Nous
allons essayer, à travers ces
lignes, de retracer la ‘’privatisation’’ hors du commun d’une entreprise
tunisienne, afin de montrer le présent de cette SSII tunisienne au potentiel
scientifique et technique important mais qui n’arrive pas à l’exprimer, puis d’entrouvrir, peut-être, des pistes de réflexion pour
qu’enfin IT-COM puisse se débarrasser d’un passé qui l’handicape.
Voici donc le résumé (parce que les détails sont inextricables) du
feuilleton de la privatisation d’une entreprise tunisienne -qui vous
laissera, sans doute, béat.
L’IT-COM, puisque c’est d’elle dont il s’agit, est une transfuge de l’IRSIT
(Institut de recherche en sciences informatiques et de télécommunications)
qui dépendait, à l’époque, du secrétariat d’Etat à la Recherche scientifique
qui, lui-même, était rattaché au Premier ministère.
Reprenons pour le besoin de la compréhension : IRSIT était donc un centre de
recherche étatique -nous insistons sur l’adjectif étatique pour que vous
compreniez la suite. Car, du jour au lendemain –ou presque-, une décision
est prise pour transformer cette structure en une société anonyme. Autrement
dit, une “privatisation” -quelque peu curieuse du reste. Pourquoi ?
En général, une entreprise n’est privatisée qu’après avoir assaini tous ses
comptes et bilans, c’est-à-dire qu’elle repart à zéro. Mais cela n’a pas été
le cas d’IRSIT en devenant IT-COM. Cette dernière draine derrière elle
aujourd’hui des problèmes à vous couper le souffle :
– départ de personnels
techniques,
– des engagements en termes de projets pris par l’IRSIT à honorer,
– préserver les droits sociaux de tout le personnel de l’ancienne structure,
– s’acquitter des dettes envers l’IRSIT,
– sous-capitalisation,
– achever les contrats signés par l’IRSIT et qui étaient souvent
sous-estimés puisque cette dernière n’était pas forcément très regardante
sur la valeur réelle des projets,
– un personnel administratif disproportionné par rapport aux cadres
techniques de l’entreprise, etc.
Première série d’interrogations
: Comment l’IT-COM, malgré toutes les bonnes volontés du monde, peut se
développer et se sentir mieux, financièrement parlant, avec toute cette
kyrielle de devoirs et pas aucun –ou presque- droit ? Pourquoi avoir exigé
que l’IT-COM garde tout le personnel administratif avec ses droits en termes
de salaire ? Pourquoi ne pas avoir permis à cette nouvelle entité de
renégocier les contrats signés par l’IRSIT ?
Que les spécialistes du droit des affaires ou d’entreprises nous rectifient
si on se trompe, mais nous estimons qu’il aurait fallu
indemniser tout le personnel et reconstruire une nouvelle entité économique,
libre à elle de fixer sa stratégie et sa nouvelle méthode de travail avec
peut-être une réelle implication des personnes.
Par ailleurs, des proches du dossier nous ont indiqué que l’évaluation du
patrimoine matériel et immatériel de l’IRSIT (chaises, armoires tables,
avances sur travaux…) était certainement exagérée, puisque une bonne partie
du matériel, pas forcément utile, a dû être bradé au démarrage d’IT-COM.
Voilà, grosso modo, les conditions qui ont conduit IT-COM à faire face à un
endettement chaque année plus conséquent dû à des pertes d’exploitation.
Toutefois, M. Mohamed Mnif n’insulte pas l’histoire, puisqu’il considère
que, malgré tous ces problèmes auxquels son entreprise fait face
aujourd’hui, il y a tout de même quelque chose de positif. C’est qu’une
partie du personnel technique actuel d’IT-COM dérive du centre de recherche
(IRSIT) qui, rappelle-t-il, a eu une aura par le passé (relations avec la
Commission européenne, le Réseau national de recherche et de technologies,
etc.).
Une deuxième série de questions : Quel est le statut réel d’IT-COM puisque
ses principaux actionnaires sont des entreprises publiques ? Pourquoi des arriérés de payement
vis-à-vis d’IT-COM ? Alors que les autres entreprises publiques ont été
privatisées dans les règles de l’art, pourquoi l’IRSIT n’a pu bénéficier de
telles conditions, surtout qu’elle a été privatisée dans un cadre
tuniso-tunisien ? Au final, IT-COM est-elle réellement une entreprise privée
ou semi-privée ? Beaucoup de questions auxquelles nous ne pouvons,
malheureusement, pas apporter de réponses, tant les données semblent
floues.
Cependant, pour l’heure, des défis urgents se posent à IT-COM. Et pour son
manager, il s’agit de mettre en place un plan de pérennisation d’IT-COM,
tout en estimant que c’est la grande question qui sera sur
la table lors de la réunion du Conseil d’administration qui aura lieu dans
quelques jours.
A ce titre M. Mnif souligne que, malgré l’effort incessant d’amélioration de
la situation de la société, il est urgent d’apporter une solution en quatre
volets :
1- trouver des solutions pour le
règlement des anciennes dettes qui sapent les bases d’évolution d’IT-COM,
2- capitaliser la société,
3- trouver des fonds de roulement (l’entreprise a payé, rien qu’en 2004,
quelque 25.000 dinars de pénalité de retard),
4- proportionner le nombre du personnel administratif aux cadres techniques.
Déjà une piste : une étude
aurait été confiée à un bureau d’études qui semble avoir établi un
diagnostic et formulé des recommandations qui seront soumises au Conseil
d’administration.
Rappelons enfin que cette SSII a déployé des solutions un peu partout en
Tunisie et à l’étranger : Tunisie Télécom, SNIT, SONEDE, STB, OACA, la Poste
tunisienne (la dernière en date le nouvel interface ‘’host to host’’ de la
Poste tunisienne et de Western Union), ministère de la Recherche
scientifique et Développement des Compétences, sans oublier les projets
effectués avec la commission européenne et les solutions déployées en dehors
du territoire …
Tout ceci pour dire, en fin de compte, que l’entreprise ne manque
probablement pas de
compétences, mais continue de pâtir d’une transformation mal négociée au
départ.