Un avion de la
compagnie Singapore Airlines, le 15 mai 2006 à l’aéroport de Singapore
En empochant un contrat de 4,5 milliards de
dollars pour Singapore Airlines (SIA), l’américain Boeing a remporté une
bataille cruciale dans la lutte acharnée qu’il livre à son rival européen
Airbus, déjà plombé par des nouveaux retards dans la livraison de l’A380.
En annonçant mercredi l’achat de 20 Boeing
787-9, SIA a assuré qu’il n’était pas lié aux nouveaux retards dans la
livraison des super jumbo A380 d’Airbus, grand rival de Boeing.
SIA avait indiqué mercredi qu’elle était en
pourparlers avec Airbus en vue d’obtenir une indemnisation du nouveau
retard.
“Nous sommes déçus par l’annonce de délais
supplémentaires mais nous travaillerons en lien avec Airbus pour minimiser
les délais et leurs conséquences”, avait indiqué SIA dans un communiqué.
“Sur la question de l’indemnisation, nous
sommes en discussions à ce sujet avec Airbus”, avait-elle ajouté.
La compagnie singapourienne doit être la
première à affréter l’avion géant dont elle a commandé 10 exemplaires et
placé une option sur 15 autres pour un montant de 8,6 milliards de dollars.
Le contrat SIA avait été claironné comme une
victoire majeure d’Airbus dans le marché asiatique en plein boom, en
particulier avec une Chine qui devrait rapidement devenir le deuxième marché
après les Etats-Unis, avec des besoins en avions neufs compris entre 1.600
et 2.600 unités sur 20 ans, selon les estimations des constructeurs.
Des voyageurs au
comptoir d’Air China à l’aéroport de Pekin, le 3 october 2005
L’avionneur européen compte s’arrroger 50% du
marché d’ici 2013, contre 40% actuellement. La compagnie aérienne Air China
a confirmé jeudi l’achat de 24 Airbus A320 pour la somme de 1,74 milliard de
dollars, partie d’une commande qui avait déjà été annoncée en décembre en
France.
Mais la commande de vingt Boeing, annoncée
mercredi par SIA, est “un revers pour Airbus”, estime Jason Pereira,
analyste chez Globalysis Ltd., à Singapour.
“20 Boeing 787 Dreamliners, c’est une grosse
commande”, souligne-t-il. Elle est la plus importante pour des 787 depuis
celle de l’australien Qantas (115 appareils en janvier), rappelle
l’analyste.
“Boeing était déjà pressenti pour reprendre la
première place de fabricant mondial dans les années à venir… Avec ces
commandes, il semble qu’il va le devenir plus vite que prévu”.
Airbus revendique 52% du marché mondial. Boeing
ne dévoile pas ses chiffres.
Les experts estiment que, derrière le plongeon
mercredi en Bourse de l’action EADS, maison-mère d’Airbus, se cache la
certitude des opérateurs que d’autres mauvaises nouvelles suivront.
“D’autres compagnies vont choisir le 787 contre
l’A350”, prévient un analyste sous couvert d’anonymat.
“La concurrence entre Boeing et Airbus est
féroce en Asie. Ils sont coude à coude et l’annonce des retards de l’A380
est une très bonne nouvelle pour Boeing”, explique Choosak Ratanachaichan,
analyste chez Kasikorn Research Center, à Bangkok.
Mais, “même si Boeing prend la première place,
Airbus va probablement le marquer à la culotte”, souligne l’expert qui
rappelle que l’A320 reste très populaire dans la région.
De plus, même si SIA et Qantas ont dit vouloir
être compensés pour les nouveaux retards des A380, aucune compagnie n’a
évoqué une annulation des commandes.
“Le statut global d’Airbus ne va pas être
sérieusement ébranlé sauf si les clients en appellent à la justice”, estime
Kim Seung-chul, analyste à Séoul pour Kyobo Securities.
Il n’est pas non plus inhabituel pour un
avionneur d’annoncer des retards, souligne Derek Sadubin, du Centre de
l’aviation en Asie-Pacifique, à Sydney. Boeing avait lui aussi eu ce genre
de déboires dans les années 60 avec le 747.
“Il y a toujours des bons et des mauvais
moments… On ne peut jamais éliminer l’une ou l’autre compagnie”, dit-il.