La fronde contre les
compagnies pétrolières en Amérique latine s’intensifie
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Vue de l’usine gazière
Sentaka à El Alto, près de la capitale bolivienne La Paz le 1er mai
2006
La nationalisation des hydrocarbures proclamée
lundi en Bolivie constitue un nouvel épisode de la contestation croissante à
l’encontre des compagnies pétrolières étrangères en Amérique latine, où
l’arrivée de gouvernements de gauche a imposé de nouvelles règles du jeu.
Le président bolivien Evo Morales, qui a
toujours dénoncé le pillage du pays le plus pauvre du sous-continent malgré
ses immenses ressources naturelles, a lancé un ultimatum en ordonnant aux
multinationales de verser plus de 80% des bénéfices à la compagnie
pétrolière publique YPFB, désormais chargée de gérer tous les gisements
boliviens.
Jusque-là, la loi sur les hydrocarbures datant
de mai 2005 avait rehaussé à 50% les impôts et royalties à verser par les
compagnies étrangères et restitué à l’Etat le contrôle de la production.
Quelque 26 compagnies étrangères dont Repsol
(Espagne), Total (France), Exxon (Etats-Unis), British Gas (GB), Petrobras
(Brésil), ont désormais 180 jours pour signer un nouveau contrat
d’exploitation dans ce pays qui détient après le Venezuela les deuxièmes
réserves de gaz d’Amérique du Sud, estimées à environ 1.550 milliards de
mètres cubes.
Avec la décision annoncée lundi, M. Morales,
premier président indien de Bolivie, remplit une promesse de sa campagne
électorale.
Il suit aussi l’exemple de son allié, le
président vénézuélien Hugo Chavez, même s’il va plus loin en ordonnant dans
un geste fort la prise de contrôle par l’armée de tous les gisements
d’hydrocarbures en Bolivie.
Le Venezuela vient quant à lui d’imposer aux
compagnies étrangères la stricte application d’une loi sur les hydrocarbures
datant de 2001, en faisant passer les impôts sur les bénéfices de 34% à 50%
et les royalties de 0% à 30%.
Le président Chavez a contraint les groupes
étrangers à modifier des contrats signés dans les années 1990 et à
s’associer systématiquement avec la compagnie publique PDVSA en lui
réservant une participation de 60%.
Une vingtaine de multinationales se sont pliés
à cette exigence, dont les groupes américains Chevron et Harvest, l’anglo-hollandais
Shell, le britannique BP, l’espagnol Repsol, le chinois CNP et le brésilien
Petrobras, alors que la plus grande compagnie pétrolière du monde ExxonMobil
a préféré vendre sa participation dans un gisement.
En revanche, l’intervention de l’armée ne
s’était produite au Venezuela que sur des gisements contrôlés par le
français Total et l’italien Eni pour les inciter à payer les arriérés
fiscaux que Caracas leur réclamait pour avoir profité des précédents
contrats. Petrobras et Shell notamment ont déjà réglé plus de 30 millions de
dollars et Total a récemment cédé en remboursant des arriérés estimés à 108
millions de dollars.
En Equateur, cinquième producteur d’Amérique
latine, avec 530.000 barils de brut par jour, le gouvernement a imposé en
avril une nouvelle loi sur les gains des pétroliers étrangers.
Devant la flambée du prix du pétrole, Quito a
décidé de répartir à égalité les bénéfices provenant de la différence entre
le prix du marché du brut à l’exportation avec le prix fixé dans leur
contrat.
Le Pérou pourrait suivre ce mouvement de fronde
en cas d’élection du nationaliste Ollanta Humala, vainqueur du premier tour
de la présidentielle.
Ce dernier a du reste promis, en cas de
victoire, des “nationalisations stratégiques” dans le domaine des
hydrocarbures et des mines, et la révision des contrat des compagnies
étrangères.
Plus symboliquement, le président argentin
Nestor Kirchner avait de son côté lancé l’an dernier un boycottage des
multinationales en raison de l’augmentation de leurs prix de l’essence sur
le marché intérieur, faisant plier Esso puis Shell qui avaient vu leurs
ventes diminuer de 50%.