Il
devient un «velouté de pois chiches au pain d’époque» et sur la carte d’un
bon restaurant parisien, son prix passe à 6 euros servi d’une manière qui rendrait
jaloux plus d’un restaurateur tunisien à Tunis …… C’est aussi une sorte de
transfert et d’enrichissement de l’art culinaire, ce qui m’amène à
parler de la présence tunisienne dans cette grande ville.
Il faut rappeler qu’il y a en France environ 800.000 tunisiens dont à peu
près 100.000 dans la capitale –ce sont des estimations basées sur une
approche très sommaire.
On peut en général les découper en 3 catégories principales, bien que ce que
l’on appelle les Tunes constituent un corps bien particulier sur lesquels je
reviendrai.
– Commençons par les purs beurs, j’ai très peu de données sauf que l’un des
gosses du poste transfo était tunisien ou d’origine tunisienne et que ça a
déclanché la crise des banlieues et son père est venu déposer plainte à
Tunis … Il est utile de constater que pour toute cette catégorie sociale,
l’Etat fait d’énormes efforts pour leur faire connaître le pays, les
encadrer et leur montrer que leur pays ne les oublie pas, ce qui fait
grincer les dents de la FFF qui voit beaucoup de ces futurs Zidane adopter
la nationalité tunisienne à l’âge de 18 ans. Et ça donne cette équipe
tunisienne qui, malgré le faux pas guinéen, est une bonne équipe jeune et
pleine d’avenir.
Pour ce qui est de cette catégorie sociale, les médias français
ont un curieux langage : quand un beur fait de bonnes choses, il est
Français et si jamais il fait une bêtise, il devient Français d’origine
maghrébine ….no comment : ainsi, quand on explique à un Français la
signification du prénom de Zidane, dans la majorité des cas, il sursaute ou
profère «m…. alors»
– Les commerçants : dans pratiquement tout Paris, ou presque, les magasins
d’alimentation sont tenus par des gens du Sud tunisien et sont concurrencés
par les Chinois qui, eux, sont de plus en plus partout. Ils sont ouverts
plus 12h par jour et font partie du paysage, assistent la personne âgée
qui vient chercher son yaourt, l’étudiant qui vient acheter sa pomme et ont
depuis la Leclérisation du commerce d’alimentation sauvé le commerce de
détail.
Discrets, efficaces, ils constituent un circuit économique tuniso-français on ne peut plus solide et fonctionnel et font vivre selon
l’expression consacrée «ceux qui sont restés là bas». On trouve aussi dans
les quartiers étudiants traditionnels quelques restaurants tunisiens, mais
la chawrmisation a enlevé tout goût à cette nourriture qui vient du sud : c
est une sorte de charwarma Donald non structuré ….
– Les cadres tunisiens à Paris : il y a de quoi faire une thèse sur ce
sujet, car si la première génération de cadres diplômés de France revenaient au pays souvent avec une compagne
rencontrée sur les bancs de l’université, on assiste depuis quelques
décennies à des phénomènes inverses : entre la sélection du bac –200
étudiants en moyenne– et les bacheliers mission, il y a environ chaque année
200 étudiants et étudiantes qui étudient et ensuite s’installent en France
et a priori le font sans difficulté, vu qu’ils sont en train de remplacer
une partie des 100.000 cadres français qui s’expatrient vers l’Amérique et
……sans trop m’engager il y a de moins en moins de mariages mixtes. On voit
des couples tuniso-tunisiens vivre ce double contexte tuniso-français sans
perdre leur identité et, semble-t-il en occupant des postes confortables et
sans trop subir les délits de faciès ….
Enfin, je voudrais parler de ce qu’à Paris on appelle les tunes -selon un
habile jeu de mot en argot la thune c’est de l’argent- et sans vous faire un
dessin, il s’agit de tous les pieds noirs tunisiens qui ont leur site
Internet et continuent à avoir des relations économiques et
sociales très poussées avec leur pays de naissance et en défendent ardemment
ses intérêts à l’occasion.
Dans cette série d’articles, j’ai parlé de Paris, de l’euro, de la culture
et des Tunisiens, il faudra bien que je consacre le dernier article aux
…Français, sujet quasi inépuisable pour lequel une iranienne a répondu
quelques siècles plus tard «comment peut-on être Français» à Montesquieu
qui, lui, se posait la question comment être persan ?