Zone euro: l’économie
repart, la BCE pourrait se montrer plus agressive
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Le président de la
Banque centrale européenne à Francfort, le 2 mars 2006
La récente foison de bonnes nouvelles
économiques dans la zone euro pourrait conduire la Banque centrale
européenne (BCE) à se montrer plus agressive que prévu dans ses tours de vis
monétaires pour combattre les menaces de surchauffe inflationniste, selon
des économistes.
Jeudi a apporté son nouveau lot de statistiques
favorables : une détente saisonnière du marché de l’emploi en avril et un
bond surprenant de 16% sur un an des entrées de commandes de l’industrie des
machines outils au premier trimestre en Allemagne; un regain de confiance
des industriels en Italie, au plus haut depuis janvier 2001.
Pour lui Holger Schmieding, économiste de la
Bank of America, ces chiffres confirment le scénario de la BCE, selon lequel
“la reprise économique dans la zone euro se renforce et s’élargit”.
Si l’analyste continue de parier sur une hausse
d’un quart de point des taux directeur en juin, “le risque que la BCE
devienne plus agressive et annonce une hausse d’un demi-point en juin
augmente”, souligne-t-il.
En fait, tout parlerait en faveur d’une
accélération du rythme des relèvements de taux, avec un prochain geste dès
jeudi prochain, argumente de son côté Stephane Deo d’UBS.
Il cite la confiance des industriels, au plus
haut depuis cinq ans en France et en Belgique, et même depuis 15 ans en
Allemagne. Malgré un niveau de chômage toujours élevé, les consommateurs
semblent eux aussi reprendre doucement goût à la dépense.
Mieux, des statistiques “dures” viennent
confirmer la tendance à la reprise: les entrées de commandes dans
l’industrie dans la zone euro ont bondi de 2,7% en février comparé au mois
précédent, selon les estimations publiées mercredi par Eurostat, bien au
delà des prévisions d’analystes.
Mais un geste en mai est improbable car le
président de la BCE, Jean-Claude Trichet, s’est lui même fermé cette option,
à la surprise générale, en déclarant début avril que les attentes des
marchés d’une hausse de taux en mai ne correspondaient pas au sentiment du
conseil des gouverneurs.
Parallèlement, les nouvelles hausses récentes
des prix du pétrole brut devraient continuer à nourrir l’inflation. En
Allemagne le taux d’inflation provisoire pour avril est de 2%, contre 1,8%
en mars.
Et après l’accord conclu dans la métallurgie
allemande, où le syndicat IG Metall a décroché une hausse des salaires de
3%, les risques d’effets secondaires –une contagion du pétrole cher sur les
salaires, pouvant conduire à un dérapage généralisé des prix– augmentent,
juge de son côté Elga Bartsch de Morgan Stanley, qui s’attend elle aussi à
une BCE plus agressive.
Pour l’institut, la stabilité des prix est
garantie quand l’inflation est proche mais inférieure à 2%.
Pour couronner le tout, les gardiens de l’euro
ont nettement durci le ton cette semaine. Le vice-président, le Grec Lucas
Papademos, a pour la première fois clairement indiqué que “de nouvelles
hausses de taux d’intérêt dans le courant de l’année (étaient) justifiées”,
compte tenu des menaces de surchauffe inflationniste liées au pétrole cher,
mais aussi à la grimpée des crédits au secteur privé. Des propos repris
jeudi par le président de la banque de Grèce, Nicholas Garganas.
“La BCE n’a pas de modèle de comportement fixé
à l’avance, aussi bien en matière de calendrier que d’ampleur des
changements de taux”, a récemment prévenu le président de la Bundesbank Axel
Weber.
Une autre façon de dire que les économistes,
qui misent pour la plupart sur un relèvement d’un quart de point tous les
trois mois jusqu’à la fin de 2006, pourrait être pris en défaut.
Le principal taux directeur est à 2,50%, après
avoir été relevé de 0,25 point en décembre puis en mars.