Dialogue sur le pétrole
cher, l’Opep envisage une mesure spéciale
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Une installation
pétrolière près de la ville saoudienne de Dammam, en 2004
L’Opep pourrait décider lundi lors de sa
réunion au 10è Forum International de l’Energie (IEF) de réactiver une
mesure spéciale afin de calmer le nouvel accès de fièvre des cours du
pétrole, lequel a accaparé dimanche l’essentiel du dialogue entre
consommateurs et producteurs.
Une soixantaine de pays et d’organisations
internationales, dont l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep),
sont réunis à l’IEF à Doha pour tenter d’élaborer une stratégie commune face
aux défis colossaux que tous les experts entrevoient pour le secteur de
l’énergie, ne serait-ce qu’à cause de l’envolée attendue de la demande de la
part des pays émergents.
L’Opep, qui représente 40% de la production
mondiale, avait prévu de longue date de profiter de cette occasion pour
tenir une réunion annoncée comme “consultative”, à l’issue de laquelle
aucune décision n’était attendue.
Mais le franchissement vendredi de la barre
symbolique des 75 dollars le baril l’a mise sous pression. Le G7 Finances et
le Fonds Monétaire International (FMI), réunis ce week-end à Washington, ont
rappelé le risque que fait courir le coût du pétrole à la croissance
mondiale.
Le ministre koweïtien de l’Energie, cheikh
Ahmad Fahd al-Sabah a annoncé dimanche soir qu’il allait proposer à ses
homologues la réactivation de la mesure spéciale prise en septembre après
l’ouragan Katrina aux Etats-Unis.
Il s’agit de la mise à disposition des 2
millions de barils par jour (mbj) supplémentaires que l’Opep peut encore
fournir. En d’autres termes, cela reviendrait à suspendre le plafond de
production, actuellement fixé à 28 millions de barils par jour (hors Irak).
Selon les analystes, seule l’Arabie saoudite
peut à l’heure actuelle réellement produire davantage, mais il s’agit de
brut lourd, peu prisé par le marché. Le ministre saoudien du pétrole, Ali
al-Nouaïmi, considéré comme le véritable chef de file de l’Opep, est attendu
lundi à Doha.
Il n’est cependant pas certain qu’une telle
mesure, si elle est acceptée, suffise à enrayer la spirale des cours: l’an
dernier, ce dispositif avait été jugé inefficace et suspendu au bout de
trois mois. De plus, chacun s’accorde à dire que les cours actuels n’ont
rien à voir avec l’approvisionnement du marché, lequel ne manque nullement
de brut.
En attendant d’éventuelles mesures d’urgence,
tous les responsables politiques présents au Forum ont pu constater qu’ils
étaient globalement d’accord sur le constat de base: bien qu’aucune pénurie
n’ait été ressentie, les cours du brut sont à la fois trop élevés et trop
volatiles, et cette constante incertitude est nuisible aux producteurs comme
aux consommateurs.
Mais le consensus s’arrête là. L’Iran et les
Etats-Unis, en plein bras de fer autour du dossier nucléaire iranien, se
renvoient ainsi mutuellement la responsabilité des inquiétudes géopolitiques
qui perturbent les marchés pétroliers.
Et pour le moyen et long terme, les pays
consommateurs et producteurs se réclament mutuellement davantage
d’investissements et l’établissement d’une “feuille de route”.
Chaque camp exige davantage de sécurité, les
premiers pour préserver leurs économies des ravages de cours trop élevés et
les seconds pour s’assurer que les lourds investissements qu’ils devront
consentir pour accroître leur production seront rentabilisés.
Quoiqu’il en soit, les tensions créées par
plusieurs années de sous-investissement risquent de perdurer plusieurs
années, prévient le directeur exécutif de l’Agence internationale de
l’énergie, Claude Mandil: “le marché va continuer d’être caractérisé par
l’incertitude sur cette période”, a-t-il estimé.