SICAR : Un bilan maigre, mais des meilleures perspectives

Par : Tallel
 

SICAR

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Par
Tallel
BAHOURY

 

fiscalite130406.jpgPour marquer le 10ème
anniversaire de la promulgation de la loi sur les Sociétés d’investissement
de capital risque, l’Association tunisienne des investisseurs de capital ‘’ATIC’’
a réuni la semaine dernière à Tunis les représentants de toutes les
institutions tunisiennes -ou presque- concernées par la création
d’entreprises : SICAR, BCT, BAT, BFPME, SOTUGAR, BMN…

Tout a été dit ou presque sur la question de la création d’entreprises, le
rôle des SICAR et des autres institutions financières, les limites de la loi
sur les SICAR, etc.

La conjugaison des efforts, en plus de la législation, était sensé mettre en
place une puissance de feu créatrice d’entreprises. Mais à l’analyse de la
situation, le constat est loin d’être satisfaisant : une quarantaine de
SICAR ont vu le jour, elles gèrent une enveloppe globale d’environ 600
millions de dinars et ont financé 1.400 projets (soit une moyenne de 140
projets par an et un peu plus de 3 projets par SICAR et par an).

Partant de l’objet même du capital-risque rappelé par le président de l’ATIC,
M. Alaya BETTAIEB, D.G. de la SODIC, ‘’le Capital-risque est une forme de
financement permettant de procurer à des PME, les fonds propres nécessaires
à leur développement et à leur croissance. C’est du capital octroyé sans
garantie, sans intérêt bancaire, et avec un délai de grâce de remboursement
suffisant pour que l’entreprise puisse atteindre l’objectif escompté, et
surtout l’assistance et l’encadrement de l’équipe qui accompagne le
financement’’, on peut donc légitimement se demander si les SICAR ont bien
joué leur rôle au vu des statistiques indiquées plus haut.

Sans vouloir incriminer les SICAR, on peut tout de même s’interroger sur
leur véritable apport dans la création d’entreprises et ce par rapport aux
incitations que leur procure la législation en matière fiscale.

Mais poursuivons avec M. Alaya BETTAIEB qui insiste en ajoutant que les
Sociétés d’investissement à capital-risque ont pour objet la participation,
pour leur propre compte ou pour le compte des tiers et en vue de sa
rétrocession, au renforcement des fonds propres des entreprises et notamment
des entreprises :

– promues par les nouveaux promoteurs tels que définis par le code
d’incitations aux investissements,
– implantées dans les zones de développement régional, telles que fixées par
ledit code,
– objet d’opérations de mise à niveau,
– rencontrant des difficultés économiques et bénéficiant de mesures de
redressement conformément à la législation en vigueur,
– qui réalisent des investissements permettant de promouvoir la technologie
ou sa maîtrise ainsi que l’innovation dans tous les secteurs économiques.

Concernant les incitations fiscales, on peut noter du côté des SICAR que
cela concerne essentiellement l’exonération d’impôts sur les plus-values si
50% des ressources sont investis dans les 5 priorités mentionnées…

Pour sa part, le souscripteur peut bénéficier du dégrèvement fiscal au
capital souscrit si sa participation est bloquée pendant 5 ans, et si 30% au
moins des ressources de la SICAR sont investies dans les Zones de
développement régional ‘’ZDR’’ ou Nouvelles technologies ‘’NT’’.

Alors pourquoi ça n’a pas marché avec toutes ces incitations ? D’aucuns
considèrent que les SICAR se sont tout simplement détournées de leur
vocation initiale qui est la création et l’appui aux entreprises, se
contentant le plus souvent de gérer des vieux créneaux. D’autres voient
comme origine de la baisse du montant de l’investissement par projet, les
exigences de garanties réelles et l’augmentation des placements en liquidité
auprès des banques comme facteurs ayant engendré les lacunes du bilan.
Certains disent ouvertement que les SICAR ont détourné la loi à leur profit.
Bien entendu, nous ne sommes pas des exports pour démontrer tout cela, mais…
! Qu’à cela ne tienne. Il y a un fait imparable : le bilan est faible par
rapport à l’esprit de la législation en matière de SICAR.

Dans ce cas, est-ce que la coopération entre le SICAR et les autres
organismes a bien fonctionné ? Selon le DG du Bureau de mise à niveau, M.
Moncef Mrad, la participation des SICAR dans le Programme de mise à niveau
PMN a été jusque-là faible. Les chiffres cités plus haut l’attestent
amplement.

