Chine: le yuan continue sa
lente appréciation et passe un cap psychologique
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Liasses de billets de
100 yuans dans une banque à Pékin, le 15 mai 2006
Le yuan continue sa lente appréciation et a
affiché lundi son plus haut niveau depuis la réévaluation de juillet,
passant le cap de 8 contre le dollar, symbolique et encore insuffisant pour
les partisans d’une “vraie” réévaluation.
“Je pense que les pressions pour une
réévaluation vont encore s’intensifier à l’avenir”, a commenté Ning
Xiangdong, économiste de l’Université Qinghua à Pékin.
Pourtant, “ce seuil est important. Son passage
aura une influence économique et psychologique. Gouvernement, entreprises et
individus ayant des dollars vont porter une grande attention à la
situation”, a-t-il ajouté.
Lundi, le yuan a ouvert à 7,9982 contre le
dollar pour clôturer à 7,9976.
Dix mois après sa réévaluation surprise de 2,1%
en juillet, qui l’avait vu passer de 8,28 à 8,11, il s’est donc apprécié de
quelque 1,40% supplémentaire.
Il a également atteint son plus haut niveau
depuis l’adoption par la Chine en 1994 d’un “taux de change flottant
contrôlé” se détachant de l’ancien système totalement artificiel (un dollar
pour 8,7 yuans en 1994 contre 5,80 en 1993).
En janvier, la Chine s’est dotée d’un embryon
de marché interbancaire. Le taux d’ouverture quotidien, décidé par les
autorités, prend en compte les propositions de onze teneurs de compte et
fixe le seuil autour duquel, le yuan est autorisé à fluctuer, dans une
limite théorique de +/-0,3%.
De fait, étroitement contrôlée par la Banque
centrale, la monnaie chinoise se contente de faibles mouvements dans la
bande de fluctuation. En mars, Lehman Brothers avait calculé que les
changements quotidiens depuis juillet 2005 avaient été en moyenne de 0,02%.
Le rythme s’est néanmoins accéléré depuis début
2006, avec parfois des à-coups, concomitants de rendez-vous politiques ou
internationaux.
D’ailleurs, le passage en dessous de 8 “tombe à
point nommé”, a souligné Andy Xie, économiste en chef de Morgan Stanley à
Hong Kong. “Comme si l’appréciation suivait son cours normal, sans répondre
aux pressions extérieures”.
Elle intervient en effet moins d’une semaine
après que le Trésor américain, tout en faisant part de sa “déception”, eut
évité d’accuser Pékin de manipuler sa monnaie.
Washington, qui a estimé son déficit commercial
avec la Chine à 202 milliards de dollars l’an dernier, est à la pointe d’un
combat pour un yuan “sous-évalué”, conférant un avantage concurrentiel
inéquitable à la Chine.
Nombre d’économistes partagent toutefois les
vues des autorités chinoises qui promettent régulièrement une amélioration
du système des changes et, à terme, davantage de flexibilité mais veulent
avancer prudemment.
Le gouvernement ne juge pas les entreprises
chinoises mûres pour gérer le risque des changes et veut renforcer ses
marchés financiers avant d’adopter une réelle flexibilité. Il redoute aussi
les conséquences pour l’emploi et la croissance d’une appréciation brutale,
découlant de la baisse de compétitivité des exportations.
A Pékin samedi, le prix Nobel d’économie 1999
Robert A. Mundell a ainsi estimé qu’une forte réévaluation du yuan pourrait
faire chuter à moins de 5% le taux de croissance en Chine, de 9,9% en 2005.
“Ce serait bien pour la Chine de fixer le taux
de change yuan/dollar à 8. C’est un nombre magique et facile”, a-t-il dit,
jugeant que les autorités pourraient garder ce taux pour les 20 prochaines
années.
Les analystes, dans leur grande majorité,
tablent sur un yuan à 7,8, voire plus d’ici à la fin de l’année.