Le phénomène de fuite des
cerveaux du continent africain vers les pays développés n’est pas nouveau,
mais il devient de plus en plus inquiétant. Mais paradoxalement, c’est de
l’Europe que certaines voix se lèvent alerter sur la situation. C’est le cas
récemment des groupes d’universitaires en Grande-Bretagne qui ont exprimé
des inquiétudes au sujet de l’exode croissant des chercheurs et
professionnels africains.
“Il est difficile d’estimer le nombre de ceux qui partent puisque les
statistiques sont difficiles à obtenir, mais nous savons qu’il y a un flux
net de compétences universitaires hors de l’Afrique”, déclare Brian Everett,
secrétaire général adjoint de l’Association des enseignants de l’Université
(AUT) en Grande-Bretagne. Ceci concerne toutes les disciplines bien que cela
soit plus accentué dans le domaine des sciences et de la médecine”, a-t-il
ajouté.
Brian Everett a également expliqué que les mouvements migratoires sont
complexes et basés sur des décisions individuelles souvent influencées par
l’état de l’économie des nations d’origine ou des conditions de
l’enseignement supérieur”. Bien entendu, les principales nations développées
sont les grands bénéficiaires même si que la Chine elle-même se développe à
un degré tel qu’elle aussi pourrait en bénéficier.
On se rappellera certes de la perte des universitaires talentueux de la
Grande-Bretagne au profit des USA, mais une fuite des cerveaux moins connue
est l’exode des talents universitaires de l’Afrique subsaharienne vers le
monde développé -avec des conséquences préjudiciables et potentiellement
désastreuses.
Faut-il dire donc que les gouvernements africains sont inconscients ou
incompétents ? Comment est-ce possible de développer un pays sans ses forces
créatrices que sont les intellectuels ? En tout état de cause, les guerres
civiles n’expliquent à elles seules l’état de l’Afrique aujourd’hui, mais
les politiques menées par les différents gouvernements qui se succèdent à la
tête de ces pays. Qu’on parle de chômage dans un pays suffisamment
développé, cela se comprend, mais d’un pays où les besoins vitaux tels que
manger à fin, l’eau potable, l’électricité, routes, écoles, hôpitaux… sont
loin d’être assurés, c’est in admissible voire un non-sens.
Certes, la migration internationale des universitaires est largement
acceptée comme étant salutaire aux universités et à la vie universitaire.
Mais tout le monde s’accorde pour estimer que la perte d’universitaires en
provenance de pays en développement peut vider leurs systèmes d’enseignement
supérieur -à moins que des mesures ne soient prises pour atténuer cela.
Les conséquences pour l’Afrique peuvent être alarmantes, parce que les
nations perdantes n’ont pas la base de compétence pour éduquer leurs jeunes
et développer leurs propres économies. De ce fait, soit elles chancellent,
soit elles sont ouvertes aux fournisseurs de l’enseignement privé qui
opèrent sur une base lucrative et qui ont différentes valeurs, notamment en
relation avec la liberté et la recherche universitaires.
Rappelons, enfin, qu’aucune estimation récente des chiffres n’est
disponible, mais la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique
semblait indiquer que l’Afrique a perdu 60.000 professionnels (médecins,
professeurs d’université et autres ingénieurs) entre 1985 et 1990. Et le
développement fulgurant des Nouvelles technologies de l’information et de la
communication n’est sans doute pour arranger les choses.
Alors, jusqu’à quand René Dumont aura raison lorsqu’il a dit, au début des
années 60, que ‘’l’Afrique est mal partie’’ ?