Pour
Bernard Esambert, la guerre économique est une réalité incontestable qui a
ses règles et ses exigences. Garer sa voiture n’est pas, en général, un
exercice difficile dans certaines grandes villes et métropoles. Il l’est peut-être
davantage au Japon, en particulier pour les propriétaires de voitures
occidentales qui n’ont pas accès à certaines aires de stationnement ouvertes
aux voitures «Made in Japan». Il ne s’agit pas là d’une erreur commise par
inadvertance, mais d’une ségrégation voulue et pratiquée dans le cadre de la
guerre que mènent les Japonais -à l’instar de tous les autres pays de la
planète- en vue de défendre leur industrie automobile contre l’«invasion
étrangère».
Cette guerre économique mondiale a aussi recours à d’autres subterfuges
comme les droits de douane et les normes, note M. Bernard Esambert, pour qui
la guerre économique est la continuation de la compétition économique -entre
entreprises et Etats- par d’autres moyens. Présentées, officiellement, comme
un moyen de garantir la bonne qualité et l’innocuité des produits et
équipements, les normes servent plutôt, très souvent, à empêcher d’entrer ou
de se maintenir sur un marché. En France, par exemple, une norme a été
inventée spécialement pour défendre les réfrigérateurs Thomson face aux
produits de l’Italien Zanussi.
Aujourd’hui largement accepté, le concept de «guerre économique» a été
«inventé» dans les années soixante-dix par M. Bernard Esambert qui avoue
avoir, un moment, renoncé à l’utiliser devant les critiques acerbes essuyées
en Europe et, surtout, aux Etats-Unis. Pour cet expert français qui a
récemment séjourné en Tunisie à l’invitation de l’Association des diplômés
Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE), la guerre économique est aussi vieille
que le monde, puisqu’elle remonte au moins aussi loin que les marchés vénitiens.
Toutefois, dans sa version contemporaine, elle a commencé au début de années
soixante -avec la création des multinationales et de leurs relais dans
différents pays et l’émergence de nouvelles puissances en Asie-, après la
phase de reconstruction consécutive à la fin de la Deuxième Guerre mondiale
en 1945. Subissant une forte pression parce que dans l’obligation d’exporter
chaque jour un peu plus, les entreprises travaillent «un jour sur deux pour
cette compétition économique».
Pour l’emporter, les entreprises et les Etats font jouer leurs atouts :
niveau d’éducation, recherche/développement et innovation «dans la façon de
mettre en ouvre les produits et de les vendre».
Corollaire de la guerre économique, l’intelligence économique, un «concept
aujourd’hui à la mode» -apparu il y a quinze ans en France- impose aux
entreprises de «connaître le marché mondial avec ses composantes
régionales», de faire de «la veille technologique» afin d’être informé de
«l’état des connaissances des concurrents, qui vont leur permettre de
développer des innovations dans les produits et services», et de leurs
stratégies. Un dispositif d’autant plus nécessaire que la compétition
-«expression d’un libéralisme encore sans garde-fou et sans éthique- «va se
poursuivre parce qu’elle suscite l’enrichissement».