Les Etats veulent reprendre
aux majors le contrôle des ressources naturelles
___________________________________
Une installation
pétrolière appartenant à la compagnie brésilienne Petrobras à Tarija
au sud la Bolivie, en juin 2004
La nationalisation des hydrocarbures en Bolivie
est une mauvaise nouvelle pour les compagnies internationales, de plus en
plus soumises aux contraintes imposées par les Etats pour explorer les
ressources naturelles.
Cette décision du président bolivien Evo
Morales confirme “un mouvement de nationalisme pétrolier et gazier en
Amérique latine, Venezuela et Brésil en tête, dont la contagion pourrait
s’étendre au Mexique”, juge Nicolas Sarkis, expert reconnu du secteur et
directeur de la revue Pétrole et gaz arabes.
Evo Morales a annoncé lundi que les gisements
d’hydrocarbures, aux mains de 26 compagnies étrangères, allaient passer dans
le giron de la compagnie publique nationale. La Bolivie détient les
deuxièmes réserves gazières d’Amérique du sud, derrière le Venezuela.
Le groupe espagnol Repsol-YPF, qui contrôle
25,7% de la production de gaz bolivien, soit 17% de ses réserves, a exprimé
mardi sa préoccupation, tandis que le français Total et l’américain
ExxonMobil, qui détiennent des parts dans la production de gisements gaziers
suivent de près la situation.
La Commission européenne s’est également dite
“soucieuse” après la publication du décret de nationalisation.
Pour M. Sarkis, “c’est un signe inquiétant pour
l’avenir car les pays où les compagnies peuvent travailler librement sont de
plus en plus rares”
La Russie, qui abrite d’immenses réserves
gazières, autorise les investissements étrangers à condition que les groupes
russes détiennent 51% des contrats d’exploration. L’Iran, quatrième
producteur de pétrole au monde, a inscrit dans sa Constitution
l’interdiction du régime de concession pour verrouiller l’accès aux
ressources.
Et dans la plupart des pays producteurs, comme
en Arabie Saoudite, même si aucune loi ne l’impose, il est en général
incontournable pour les compagnies étrangères de nouer des partenariats avec
les groupes locaux, fait valoir une grande compagnie pétrolière
internationale.
Pour Pierre Terzian, directeur de la revue
Pétrostratégies, la décision de La Paz est “logique” dans le contexte d’un
baril dépassant les 70 dollars: chaque fois que le prix du brut s’envole,
les Etats alourdissent la fiscalité pour que les firmes étrangères ne soient
pas les seules à augmenter leurs profits.
Mais “pour la première fois dans l’histoire,
cela arrive à un moment où le monde a le plus besoin d’investir dans des
capacités nouvelles de production”, relève-t-il. “In fine, on risque
d’assister à la fermeture de l’accès aux réserves et des possibilités
d’investir pour les étrangers”, prévient-il.
Avec la flambée des prix, le rapport de force
avec les Etats producteurs a changé, juge M. Terzian. “On le voit bien avec
l’exemple du Tchad, tout jeune pays producteur, qui n’hésite pas à affronter
la Banque mondiale”, note-t-il.
Et même si de guerre lasse, certaines
compagnies abandonnent la partie pour des pays moins contraignants, “les
Etats qui ont besoin de capitaux, d’expérience et de technologie, n’ont pas
besoin d’entreprises” avec un statut de producteur: “Tout s’achète, par le
biais de contrats de service par exemple”, analyse M. Sarkis.
La décision de la Bolivie n’est cependant
qu'”un feu de paille”, tempère Pierre Terzian, au regard des vagues de
nationalisation des hydrocarbures lancées dans les années 70 notamment par
l’Irak et l’Algérie, et avant par l’Iran. “Les grands groupes se sont
toujours adaptés”, affirme-t-il.