Enron: l’heure du jugement
approche pour les deux ex-dirigeants
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Jeff Skilling, son
avocat Daniel Petrocelli et l’ancien PDG d’Enron, Kenneth Lay à
Houston, le 12 avril 2006
L’heure du jugement approche pour les deux
ex-dirigeants d’Enron, Kenneth Lay et Jeffrey Skillings, dont le procès,
entamé en janvier à Houston (Texas, sud), doit connaître cette semaine ses
derniers développements.
Les dernières plaidoiries vont commencer lundi
dans ce qui apparaît aux Etats-Unis comme la preuve de la volonté des
autorités de lutter contre la fraude et la corruption au sein des
entreprises.
“En terme de ressources et de temps consacrés à
l’enquête, du nombre de procureurs assignés, l’affaire Enron n’a pas
d’équivalent dans les annales des poursuites engagées contre le crime en col
blanc”, souligne Ross Albert, un ancien procureur pour la Commission des
opérations en Bourse américaine (SEC).
Un verdict de culpabilité justifierait les
efforts de l’équipe spéciale mise en place par les autorités fédérales à la
suite de la faillite d’Enron en décembre 2001, l’une des plus importantes de
l’histoire financière américaine.
“La fraude dans les entreprises et le nom d’Enron
sont devenus synonymes et le succès des efforts du gouvernement seront jugés
en fonction du verdict”, affirme Jacob Frenkel, un avocat, également ancien
procureur.
L’ancien PDG d’Enron
Kenneth Lay, lors de son procès à Houston le 1er mai 2006
La défense a été affaiblie par une prestation
jugée piètre de Kenneth Lay, 64 ans, qui avait fondé le groupe et en avait
repris les rênes dans les mois précédant la faillite.
“De l’avis général, Lay était un excellent
orateur qui n’allait pas avoir de peine à convaincre les jurés qu’il n’était
pas impliqué. Mais il semble qu’il n’y soit pas vraiment arrivé”, estime
Kirby Behre, un avocat spécialisé dans les cas de fraudes au sein des
entreprises.
Plusieurs anciens responsables du groupe ont
témoigné contre leurs deux anciens patrons, dont certains avaient plaidé
coupables en échange de peines allégées.
Pour Kirby Behre, leurs témoignages ont pu être
convaincants mais “il y a toujours l’argument selon lequel des témoins qui
ont choisi de coopérer diront n’importe quoi” pour ne pas aller en prison.
Le cas de Kenneth Lay a été particulièrement
affaibli par le fait qu’il a vendu bon nombre de ses propres actions du
groupe avant la faillite alors qu’il défendait en même temps devant les
analystes et les investisseurs la solidité des finances de son groupe.
“Ken Lay était attendu comme un type bien, le
grand-père et oncle gâteau mais il s’est montré agressif, y compris avec son
propre avocat”, souligne Ross Albert.
Le logo
d’Enron le 9 janvier 2002 au siège de la société à Houston, au Texas
Jeffrey Skilling, 52 ans, qui avait été pendant
longtemps le numéro deux de Kenneth Lay avant de prendre pour quelques mois
sa succession –puis de démissionner abruptement en août 2001– semble
s’être mieux défendu mais son cas semble plus difficile.
“Je pense que Skilling a fait du mieux qu’il
pouvait pour expliquer des faits complexes mais ses ventes d’actions et ses
arguments restent très bizarres”, indique Jacob Frenkel.
Les jurés commenceront leurs délibérations
sitôt après les dernières plaidoiries qui devraient s’achever lundi soir ou
mardi.
Jeffrey Skilling et Kenneth Lay risquent tous
deux plus de 30 ans de prison s’ils sont jugés coupables. Kenneth Lay sera
également jugé à compter du 18 mai pour avoir violé les réglementations
bancaires fédérales.
Le juge Sim Lake a autorisé les jurés –huit
femmes et quatre hommes– à considérer les deux hommes coupables
“d’ignorance délibérée”, ce qui pourrait faciliter un verdict de
culpabilité.
“Cela pourrait faire la différence entre un
verdict coupable ou non-coupable”, indique Jabob Frenkel car “cela n’exige
plus des jurés qu’ils décident si l’accusé a agi de façon délibérée mais
seulement qu’ils déterminent s’il a fui ses responsabilités”.