Les finances publiques
britanniques au plus mal depuis 1994
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Le ministre britannique
des Finances, Gordon Brown, le 20 avril 2006 à New York
Le Royaume-Uni a enregistré son plus gros
déficit public depuis 12 ans sur l’exercice budgétaire achevé fin mars,
selon des chiffres publiés lundi qui confirment la dégradation des finances
du pays et augurent de nouvelles hausses d’impôts, de l’avis des
économistes.
Le déficit a atteint 41 milliards de livres (60
milliards d’euros) sur l’année 2005/06. C’est le plus élevé depuis le trou
record de 46 milliards de livres atteint en 1993/94, a précisé à l’AFP un
porte-parole de l’Office for National Satistics (ONS).
Il dépasse de 2% les prévisions du ministre
britannique des Finances, Gordon Brown, pourtant réajustées le mois dernier
lors de la présentation du budget 2006/07, a remarqué Simon Haynes,
économiste de Barclays Capital.
Le déficit du seul mois de mars (16 milliards)
s’est avéré largement supérieur aux prévisions des économistes.
Les emprunts nets du secteur public, mesure que
le gouvernement britannique préfère utiliser pour faire état de ses
finances, sont ressortis à 37,818 milliards sur l’année. Gordon Brown a là
aussi raté son objectif d’environ 2%.
La “règle d’or” budgétaire introduite par
Gordon Brown, dès son entrée en fonction en 1997, impose de n’emprunter que
pour investir, les recettes de l’Etat devant couvrir ses dépenses de
fonctionnement sur la durée d’un cycle économique.
Même s’il parvient à respecter cette règle sur
le cycle en cours, dont il a opportunément modifié la durée, la majorité des
économistes estime que le Chancelier de l’Echiquier amorcera le prochain
avec un trou de plusieurs milliards dans ses finances, qu’il devra combler
en relevant les impôts ou en réduisant drastiquement les dépenses publiques,
ce qui n’est pas au programme.
“Nous continuons de penser qu’il y a un déficit
structurel au coeur des finances du pays et que des hausses d’impôts
significatives seront nécessaires dans les deux prochaines années si le
gouvernement veut respecter sa propre discipline”, a commenté l’économiste
de Barclays.
Le creusement du déficit public britannique est
intervenu alors que la croissance économique du pays a fortement ralenti en
2005, tombant au plus bas depuis 1992, à 1,8% contre 3,2% en 2004, ce qui a
pesé sur les recettes fiscales du gouvernement.
“Tout ce que cela montre, c’est que le
gouvernement a échoué à réduire sa dépendance envers les emprunts: cette
année encore, ses revenus sont bien loin de ses dépenses, et la dette
publique a gonflé de 145 milliards, soit 46%, en seulement quatre ans”, a
souligné Jonathan Said, du Centre de recherche sur l’économie et les
entreprises (CEBR).
La dette du Royaume-Uni était de 459 milliards
de livres à la fin mars, soit 36,6% du produit intérieur brut. Le pays avait
terminé l’année fiscale 2001/02 sur un déficit de seulement 4,32 milliards
de livres. Depuis, il a quasiment décuplé, l’opposition et les milieux
d’affaires dénonçant un gaspillage de l’argent public.
Cette dégradation des finances publiques
britanniques a déjà valu à Londres un rappel à l’ordre de la Commission
européenne, qui a ouvert une procédure pour déficit excessif en septembre
dernier. Le Trésor maintient cependant qu’il respecte le Pacte de stabilité
avec un déficit de 3% en 2005/06, qu’il ramènera à 2,7% en 2006/07 et à 1,5%
d’ici 2010.
Pour y arriver, Gordon Brown table sur un
redémarrage de la croissance, qu’il attend entre 2 et 2,5% cette année.
Alors que la production industrielle patine et que le déficit commercial se
creuse également, un redémarrage de la consommation des ménages semble plus
que nécessaire. Mais les chiffres des ventes de détail en mars, également
publiés lundi, n’ont pas vraiment convaincu les économistes. La première
estimation de la croissance au premier trimestre 2006 sera publiée mercredi.