Sans aides, l’Autorité
palestinienne cessera de fonctionner, estime la BM
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Le Premier ministre
palestinien issu du Hamas, Ismaël Haniyeh, le 19 avril 2006 à Gaza
La crise financière provoquée par la suspension
des aides risque de paralyser l’Autorité palestinienne et de réduire à néant
douze ans de contributions internationales destinées à jeter les bases du
futur Etat palestinien, a averti lundi la Banque mondiale (BM).
“Si l’Autorité palestinienne reste impayée ou
payée au minimum pendant plusieurs mois, elle risque de cesser de
fonctionner: les fonctionnaires ont déjà commencé à ne plus s’acquitter de
leurs charges en signe de protestation et ce phénomène devrait s’intensifier
lorsque le personnel se mettra à chercher d’autres moyens de subsistance,”,
écrit la BM dans un rapport.
Les pays donateurs, notamment l’Union
européenne et les Etats-Unis, ont suspendu leurs aides directes à l’Autorité
palestinienne depuis l’entrée en fonctions en mars du gouvernement dirigé
par le mouvement radical Hamas.
Israël a pour sa part gelé le transfert mensuel
aux Palestiniens de quelque 60 millions de dollars collectés sur les
marchandises destinées à la Cisjordanie et la bande de Gaza qui transitent
par le territoire israélien.
Dans ce contexte, les quelque 160.000
fonctionnaires et membres des services de sécurité de l’Autorité
palestinienne, dont la masse salariale s’élève à quelque 120 millions de
dollars par mois, n’ont pas été payés depuis mars. Un tiers de la population
palestinienne est dépendante de ces salaires.
Selon la BM, un effondrement des institutions
palestiniennes réduirait à néant, en l’espace de quelques semaines, des
années de travail et créerait une situation difficilement surmontable.
“Des structures complexes, comme les systèmes
scolaires, ne sont pas des machines qui peuvent être arrêtées ou démarrées
par une simple touche de bouton”, explique l’institution.
“Si l’Autorité palestinienne est paralysée pour
une période prolongée, cela pourrait torpiller les efforts déployés par les
donateurs depuis une douzaine d’années pour mettre en place les institutions
efficaces nécessaires pour le futur Etat palestinien ou pour le
fonctionnement du régime de transition”, avertit le rapport.
Il affirme en outre que le non-paiement des
traitements des membres des services de sécurité pourrait se traduire par
une détérioration de la situation sécuritaire dans les territoires
palestiniens.
“Le non-paiement, le paiement partiel ou
irrégulier des salaires pourrait provoquer un relâchement de la discipline
au sein des services de sécurité”, souligne le rapport.
“La détérioration de l’environnement
sécuritaire pourrait rendre plus difficile le fonctionnement du
gouvernement, du commerce et des agences de secours”, ajoute-il.
Soulignant que la crise à laquelle fait face
l’Autorité palestinienne est “sans précédent”, la BM affirme que celle-ci
n’avait à disposition en avril qu’entre 50 et 55 millions de dollars contre
une moyenne de 180 millions de dollars par mois en 2005.
“Si les restrictions actuellement en place sont
maintenues ou sont renforcées, les revenus internes de l’Autorité
palestinienne pourraient n’atteindre que 25 millions de dollars par mois”,
affirme la BM.
Dans une lettre au Quartette pour le
Proche-Orient –Etat-Unis, Union européenne, Russie et Onu– qui se réunit
mardi à New York, M. Abbas a appelé à une reprise des aides financières pour
“éviter une crise humanitaire réelle”.
Le président français Jacques Chirac avait
proposé, en recevant M. Abbas fin avril, la création d’un “fond fiduciaire”
gérée par la BM pour permettre le versement d’aides qui permettront à
l’Autorité palestinienne de payer ses fonctionnaires.
Dans son rapport, la BM souligne toutefois
qu'”aucun mécanisme” ne peut sortir l’Autorité palestinienne de sa crise
financière s’il n’est pas accompagné d’une reprise des transferts par Israël
des fonds dus aux Palestiniens.