Le monde arabe ne veut
plus se contenter d’être le premier partenaire économique de l’Union
européenne. Il réclame l’instauration d’un «partenariat stratégique»
couvrant tous les autres domaines, notamment politique, e droit de la partie
européenne à la satisfaction de ses besoins en pétrole à des prix
équitables».
Apparemment invraisemblable, dans la situation actuelle de très forte
tension sur le marché du pétrole -où le prix du baril a crevé le plafond des
70 dollars et semble bien parti pour atteindre, voire dépasser, la barre des
80 dollars-, cette phrase a pourtant bien été prononcée et figure dans la
«Déclaration de Paris», publiée jeudi 27 avril par le «1er forum du dialogue
arabo-européen» (Paris, 26-28 avril 2006).
Les pays arabes seraient donc prêts à discuter d’une formule en vue de
garantir l’approvisionnement de l’Union européenne à des prix autres que
ceux pratiqués sur le marché, et ce bien que le rapport des forces leur soit
favorable probablement pour longtemps encore.
En effet, les spécialistes s’accordent à dire que l’on «va vers un contexte
énergétique mondial caractérisé par une croissance importante de la demande
et un essoufflement de l’offre. D’autant qu’il n’y a pas de surcapacité
utilisable, y compris en Arabie Saoudite, dont le pétrole sulfureux n’est
pas du genre le plus recherché», explique Nicolas Sarkis, directeur du
Centre Arabe d’Etudes Pétrolières (France). En conséquence, la concurrence
est de plus en plus rude entre pays consommateurs du pétrole qui devient «un
enjeu crucial dans les relations internationales».
Le pétrole et le gaz représentent plus de 70% des exportations arabes vers
l’Union européenne (d’une valeur avoisinant les 130 milliards de dollars),
premier marché des pays arabes avec 32% du total, devant l’Asie (25%) et les
Etats-Unis (11,7%).
Avec 5,1 millions de barils par jour, l’Europe absorbe près de 25% des
exportations de pétrole arabe. Mais si le monde arabe est disposé à faire un
geste en faveur de l’Europe, c’est seulement en échange de l’engagement de
cette dernière dans un «partenariat stratégique» qui était au centre du «1er
forum du dialogue arabo-européen», organisé à l’initiative de la Ligue des
Etats arabes et avec la bénédiction de la France, dont le président M.
Jacques Chirac a accordé son haut patronage à la manifestation.
Toutefois, l’Union européenne ne semble pas intéressée par ce deal que lui
propose le monde arabe ; et c’est là le sens du boycott de la rencontre de
Paris par l’Union européenne qui devait y être représentée par M. Javier
Solana, Haut représentant pour la politique européenne, et secrétaire
général du Conseil européen, pourtant annoncé parmi les orateurs de la
séance d’ouverture. Un acte dont le sens n’a pas échappé à M. Amr Moussa,
secrétaire général de la Ligue arabe : «Pourquoi nous n’avons pas réussi à
établir ce dialogue ? Pour saucissonner le dialogue, car les intérêts
exigent cela, et ce sont des intérêts à court terme ?».
«Saucissonner» le dialogue avec les Arabes, c’est traiter séparément avec
les différents groupes (UMA, Conseil de Coopération du Golfe, 5+5, etc.). Ce
dont la Ligue arabe ne veut plus et entend le faire savoir à la partie
européenne.
Reprochant à l’Union européenne sa «non-participation» au forum de Paris,
qu’il trouve «inacceptable», le Secrétaire général de la Ligue arabe promet
de mettre cette affaire sur le tapis dès la première rencontre
arabo-européenne à venir, et de tout faire pour que le dialogue new-look que
demande la partie arabe ait lieu et débouche sur le «partenariat
stratégique» souhaité.
Déterminé, M. Amr Moussa réitère qu’«il est impossible que l’Europe soit le
premier partenaire économique (du monde arabe) et qu’on ne parle pas de
stratégie». D’ailleurs, la «Déclaration de Paris» abonde dans ce sens en
soulignant «l’importance de la dimension politique du dialogue et, par
conséquent, de la nécessité de la coordination et de la consultation entre
les deux parties à propos des questions politiques importantes». Car
«l’absence de cette coordination et, partant, l’éventualité de
contradictions entre les positions politiques des deux parties aura
inévitablement des répercussions négatives sur les autres aspects du
dialogue».
Sur le plan économique, les participants au Forum de Paris ont réaffirmé «la
nécessité d’encourager les projets» favorisant la complémentarité entre
l’Union européenne et le monde arabe, les investissements communs et
d’œuvrer à «combler le fossé entre le Nord et le Sud dans le domaine de
l’économie du savoir».