Cependant, n’y aurait-il pas un problème intrinsèque aux SICAR ? Ont-elles
des reins ‘’financiers’’ suffisamment solides pour financer, accompagner et
appuyer, dans les règles de l’art, une entreprise en gestation ? Pourquoi
tant de SICAR ? Pourquoi ne se spécialisent-elles pas ? Quelle est leur
valeur ajoutée dans la promotion de la création d’entreprises dans les
régions ? En fin de compte, qu’est-ce qui différencie les banques et les
SICAR ?

Mais les entreprises tunisiennes, elles aussi, ne sont pas exemptes de tout
reproche ; loin s’en faut : Acceptent-elles le partage de la gouvernance, de
la gestion, autrement dit, les chefs d’entreprise sont-ils favorables à
l’ouverture du capital et à la transparence ?….

Voilà des questions de fond auxquelles il faudrait apporter des réponses
claires pour une éventuelle évaluation des SICAR, et par conséquent une
nouvelle façon de les repenser leur action.

Justement, un expert en la matière apporte de l’eau au moulin dont l’exposé
devrait être examiné avec minutie. En effet, dans son intervention, M.
Marie-Annick, tout en soulignant que les équipes de gestion (en Europe
s’entend) sont passées d’une vision financière à une vision industrielle en
passant par la stratégie…, s’interroge tout de même sur la transposabilité
du modèle européen en la matière vers les pays du Bassin sud de la
Méditerranée, qui suppose un certain nombre de critères :
 

– culturels et psychologiques:
des chefs d’entreprise favorables à l’ouverture du capital et à des
procédures internes de gestion,
– règlementaires et fiscaux, encadrant une profession structurée,
bénéficiant d’un statut favorable,
– macroéconomiques suffisants pour attirer des investisseurs, conformes aux
standards internationaux,
– sociaux et politiques de soutien à l’entreprise privée.
 

Pour elle, ‘’depuis longtemps,
la Tunisie a intégré la plupart de ces éléments en organisant le cadre
nécessaire au développement de cette industrie. Il faut maintenant le faire
savoir (investisseurs institutionnels et entrepreneurs) et développer
l’information pour faire sauter les freins culturels et psychologiques
(entrepreneurs et grand public)’’.

Pour ce faire, elle propose :

– Une structuration juridique et fiscale
– Le développement de l’esprit d’entreprise
– Des marchés financiers et bancaires modernisés
– Des opérateurs très professionnels.

Selon Mme Annick, ces messages doivent être dirigés vers :

– les Pouvoirs publics qui détiennent les clefs de l’ouverture,
– les investisseurs nationaux et internationaux pour les attirer,
– les entrepreneurs pour faire comprendre les avantages (sans cacher les
contraintes) d’une ouverture de capital,
– et les professionnels pour travailler dans un cadre attractif.

Mais elle va au bout de son raisonnement en indiquant qu’il faut convaincre
les Pouvoirs publics de leur rôle capital, incitatif et structurant dans la
consolidation du cadre juridique et fiscal, d’améliorer les systèmes
d’éducation, de renforcer les liens interrégionaux :

– Volonté de développer l’entreprise privée et de créer un cadre
règlementaire viable.
– Reconnaître le capital investissement comme un facteur de développement
économique: créer des structures juridiques spécifiques trans-régionales sur
les modèles internationaux existants.
– Reconnaître le capital investissement comme un métier de professionnels et
autoriser des incitatifs pour attirer de bons gestionnaires, faire revenir
les étudiants formés à l’étranger.
– Soutenir certains segments de marché lorsqu’il y a un manque: seed, start
up et expansion (ex: le statut JEI en France, US SBA, Sofaris en France).

– Soutenir la convergence vers les standards internationaux de gestion,
encadrer les droits de propriété intellectuelle.
– Attirer les investisseurs nationaux et étrangers en confortant les places
financières (alléger la règlementation des marchés) et en assurant une
fiscalité non pénalisante.
– Lancer des programmes de privatisation.
– Développer l’éducation économique…

In fine, la responsabilité est partagée quant au bilan peu brillant de la
création d’entreprises en Tunisie, et par voie de fait, il est indispensable
les parties en jeu se parlent afin d’avancer et trover d’autres pistes… plus
prometteuses.