjà beaucoup d’efforts
au niveau de l’encouragement de la création littéraire. Il existe aussi
beaucoup d’idées en gestation pour promouvoir le livre tunisien. Pour faire
connaître la Tunisie et la promouvoir à l’étranger, il existe des
excellents ambassadeurs : le Foot, bien sûr, et aussi le livre. On commence à
comprendre l’importance de ce dernier en tant que moyen de diffuser notre
culture et notre civilisation au delà de nos frontière. Pourquoi en effet ne
pas offrir à un important hôte étranger ou à des partenaires commerciaux lors
d’une mission ou d’une foire, un livre au lieu de gâteaux ou d’un article
d’artisanat (l’un n’empêche pas l’autre)? Par ailleurs des prix littéraires
comme ceux délivrés par la COMAR sont une excellente formule qu’il s’agit
d’encourager et de généraliser au grand profit de la promotion du livre
tunisien ».

Des perspectives donc mais aussi un grand chantier qui exige beaucoup de
persévérance ….

 

Evolution de la
balance commerciale du CH 49 (Livres) 8 M 2004/2005

Période

8 M 2004

8 M 2005

EV%

IMPORT 49

27158007 

28649292

5,49

EXPORT 49

3546853

1848123

47,89

SOLDE

23611154 

26801169

13,51

TC%

13,06 

6,45

6,61

Source
DOTI

 

 

Hatem
Karoui

(La
Tunisie-Economique

Novembre-Décembre 2005)

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