Le robot Qrio dans le bras d’un chercheur de Sony, Fumihide Tanaka,
chargé d’étudier les relations entre les enfants et les robots
Un
garçonnet câline un petit robot humanoïde après l’avoir bordé pour l’aider à
s’endormir. Digne d’un film de science-fiction, cette scène est quotidienne
dans une crèche américaine, où enfants et robots cohabitent dans le but
d’analyser les relations des uns avec les autres.
Ce type
d’expérimentation est conduit depuis mars 2005 par le géant de
l’électronique nippon Sony dans le cadre de ses recherches sur
l’intelligence artificielle, avec le partenariat de l’Université de
Californie à San Diego.L’objectif est de comprendre la façon dont les
enfants, curieux par nature, peuvent développer des émotions face à des
robots.
Et
comment, à partir de là, on peut concevoir des appareils plus conviviaux et
ouvrir de nouveaux horizons… commerciaux.
“Nous,
les adultes, avons tendance à demander aux enfants s’ils considèrent les
robots comme des jouets ou comme des êtres vivants. Mais en réalité, les
enfants ne sont pas enfermés dans ces catégories pré-établies”, explique un
chercheur de Sony, Fumihide Tanaka, 33 ans.
Même si
le groupe japonais a lancé un vaste plan d’économies qui passe par l’abandon
du développement de nouveaux robots domestiques, comme le chien Aibo ou
l’humanoïde QRio, il continue de conduire des recherches sur les interfaces
de communication homme-machine.
“Si nous
parvenons à développer des appareils intelligents, dans un siècle tout le
monde considérera ces technologies comme naturelles et ne se posera pas de
questions”, assure le chercheur.
Depuis
le mois de mars, des enfants âgés de moins de deux ans partagent ainsi leur
quotidien avec un petit robot haut de 58 centimètres.
“Les
êtres humains ont assurément une façon innée de communiquer indépendamment
du langage. C’est avec les enfants que nous pouvons le mieux observer ce
phénomène”, souligne M. Tanaka.
“L’une
des particularités de cette expérience est que nous n’obligeons pas les
enfants à venir dans nos laboratoires. C’est nous qui allons les voir là où
ils sont”, précise-t-il.
Le
chercheur, qui reste invisible en coulisses et ne s’immisce pas dans l’aire
des enfants, pilote à distance le robot via une télécommande ou, moins
souvent, le laisse évoluer de manière autonome.
L’ingénieur a ainsi pu observer des changements comportementaux des tout
petits en fonction de la présence ou non du robot parmi eux.
M.
Tanaka se dit convaincu que les enfants ne voient pas davantage le robot
comme un jouet que comme un être humain, mais comme une sorte d’hybride des
deux. Une notion difficile à appréhender pour les adultes, selon lui.
Les
chercheurs ont tenté des expériences similaires avec un simple jouet
inanimé. Mais l’ersatz fut vite délaissé par l’assemblée.
Au
contraire, le robot suscite d’abord une certaine méfiance, qui se mue peu à
peu en curiosité, puis en affection.
Initialement, les enfants prêtent en effet peu d’attention à leur compagnon
métallique. Mais au bout d’une période d’un à deux mois, ils commencent à
l’aider à se relever lorsqu’il tombe. Après trois mois de vie commune, ils
l’empêchent même de chuter, ont remarqué les chercheurs.
“Les
enfants s’adaptent à leur acolyte et compatissent avec lui, même si personne
ne les oblige à le faire”, commente M. Tanaka.
En avril
2005, un nouveau robot, affublé d’un écran sur le ventre, a rejoint la
crèche, mais cette fois en tant qu’assistant éducatif.
Ces
êtres de métal et de puces, au cerveau informatique, sont amenés à jouer un
rôle grandissant dans la société japonaise, non seulement auprès des jeunes
mais aussi, voire surtout, des personnes âgées dépendantes dont la
proportion ne va cesser de croître au Japon dans les prochaines années.