Un robot et un humain
font une course de chameau, près de Doha, le 31 janvier 2006
La petite start-up suisse K-Team n’a qu’une trentaine de salariés mais elle
a une star: un robot-jockey “high tech” qu’elle a conçu pour les courses de
dromadaires au Qatar et à qui elle doit aujourd’hui sa prospérité.
Dans cette entreprise de robotique où le doyen des ingénieurs a 30 ans et où
l’uniforme jean-basket est de rigueur, le robot K-Mel est partout: il exhibe
son buste d’aluminium, ses deux bras et son impassible visage à l’entrée du
bâtiment, dans les ateliers et sur une galerie de photos tout à sa gloire.
Depuis octobre 2005, ce robot de 70 cm de haut commandé à distance,
programmable et doté d’un capteur GPS, a remplacé les très jeunes enfants
utilisés comme jockeys sur les courses de dromadaires au Qatar, un
divertissement très prisé dans plusieurs monarchies du Golfe.
La communauté internationale s’était récemment émue du sort réservé dans ces
pays à ces enfants-jockeys, souvent achetés au Bangladesh ou au Pakistan
pour 20 dollars. “Une fois enrôlés, ils sont traités en esclave”, assure le
porte-parole de l’Unicef à Genève Damien Personaz.
Commanditaire de ces robots, le Qatar a cherché autant à “satisfaire la
communauté internationale qu’à apparaître comme un pays en pointe sur la
technologie”, affirme Olivier Magnenat, 30 ans, un des concepteurs du robot
chez K-Team où ce projet a, selon lui, “permis de sauver les meubles”.
Lorsque le Qatar lance son appel d’offres fin 2003, cette start-up créée en
1995 traverse une mauvaise passe liée à l’explosion de la bulle Internet.
“Ce projet était une opportunité… même si on a eu besoin d’un atlas pour
localiser le Qatar!”, confesse Pierre Bureau, ingénieur chez K-Team.
Un chameau et un
robot-jockey, près de Doha, le 31 janvier 2006
Une
escouade d’ingénieurs se rend alors à Doha, effectue des relevés
morphologiques sur les dromadaires, étudie les variations de température. Le
premier prototype qui voit le jour en avril 2004 permet d’empocher le
marché.
A l’été
2005, quelque 150 robots-jockeys, au coût de 15.000 euros l’unité, sont
livrés au Qatar. “Le challenge était énorme. Le robot devait résister à des
températures de 50°C, il a fallu former des gens sur place pour la
maintenance et expliquer aux Bédouins comment manier le robot”, se rappelle
M. Magnenat.
Les
premiers pas de K-Mel sont prometteurs: lors de ses premières courses, il
établit de nouveaux records de vitesse. Mais un problème se pose. “Il était
trop perfectionné. On pouvait enregistrer les pulsations du chameau, lui
donner des instructions via un haut-parleur. Les propriétaires trouvaient ça
trop compliqué”, regrette M. Magnenat.
Aujourd’hui, K-Team travaille sur une deuxième génération de robots plus
légers (8 kg contre 25), plus maniables, sans GPS et… moins chers. “On
nous a aussi demandé de changer le masque du robot qui ressemblait trop à
celui d’un humain, ce qui est contraire à l’islam”, relève-t-on chez K-Team.
Ce
projet fait en tout cas figure d’aubaine pour la start-up. Le budget
porterait sur “plusieurs millions de dollars”, selon un salarié, sans
compter le montant déboursé par le Qatar pour acquérir la propriété
industrielle du robot.