Même
s’il a rejeté les plaintes de la Chambre Nationale des Conseillers Fiscaux
et d’un groupe d’avocats, contre le cabinet «Gide Loyrette Nouel» et ECTI,
le Conseil de la Concurrence n’a pas donné raison totalement et sur tout à
ces deux organismes.
Au cours des derniers mois, le Conseil de la Concurrence a eu à connaître trois affaires (deux introduites par la Chambre Nationale des Conseillers
Fiscaux contre ECTI et Gide Loyrette Nouel, et une troisième plainte
présentée par un groupe de 40 avocats contre ce cabinet français) qui lui
ont permis de poser des principes importants et de délimiter les contours de
notions fondamentales, concernant le mode d’exercice de certaines activités,
en particulier par des entités étrangères.
Même s’il a donné raison à Gide Loyrette Nouel et à ECTI, le Conseil de la
Concurrence ne l’a pas fait totalement et sur tout. Ainsi, il a rejeté
certains des arguments sur lesquels ces deux organismes se sont fondés pour
demander le rejet des plaintes portées contre eux.
Gide Loyrette Nouel a fondé sa demande sur le fait que les demandes du
plaignant ne relèvent pas de la loi sur la concurrence et les prix, et parce
que la Chambre des Conseillers Fiscaux, n’exerçant pas la profession
d’avocat, n’est pas qualifiée pour porter plainte. Un argumentaire que le
Conseil de la Concurrence a rejeté, qui estime ladite chambre qualifiée pour
être requérant dans cette affaire et ce en sa qualité de membre de l’Union
tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) –à laquelle
la loi sur la concurrence et les prix reconnaît, ainsi qu’à d’autres
organismes-, dans son article 11 (nouveau) le droit de porter plainte devant
le Conseil de la concurrence.
Sur le fonds, le Conseil admet que «du point de vue de la
jurisprudence et de la justice que l’exercice d’une activité économique de
la part de celui qui n’a pas la qualité pour s’insérer dans les cas de la
concurrence déloyale». Ensuite, il considère qu’il n’y a pas perturbation de
l’équilibre du marché» ni entrave des mécanismes de «manière à porter
atteinte à la liberté de la concurrence dans le secteur concerné», «lorsque
la part d’une société ayant commis les actes incriminés ne représente qu’une
infime partie du marché».
De même, le Conseil met en exergue le fait que le plaignant n’a pas produit
de preuves à l’appui de ses accusations, ainsi que l’article 11 de la loi
sur la concurrence et les prix lui en fait obligation dans son cinquième
paragraphe. Accusations, insiste le Conseil, dont l’enquête en rapport avec
la plainte de la CNCF contre Gide, menée par ses soins, n’a pas non plus
permis de prouver le fondement.
Dans l’affaire ayant opposé quarante avocats à Gide Loyrette Nouel, le
Conseil de la concurrence a également mis en exergue l’absence de preuves.
Ainsi, ce groupe d’avocats s’est vu reprocher de s’être «contentés
d’énumérer les cas d’interdiction et d’incompatibilité entre l’activité de
ces entreprises (Gide Loyrette Nouel et Gide Loyrette Nouel Tunisie, ndlr)
et les dispositions de la loi organisant la profession d’avocat et la loi
concernant la protection du consommateur». Ce qui sous-entend que si de
telles preuves avaient été fournies, ces deux affaires auraient pu prendre
une autre tournure.
Mais dans l’affaire des avocats contre Gide Loyrette Nouel, est allé plus
loin en suggérant une voie alternative : les tribunaux ordinaires. Tout en
rappelant que la jurisprudence du Conseil de la Concurrence a toujours
considéré que «l’exercice d’une activité économique organisée de la part de
celui qui n’a la qualité pour faire partie des cas de concurrence déloyale»,
le Conseil a affirmé que de telles affaires relèvent de ces tribunaux et ne
sont pas de son ressort que lorsque ces pratiques portent atteinte à la
concurrence.
Dans l’affaire «ECTI» également, le Conseil de la Concurrence a rendu un
jugement qui ne donne raison totalement à aucune des deux parties en
conflit. Certes, le Conseil a débouté la CNCF de sa demande de condamner
ECTI, toutefois il a rejeté la lecture des responsables d’ECTI -selon
laquelle leur organisation n’est pas une institution économique mais une
association à but non lucratif dont «le rôle se limite à présenter une
assistance technique aux pays en développement» et «une organisation
non-gouvernementale n’exerçant pas d’activité commerciale, ce qui ne permet
de la soumettre à la loi sur la concurrence et les prix». Le Conseil l’a
fait en soulignant que «le concept d’entreprise économique ne se définit
pas, du point de vue de la loi sur la concurrence et les prix, sur la base
de critères juridiques purs mais économiques». Ce qui lui permet d’englober
«toutes les sociétés, les organismes et les regroupements et toutes les
entités physiques et morales exerçant une activité économique, et cela
indépendamment de leur nature et de leur forme (…)».
Aussi, ETCI ayant admis qu’elle présentait conseil, études et formation avec
contrepartie touchée directement des entreprises bénéficiaires, cette
organisation est «considérée comme une entreprise économique». Mais si le
Conseil de la Concurrence a finalement rejeté le recours contre ECTI, c’est
pour les mêmes raisons mises en avant dans les affaires CNCF-Gide et
Avocats-Gide : absence de preuves attestant que les actes incriminés ont
bien perturbé le marché.