Un regard d’ensemble sur
les déclarations des responsables de la Banque mondiale concernant la
Tunisie montre que cette institution est préoccupée par quatre dossiers : le
chômage des diplômés du supérieur, l’inefficience des dépenses publiques, le
poids de la masse salariale dans le PIB et les créances douteuses des
banques.
S’agissant du chômage des diplômés, les responsables de la Banque mondiale,
de passage à Tunis, proposent aux autorités tunisiennes l’aide et le
savoir-faire de la Banque pour garantir l’employabilité des filières et
l’adaptation de l’enseignement supérieur aux besoins du marché de l’emploi.
Ils insistent sur l’enjeu pour la Tunisie de réaliser des taux de croissance
plus élevés, d’améliorer l’environnement des affaires et d’œuvrer à
accroître l’investissement privé.
En visite en Tunisie, au mois de juillet dernier, M. Christian Poortman,
vice-président de la Banque mondiale pour la région du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord (MENA), avait indiqué que le gouvernement tunisien
gagnerait à agir sur plusieurs plans. Il s’agit, en premier lieu,
d’accroître l’investissement privé.
Theodore Ahler, Directeur du département Maghreb, à la Banque mondiale,
estime que ces dernières années, la part de l’investissement privé dans
l’enveloppe globale de l’investissement n’a guère dépassé les 13 et 14%. Or,
si le gouvernement tunisien projette de passer à des paliers supérieurs de
croissance, plus de 6,5%, il est impératif, selon lui, d’augmenter la part
de l’investissement privé à 20 voire à 25%, «un taux du reste en vigueur
dans des pays concurrents de la Tunisie», a-t-il dit.
En second lieu, les responsables de la Banque suggèrent d’améliorer
l’environnement des affaires, le but étant de mettre en place un cadre
réglementaire non discriminatoire, c’est-à-dire «un cadre qui soit clair et
appliqué à tous les intervenants de la même manière».
En plus clair, il s’agit de réduire ce qu’ils appellent les «incertitudes
qui proviennent des interventions trop lourdes et souvent discrétionnaires
de l’Etat».
A partir de là et de façon concrète, Theodore Ahler recommande d’améliorer
la visibilité et la transparence à tous les niveaux.
Par visibilité, il entend l’effort à fournir pour informer à temps et à
sensibiliser les entreprises aux enjeux des stratégies arrêtées à court et
moyen termes et à les préparer aux échéances futures comme de la mise en
place vers 2008 d’une zone de libre-échange euro-méditerranéenne.
Par transparence, il entend la promotion de la bonne gouvernance des
entreprises, la publication de bilans et des comptes dans les temps et la
transparence des interventions de l’Etat. L’accent sera mis également sur la
promotion de l’administration électronique qui constitue un mécanisme de
transparence de premier choix.
Par amélioration de l’environnement des affaires, la Banque mondiale entend
en outre l’action à mener pour renforcer ce que ses responsables appellent
«la logistique» perçue à leurs yeux comme un indicateur de compétitivité de
premier ordre.
En clair, la logistique est perceptible à travers la disponibilité d’une
infrastructure structurante (transport, télécommunications) et d’une
administration moderne non discriminatoire.
Troisième recommandation de la Banque mondiale : assurer une plus grande
efficience des dépenses publiques et veiller à assurer une meilleure qualité
des services sociaux. Pour les responsables de la Banque, l’important ici
n’est pas de réduire les dépenses publiques dans les services sociaux mais
d’en améliorer l’efficience et la qualité.
La BM est particulièrement préoccupée par le poids de la masse salariale
dans le PIB. Estimée à 12%, la part de cette masse est relativement élevée.
«Cette rigidité, explique Théodore Ahler, a pour désavantage de réduire la
capacité des pouvoirs publics de réagir aux chocs (sécheresse, crises…).
Selon lui, «l’accroissement du service public ne peut pas être vu comme une
solution pour réduire le chômage».
Dernière recommandation, réduire les créances en souffrance. Pour la Banque
mondiale, le niveau des crédits accrochés demeure élevé. Estimés à 20% des
engagements bancaires, ces crédits constituent un coût assez élevé pour
l’économie du pays.
Par delà ces préoccupations et les pistes explorées pour y remédier, la
coopération entre la Tunisie et la Banque mondiale se déroule assez bien. Un
programme annuel de financement variant entre 200 à 300 millions de dollars
par an est proposé au gouvernement tunisien pour appuyer les principaux
objectifs de développement durant la période 2005-2008. Ce programme
comporte une composante pour évaluer les risques, en atténuer l’acuité et
privilégier les résultats.
A noter, enfin, que le portefeuille des prêts accordés par la Banque à la
Tunisie comprend 17 projets en cours d’exécution pour un concours total
estimé à 846 millions de dollars.