Fujio Mitarai, nouveau
patron des patrons japonais
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Le nouveau président du
patronat japonais Fujio Mitarailors d’une conférence de presse, le 24
mai 2006 à Tokyo
Fujio Mitarai, le PDG du géant de
l’électronique Canon, qui vient de prendre les rênes de la puissante
fédération patronale japonaise Keidanren, est un manager combinant une
longue expérience internationale à un profond attachement au style de
gouvernance nippon.
M. Mitarai, qui fêtera ses 71 ans le 23
septembre prochain, a remplacé mercredi à la présidence du Nippon Keidanren
l’ex-PDG de Toyota Hiroshi Okuda.
Neveu du fondateur de Canon Takeshi Mitarai, il
a effectué toute sa carrière au sein du groupe, qu’il a intégré à 26 ans
après des études de droit.
Son expérience est marquée par un séjour de 23
ans aux Etats-Unis, au sein de la filiale locale de Canon dont il a gravi
peu à peu les échelons. Il finit par en devenir le président en 1979, un
poste qu’il occupera pendant dix ans.
De cette longue expérience sur l’autre rive du
Pacifique, il garde une admiration pour la souplesse et le dynamisme des
méthodes de management “à l’américaine”… tout en les jugeant largement
inapplicables au Japon.
Il reste ainsi un farouche partisan des
méthodes traditionnelles de gouvernance japonaise, basé sur l’emploi à vie,
l’ancienneté, le consensus et le dialogue avec des syndicats maisons.
Un principe, officialisé chez Canon sous le nom
de “Kyosei” (abbréviation de “vivre et travailler ensemble pour le bien de
tous”), qui permet de forger un sens commun de la destinée garantissant des
relations de travail harmonieuses.
“Certains pensent que le style de management
japonais, symbolisé par l’emploi à vie et l’avancement à l’ancienneté, est
obsolète. Je ne suis pas d’accord”, déclarait-il en 2001 à l’hebdomadaire
nippon Diamond.
“Aux Etats-Unis, les relations entre employeur
et employé sont basées uniquement sur l’argent. A cause de la mobilité de la
force de travail, une entreprise en difficulté voit ses éléments les plus
capables se précipiter vers la sortie. Au Japon, grâce à l’emploi à vie, les
travailleurs ont le sentiment de partager le destin de l’employeur. Je suis
persuadé que c’est cela qui fait la principale force de Canon”,
expliquait-il.
Devenu PDG de Canon en 1995, M. Mitarai a
hérité d’un groupe à bout de souffle, croulant sous la dette et la
bureaucratie.
Depuis, l’entreprise s’est fortement
désendettée. Elle s’est débarrassée de ses activités les moins rentables
comme les ordinateurs personnels, et a opéré une transition précoce vers le
numérique et les autres technologies avancées. Canon est aujourd’hui un des
groupes en meilleure santé dans son secteur.
En 2004, la revue américaine Fortune classait
M. Mitarai à la 9e place des “hommes d’affaires les plus puissants d’Asie”
et le Financial Times à la 10e des “leaders mondiaux les plus respectés”.
Avant de prendre la présidence du Keidanren, M.
Mitarai a délégué de nombreuses fonctions chez Canon à son bras droit
Tsuneji Uchida. Tout en gardant la haute main sur les affaires du groupe,
dont il reste président du conseil d’administration ainsi que directeur
général.
Veuf, père de deux enfants, Fujio Mitarai
affirme ne dormir que cinq heures par nuit et de ne prendre que dix minutes
pour déjeuner.
Contrairement à son prédécesseur au Keidanren,
il est réputé avoir peu de liens avec la classe politique, et en particulier
le Parti libéral-démocrate (PLD, droite) au pouvoir.
Ce qui ne l’a pas empêché d’affirmer, lors de
son discours d’investiture, que le gouvernement et les milieux d’affaires
devaient agir ensemble “comme les roues d’un même véhicule”.
Tout en se déclarant partisan de la “réforme”
et de la “compétition”, mots à la mode dans le Japon du Premier ministre
libéral Junichiro Koizumi, M. Mitarai juge que la course à l’excellence ne
doit exclure personne.
“La société idéale est celle dans laquelle tout
le monde a l’occasion de prendre part à la compétition, et dans laquelle
même ceux qui échouent peuvent retenter leur chance un nombre illimité de
fois”, plaide-t-il.