Main tendue vers le contribuable
tunisien pour qu’il renoue avec son devoir fiscal, l’amnistie qui a démarré
le 22 mars nous semble une occasion indiquée pour que chacun d’entre nous se
rappelle du sens et de la vocation originelle de la fiscalité dans les
économies modernes… par la porte de la Supply-Side Economics chère à Reagan
et Thatcher !
L’approche fera certainement sourire les économistes chevronnés, mais nous
avons justement choisi cet exemple extrême pour montrer le plus simplement
possible que les partisans du cantonnement de la fiscalité -dans sa plus
simple expression- ont tort de voir seulement jusqu’au bout de leur nez… ou
jusqu’au bout de leurs élections !
C’est l’économiste américain Arthur Laffer qui a été l’inspirateur de
l’offensive libérale de l’économie de l’offre (Supply-Side Economics, mise
en œuvre dans les années 1980, aux États-Unis par Ronald Reagan et en
Grande-Bretagne par Margaret Thatcher). Celle-ci entame son succès dans les
années 1970 dans un contexte de déréglementation et de libéralisation des
marchés (en particulier le marché du travail et les marchés financiers).
Face à la politique keynésienne de soutien de la demande, l’économie de
l’offre propose d’accroître le potentiel de croissance de l’économie en
diminuant les charges fiscales. Le terme ‘’économie de l’offre’’ est donc
étroitement associé à la prescription politique d’une baisse des taux
d’imposition.
Selon Laffer, lorsque le taux d’imposition s’élève, les recettes augmentent,
mais de moins en moins vite, jusqu’au taux d’imposition pour lequel le
produit de l’impôt est maximal. Si le taux d’imposition continue à s’élever
au-delà de ce niveau optimal, le supplément de recettes obtenu par cette
hausse est alors négatif car un nombre croissant d’agents ne produit plus de
richesses supplémentaires, éliminant ainsi la source de l’impôt. En effet,
le taux d’imposition modifie la structure des prix relatifs et suscite des
réactions de découragement à l’égard du travail ou de l’épargne : c’est
‘’l’effet substitution’’. L’agent substitue au travail d’autres activités
(il se consacre aux loisirs ou à des activités moins taxées). Cela explique,
d’après ces auteurs, le développement d’une économie informelle et l’évasion
fiscale.
Le raisonnement est, certes, séduisant. Mais il renferme une contradiction
majeure qui nous fait revenir au propos essentiel de ce papier. Cette
contradiction, c’est qu’en limitant la fiscalité (parce qu’elle correspond à
un ‘’prélèvement’’ sur les richesses créées), on oublie que l’impôt sert à
financer des dépenses publiques. Toutes ces infrastructures, ces efforts
pour améliorer l’éducation, ce soutien de la recherche… qui sont financés
par l’impôt ont une incidence radicale sur la globalité de l’économie qui,
sans eux, n’y aurait aucune perspective.