L’idée d’une bulle des matières premières inquiète les économistes

Par : Autres

 

L’idée d’une bulle des
matières premières inquiète les économistes

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Le Chef économiste de
Morgan Stanley, Stephen Roach, le 30 septembre 2004 à Bombay

Le prix des matières premières connaît une
flambée spectaculaire et les économistes commencent à s’inquiéter d’une
“bulle” alimentée par le trop-plein de liquidités au niveau mondial.

 

“La flambée actuelle des prix des matières
premières dépasse de loin tout ce que nous avons vu dans l’histoire
moderne”, souligne Stephen Roach, chef économiste de Morgan Stanley, dans
une note de recherche.

 

“Nous sommes au coeur d’une nouvelle bulle —
cette fois sur les matières premières. Celle-ci aussi va exploser. La
question est juste de savoir quand”, assure-t-il.

 

L’économiste est connu de la communauté
financière pour son pessimisme, mais cette fois il n’est pas le seul à
s’inquiéter.

 

“Je ne suis pas sûr de la définition d’une
bulle”, estime Bill O’Grady de AG Edwards. “Mais visiblement le lien entre
les stocks et les prix s’est brouillé pour beaucoup de matières premières”,
selon lui.

 

Même si les cours ont connu une correction la
semaine dernière, ils restent très au-dessus de leurs niveaux d’il y a
quelques années.

 

Le baril de pétrole, qui était encore de 18
dollars début 2002, tourne autour de 70 dollars aujourd’hui. L’or est passé
de 380 dollars il y a deux ans à près de 700. Le cours du nickel a atteint
mardi un nouveau record.

 

Les économistes soulignent que chaque matière
première a des raisons techniques particulières de voir ses cours grimper:
par exemple la faiblesse de l’offre pour le zinc, et pour le pétrole les
interrogations sur l’issue de la crise iranienne.

 

De manière générale, la formidable croissance
chinoise (10,2% au premier trimestre) contribue à augmenter la demande et à
maintenir les prix élevés.

 

Mais la spéculation semble aussi jouer un rôle.

 

“C’est un marché qui répond plus aux forces
spéculatives qu’aux forces fondamentales de l’économie”, soulignait
récemment le milliardaire américain Warren Buffett, gourou des
investisseurs, cité dans le Financial Times.

 

Pour l’argent par exemple, dont les cours ont
progressé de 70% depuis le début de l’année, l’Institut de l’argent a estimé
mercredi que la hausse était essentiellement due “au regain d’intérêt de la
part des investisseurs”.

 

Mais beaucoup d’économistes expliquent avant
tout le phénomène par un trop-plein de liquidités.

 

“Il est vrai que des facteurs géopolitiques ou
de capacité ont joué un rôle. Mais la force fondamentale derrière ces
mouvements reste l’environnement de taux directeurs bas”, souligne Brian
Wesbury, chef économiste de First Trust Advisors.

 

Des taux bas signifient qu’il est peu coûteux
d’emprunter. Mais que faire de ces liquidités aisément obtenues? Les
investisseurs ont tour à tour jeté leur dévolu sur les actions,
l’immobilier, les obligations — et aujourd’hui les matières premières.

 

Une politique de taux bas était justifiée pour
empêcher un ralentissement de la croissance mondiale, après l’écroulement de
la bulle internet et les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd’hui
cependant les banques centrales remontent leurs taux et “ces liquidités
commencent à se raréfier, ce qui retire l’un des principaux soutiens du
marché des matières premières”, estime M. O’Grady.

 

“C’est pourquoi nous voyons ces soubresauts”,
ajoute l’analyste, en référence à la baisse des cours enregistrée à la
mi-mai.

 

Toute la difficulté sera de dégonfler cette
bulle en douceur, à l’instar de ce qui semble se profiler sur le marché
immobilier. Sans rêver toutefois.

 

“Il faudrait une récession pour ramener le
baril de pétrole à 30 dollars”, avertit Jason Schenker de Wachovia.

 

 

© AFP 2006

Photo : Sébatien D’Souza

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