A la
question de savoir si un pays peut, comme jadis le Japon et la Corée du Sud,
utiliser le piratage comme un raccourci vers la maîtrise de la technologie,
le vice-président de la Business Software Alliance a répondu que chacun
avait son interprétation de cette expérience.
Malgré une tendance à la baisse, le taux de piratage de logiciels reste
élevé dans le monde. C’est le constat qu’a fait M. Laurent Masson,
vice-président pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la Business Software
Alliance (BSA), lors de la journée de sensibilisation sur «la protection de
la propriété intellectuelle levier du développement de l’économie et du
secteur des technologies de la communication», organisé mardi 24 janvier par
le ministère des Technologies de la Communication, en partenariat avec cette
organisation qui, depuis 1988, défend les intérêts d’une trentaine parmi les
plus importants éditeurs de logiciels internationaux.
Toutefois, même s’il reste globalement important, le piratage n’a pas la
même ampleur partout. Ainsi, le taux de piratage était en 2004 de 23% en
Amérique du Nord, de 37% dans l’Union Européenne, de 53% en Asie-Pacifique
et de 58% dans la région Moyen-Orient – Afrique.
Ce phénomène, qui bouffe plus du quart des ventes de logiciels dans le
monde, avec 21 milliards de dollars sur un total de 80 milliards de dollars,
fait sentir ses effets négatifs de trois manières, analyse le vice-président
pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la BSA.
Le premier effet négatif est d’ordre moral, en ce sens que «la plupart des
pays sont signataires des conventions internationales» se rapportant à la
protection de la propriété intellectuelle mais ne font rien ou si peu pour
en appliquer les dispositions. Donc, «il est important d’avoir une image en
ligne avec les conventions signées», recommande M. Laurent
Masson.
Le piratage a également un impact social puisque «la tendance à
l’exploitation des cadres» les pousse à vouloir immigrer vers «des
environnements plus protecteurs des droits».
Le troisième impact est d’ordre économique. Sur ce plan, le piratage
constitue une «entrave au développement d’industries créatrices d’emplois»
et «à l’investissement national et étranger», génère dans un même pays une
situation de concurrence déloyale» entre les entreprises respectueuses de la
propriété intellectuelle et celles qui la violent, provoque des «pertes en
termes de recettes fiscales et parafiscales» et porte un préjudice matériel
aux créateurs.
Même s’il s’interdit de brandir la menace de sanctions contre les pays où le
piratage est monnaie courante, le vice-président de BSA agite la carotte en
se basant sur «une étude internationale indépendante» conduite en 2005 par
l’IDC pour «évaluer l’impact sur les économies locales de la baisse du taux
de piratage de 10 points d’ici 2009».
Ainsi, dans la zone Moyen-Orient – Afrique, où le marché des technologies de
l’information et de la communication s’élève à 17 milliards de dollars, avec
plus de 220.000 emplois directs et des recettes fiscales estimées à 6,6
milliards de dollars, une baisse du taux de piratage de 58 à 48%
entraînerait une croissance du chiffres d’affaires du secteur de 3,8
milliards de dollars, une augmentation des recettes fiscales de 669 millions
de dinars et la création de 13.000 nouveaux emplois.
Sur le plan mondial, une baisse de 10 points sur quatre ans permettrait de
«créer 2,4 millions de nouveaux emplois à forts salaires», car «l’industrie
du logiciel est un moteur de croissance pour le secteur des technologies de
l’information en particulier et pour toutes les économies d’une façon
générale», souligne M. Masson.
Bien assimilé, le discours de M. Laurent Masson a été accepté par
l’assistance dans tous ses aspects, sauf sur un point à propos duquel
l’orateur n’a pas tellement convaincu : l’éventuel rôle du piratage dans
l’accès de certains pays aux technologies.
Evoqué par le vice-président pour le Moyen-Orient et l’Afrique de la
Business Software Alliance, le cas du Japon, dans lequel M. Masson a vu
l’exemple parfait de l’abandon de la pratique du piratage, a été l’objet de
différences d’appréciation.
«La contrefaçon n’est-elle pas un moyen d’arriver à la maîtrise de la
technologie ?», s’est demandé en particulier M. Majed Khalfallah, directeur
à Tunisie Télécom et secrétaire général de l’Association des Logiciels
Libres.
Admettant que «chacun peut avoir son interprétation» de ce cas, M. Laurent
Masson s’est contenté de rappeler que le Japon et la Corée du Sud ont
«décroché» de la contrefaçon après s’être développé économiquement.