La Berd franchit une étape
en quittant huit pays, mais des risques demeurent
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Jean Lemierre,
président de la BERD, à Londres, le 25 avril 2006
La Berd a confirmé dimanche lors de sa réunion
annuelle son retrait progressif d’ici à 2010 des huit pays de l’UE qu’elle a
contribué à amener à l’économie de marché depuis 1991, et mis en garde sur
les risques économiques qui subsistent dans sa zone d’activité, malgré une
croissance toujours forte.
D’ici à 2010 la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement ne devrait plus avoir à aider par ses
prêts la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la
Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie, toutes devenues membres
de l’Union européenne le 1er mai 2004.
Elle se concentrera vers les 19 autres pays de
sa zone d’activité, notamment la Russie, et accueillera peut-être un nouveau
venu, la Mongolie.
Le retrait annoncé devrait être progressif
d’ici à fin 2010, et aucun calendrier n’a été mentionné. La Slovénie
pourrait être parmi les premiers, après s’être qualifiée pour l’euro au 1er
janvier prochain.
“Notre banque va intensifier le déplacement de
ses activités vers l’est et le sud (de sa zone d’activité, ndlr) où de
nouveaux défis, de nouvelles difficultés mais aussi, certainement, de
nouvelles opportunités nous appellent”, s’est félicité dimanche Steven
Kaempfer, premier vice-président de la Berd, en ouvrant les travaux de
l’assemblée annuelle qui réunit quelque 2.000 participants dans un grand
hôtel londonien.
Le départ des huit pays de l’UE “signifie que
le travail de passage à l’économie de marché et à la démocratie y sera
terminé”, a-t-il remarqué. Il y a vu “une perspective extraordinaire qui
nous remplit de fierté et d’excitation, et a sa place parmi les évènements
historiques de notre temps et de notre génération”.
Il a indiqué que dans trois ou quatre ans,
environ 40% des quelque 4 milliards d’euros investis chaque année par la
Berd, une entité possédée par 60 pays dont la plupart de ceux où elle
investit, seront investis en Russie, et le reste dans ses autres pays
d’opération, Europe de l’est et du sud-est, Communauté des Etats
indépendants (CEI).
La Russie bénéficiera de projets moins
nombreux, mais portant surtout sur les infrastructures, et les autres pays,
de projets plus petits et plus nombreux.
La croissance a ralenti dans la zone de la Berd
en 2005, mais encore à de très hauts niveaux, 5,6% estimé après un record de
6,7% en 2004. La banque prévoit encore 5,3% pour 2006, puis 4 à 5% par an à
moyen terme.
Le ralentissement est notamment sensible en
Pologne (3,2% estimé pour 2005 après 5,3% en 2004), Roumanie (4% après
8,3%), et Ukraine (2,6% après 12,1%).
Cependant “la région est en train de rattraper
les grandes économies occidentales, et les taux de croissance supportent
favorablement la comparaison avec la plupart des marchés émergents, à
l’exception de ceux d’Asie”, se félicite la Berd.
Elle s’inquiète cependant d’un taux d’emploi
resté faible et d’un chômage élevé dans de nombreux pays, de risques
politiques “dans certaines parties de l’Europe du sud-est et de la CEI”, et
d’un possible désintérêt des investisseurs étrangers dans les marchés
émergents qui “pourrait mettre sous pression les pays qui connaissent déjà
des déséquilibres et des niveaux de dette élevés”.
Le chef économiste de la Berd Erik Berglof a
cependant un peu nuancé ces craintes. “Le tableau général est plutôt
favorable et nous sommes optimistes sur la faculté de ces pays à aller vers
un environnement qui offre moins de liquidités”, a-t-il conclu.
L’efficacité énergétique sera un autre thème
central de la réunion, lundi, où l’économiste et prix Nobel d’économie
Joseph Stiglitz viendra donner son point de vue.