La
question fait encore une fois l’actualité. Cette fois, c’est à l’occasion de
la visite du président Donald Kaberuka à Abidjan. La BAD reviendra-t-elle en
Côte d’Ivoire ?
Pour la presse ivoirienne, qui accuse à longueur de colonnes l’ancien
président Omar Kabbaj d’être derrière le transfert des activités de la
banque africaine à Tunis, l’arrivée de Kaberuka est, selon les médias
ivoirienne, le signe d’un éventuel retour de la banque à Abidjan.
La réponse, nous la tiendrons de Donald Kaberuka lui-même, qui précise que
“La Bad n’a pas quitté la Côte d’Ivoire”. C’était au cours d’un point de
presse organisé mardi 7 mars à l’issue de sa visite à Abidjan durant
laquelle il a eu une série de rencontres avec plusieurs ministres dont le
Premier ministre.
Seulement voilà, plus d’un observateur s’accorde à dire que la réponse est
beaucoup plus diplomatique qu’autre chose et que ce que veut comprendre la
presse ivoirienne n’est pas obligatoirement la réalité. Et si l’on se tient
aux déclarations de M. Kabruka prononcées la veille, on comprend mieux.
Ainsi, le lundi 6 mars, il disait (à Abidjan aussi) que le retour des
activités de la BAD à Abidjan exige une stabilité politique et le
rétablissement de la paix. Ce qui n’est pas encore le cas. De plus, “les
actionnaires de la Banque ont affirmé que le siège reste Abidjan et que les
conditions de retour dépendront de l’évolution de la situation politique”, a
–t-il dit à l’issue de son entretien avec le Premier ministre ivoirien.
En d’autres termes, Tunis pour la BAD n’est qu’une antenne de relocalisation
et non le siège, mais que le retour au siège demeure conditionné par la
stabilité politique et que seuls les membres du Conseil d’administration de
la Banque sont aptes à définir ce qu’est une stabilité politique.
A Tunis, on voit les choses autrement. Contrairement à la presse ivoirienne
qui cherche tous les signes d’un retour, les Tunisiens cherchent plutôt tous
les signes pour que le provisoire de l’antenne de relocalisation demeure le
plus longtemps possible, voire à jamais. Si d’aucuns n’espèrent que la
situation conflictuelle ivoirienne s’éternise, il n’en demeure pas moins que
les propos de Kaberuka sont analysés à la lettre.
On fait ainsi beaucoup attention quand il rappelle que «s’il n’y a pas la
sécurité, la paix, cela va compliquer les choses davantage» et,
naturellement, on aurait préféré ne pas l’entendre avoir dit que «les
actionnaires ne sont pas opposés à un éventuel retour de l’institution à
Abidjan».
On fait aussi beaucoup attention à l’absence d’aides et d’assistance
financière de la BAD à la Côte d’Ivoire et ce depuis quatre ans. A ce
propos, le président de la banque africaine a déclaré que depuis quatre
années, également, la Côte d’Ivoire n’honore plus ses engagements vis-à-vis
de la Bad, qui s’élèvent à plus de 340 millions de dollars. «Dire dans un
pays que celui-ci n’honore pas ses engagements financiers est assez peu
diplomatique, juge-t-on, et ne reflète pas le retour imminent (ni
même dans les deux ans à venir) de l’institution à Abidjan, contrairement à
ce que laisse entendre la presse ivoirienne».
Créée en 1964, la Banque africaine de développement est une banque
multilatérale de développement soutenue par 77 pays d’Afrique, d’Amérique du
Nord et du Sud, d’Europe et d’Asie. Elle avait été relocalisée début 2003 à
Tunis à la suite de l’éclatement de la crise ivoirienne en septembre 2002.
Depuis, les Ivoiriens regrettent ce départ. Grâce à leur niveau de vie bien élevé, grâce à
une certaine sociabilité, les centaines d’agents de la BAD (1200
approximativement) contribuent à l’activité économique de la région. Mais au-delà de l’économie, ils ont fait rappeler aux Tunisiens
leurs origines africaines avec une sociabilité et une amabilité de plus en
plus croissante avec les agents de la BAD.